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Les Pratiques

La formation continue universitaire ne décolle pas

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 29.08.2006 | Martine Doriac

Les universités ont des atouts pour former les salariés, mais les entreprises font peu appel à leurs services de formation continue. Réunis dernièrement à Clermont-Ferrand, leurs directeurs ont évoqué des pistes pour pallier les handicaps.

Malgré un dispositif législatif et réglementaire favorable (1), la formation continue universitaire forme à peine plus de 300 000 stagiaires par an (324 200 en 2002, 334 959 en 2004) et 4 % des adultes au niveau licence et plus (2). Si le nombre moyen d'heures/stagiaire (126 heures) est deux fois supérieur à celui des organismes privés (68 heures), les recettes évoluent timidement (194,5 millions d'euros en 2002, 215,7 millions d'euros en 2004). Le potentiel lié à la recherche et au fait de délivrer des diplômes de niveau I et II reste peu valorisé.

Un contexte peu propice à l'émulation

Les universités qui travaillent en relation étroite avec le monde de l'entreprise (Sudes à Lille, Depulp à Strasbourg, Cuces à Nancy, Paris-6 et quelques autres) font encore figure d'exception. Leur autonomie, celle de leurs «composantes» (UFR, laboratoires...) et l'indépendance de leurs enseignants, qui revendiquent leur «distanciation» comme un atout, ont créé un contexte «balkanisé», selon la crainte exprimée par Jean-Marie Filloque, président de la conférence des directeurs de services universitaires de formation continue (CDSUFC), peu propice à l'émulation.

Dans ce système où les carrières se construisent sur les publications et la cooptation, la formation continue n'est ni valorisée, ni valorisante. « L'université française ne cherche pas à être performante. Ça ne l'intéresse pas. Elle s'occupe du pourquoi, de la théorie, pas du comment, l'application pratique, qu'elle laisse aux organismes privés et aux grandes écoles. Et la notion de «deuxième chance» reste étrangère à nombre d'universitaires. Peu connaissent le monde de l'entreprise. Ce qui compte pour eux - leur recherche, l'article ou le livre qu'ils vont publier - n'est pas ce qui compte dans l'entreprise, fondée sur la production de valeur. Cela évoluera le jour où le système de promotion à l'université changera », remarque Luc Ridel, maître de conférences, créateur et responsable du diplôme universitaire de formation d'adultes (Dufa) à l'université Paris-7.

Conscients de ces handicaps, les directeurs de services universitaires de formation continue ont, cette année, invité à leur 33e colloque (3) tous les ingénieurs et conseillers en formation de leurs services, soit 280 participants, à réfléchir à une organisation plus performante. « Il nous manque, constate Jean-Marie Filloque, de mutualiser les informations et les relations que nous avons avec le monde économique. Nous ne sommes pas informés des contrats de recherche signés par nos laboratoires avec les entreprises. Nous avons besoin d'un système plus fédérateur. »

Vice-président de l'université Lille-1 et nouveau président du réseau européen de formation continue universitaire (Eucen), Michel Feutrie, qui a ouvert le colloque, note toutefois une évolution avec la mise en place de la VAE et d'accompagnements. « La formation continue universitaire est mieux intégrée à la politique globale des établissements. Mais c'est une activité où il faut sans cesse se mobiliser et mobiliser, parce que son environnement change très vite. Il faut en permanence convaincre de faire évoluer les choses. On est des militants. Il faut y croire. Car les entreprises ne libèrent pas facilement leurs salariés. »

Recherche de professionnalisation

Point positif : une évolution se dessine dans l'organisation de l'offre de formation. « La multiplication des masters, licences professionnelles et diplômes créés en partenariat avec de grandes entreprises traduit une recherche de professionnalisation en formation initiale et continue. La réforme LMD a lancé une passerelle entre les deux. Ce n'est pas la formation continue qui doit se rapprocher de la formation initiale mais la formation initiale qui va se fondre dans la formation tout au long de la vie. Il est donc nécessaire de s'adapter aux possibilités des salariés de venir à l'université. Il faut réorganiser les temps de formation, par exemple sur des semaines entières plutôt que par tranches de deux heures. C'est sur les stages longs validés par un diplôme d'université que la formation continue a un rôle à jouer », souligne encore Michel Feutrie.

Le siège de Leroy-Merlin a ainsi fait appel, pour la VAE, à l'université de Lille avant d'étendre l'expérience. Le Crédit mutuel a confié à l'université Robert-Schuman de Strasbourg la formation de ses chargés de clientèle, diplôme repris par le Centre de formation de la profession bancaire (CFPB). Mais l'offre, dont les modalités varient d'une université à l'autre, reste peu lisible.

Les régions peuvent-elles et doivent-elles jouer un rôle fédérateur ? Les nouveaux «pôles de compétitivité» peuvent-ils et doivent-ils faire le lien, dans leur domaine, entre universités et entreprises ? Pour l'instant, la recherche et les transferts de technologies sont mis en avant, mais pas la formation.

(1) Code de l'Education et loi Savary du 26 janvier 1984 qui autorise chaque université à créer son diplôme (DU) pour répondre aux besoins nouveaux de qualification et proposer des approches transversales.

(2) Etude Dares 2005.

(3) «Les missions de la formation permanente dans l'université du XXIe siècle», du 31 mai au 2 juin 2006, à Clermont-Ferrand.

Auteur

  • Martine Doriac