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Des bourses d'études pour de futurs cadres étrangers

Les Pratiques | Point fort | publié le : 29.08.2006 | Rodolphe Helderlé

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Des bourses d'études pour de futurs cadres étrangers

Crédit photo Rodolphe Helderlé

Afin de prérecruter de futurs cadres et hauts potentiels pour leurs implantations stratégiques ou, tout simplement, pour tisser des réseaux dans des pays cibles, des entreprises commencent à expérimenter le financement de cursus dans l'enseignement supérieur d'étudiants étrangers en France.

S2M vient de recruter la responsable technique de sa filiale implantée en Russie : une ingénieure russe de 25 ans parlant couramment français. La nouvelle recrue de cette PME française de 160 personnes, leader mondial sur le marché des moteurs magnétiques à grande vitesse, n'était pas une inconnue puisque ses deux dernières années d'études aux Arts & Métiers ont été financées par son actuel employeur. Logiquement, ses deux stages se sont déroulés chez S2M. « C'est une façon de former en amont du recrutement sur un métier très technique qui demande une tournure d'esprit particulière », explique Bruno Wagner, responsable de la communication. Si S2M a identifié et sélectionné elle-même sa boursière, l'entreprise a ensuite confié au réseau n + i la gestion de tout le processus d'accompagnement de la jeune ingénieure durant ses deux ans passés en France (lire encadré p. 20). Le financement de cette bourse d'études constituait une première pour cette PME.

Implantation en Chine

La pratique est tout aussi nouvelle pour les grandes entreprises qui sont, elles aussi, enclines à sous-traiter l'accompagnement des boursiers. STMicroelectronics finance, ainsi, depuis environ deux ans, entre deux et trois bourses d'étudiants chinois dans des écoles d'ingénieurs françaises. La Chine représente, en effet, une implantation stratégique pour le fabricant de semi-conducteurs. A la différence de S2M, STMicroelectronics implique n + i en amont puisque ce sont les correspondants locaux du réseau qui se chargent de la présélection des profils à hauts potentiels dans les universités chinoises, susceptibles de correspondre aux besoins des centres de recherche et développement locaux. « Sans le réseau n + i, nous n'aurions pas financé des bourses d'étudiants en Chine. C'est trop lourd à gérer », souligne Didier Gabin, responsable du développement de l'organisation et des ressources humaines du groupe.

L'approche est très ciblée et les étudiants sélectionnés ont systématiquement un poste déjà identifié qui les attend à l'issue de leurs cursus en France. Le contrat concocté par n + i les oblige à effectuer leurs stages chez STMicroelectronics et à rester au moins trois ans en poste. Si l'étudiant ne respecte pas ce contrat, il est tenu de restituer le montant de la bourse. Un cas de figure qui ne s'est, pour le moment, jamais présenté. « Nous tenons à recruter les étudiants dans leurs pays d'origine. Cela tombe bien, depuis 2004, les étudiants chinois souhaitent de moins en moins s'expatrier », rapporte Didier Gabin, qui siège, par ailleurs, au conseil d'administration du réseau n + i.

STMicroelectronics ne tient pas à multiplier le financement de bourses d'étudiants. Leur nombre annuel pourrait toutefois augmenter un peu du fait d'une ouverture prochaine auprès des étudiants indiens et sud-américains.

Recherche de l'effet réseau chez Total

Chez Total, le financement de bourses ne répond pas à un besoin de recrutement. C'est l'effet réseau que le groupe recherche au travers d'un ambitieux programme créé en 2003. En 2005, 50 étudiants étrangers ont bénéficié du financement des cycles de dix-huit mois très diversifiés en France (Institut français du pétrole, Science po, ENA, HEC, Essec...). Ils sont 60 en 2006.

« C'est d'ici dix à quinze ans que nous mesurerons les bénéfices de ce programme. C'est le temps qu'il faut pour que les étudiants, dont nous avons financé une partie des cursus, atteignent de hauts niveaux de responsabilités dans les compagnies pétrolières ou dans les administrations de leur pays », déclare Jehan-Eric Blumereau, responsable au sein de la DRH des relations avec les universités étrangères et des bourses d'études. Un moyen, pour Total, de tisser des liens avec de futurs interlocuteurs sensibilisés à la culture française. « A l'heure de la mondialisation, c'est essentiel », estime Jehan-Eric Blumereau.

Les étudiants bénéficiaires de ce programme viennent principalement d'Iran, des Emirats arabes unis et de Chine. Au total, 17 nationalités sont représentées. Selon les pays, les filiales de Total vont plutôt rechercher des futurs «pétroliers», tandis que d'autres cibleront davantage des profils de hauts fonctionnaires, des experts de l'environnement ou voudront favoriser le black empowerment, comme en Afrique du Sud.

Retour au pays

Total fait appel au réseau n + i uniquement pour présélectionner et accompagner les étudiants chinois. Dans les autres pays, ce sont les universités locales qui assurent en direct cette présélection, et Total gère seul l'accompagnement des boursiers. Depuis le lancement du programme, seuls une demi-douzaine de boursiers ont été recrutés, car leurs profils correspondaient aux besoins du moment. Même si rien ne les y oblige, la plupart effectuent tout de même leurs stages chez Total, qui s'emploie à cultiver la relation au travers de rencontres périodiques avec ses cadres. Les boursiers s'engagent contractuellement sur un seul point : retourner dans leur pays une fois leurs études achevées. A charge pour les filiales de continuer à entretenir les liens avec les hauts potentiels sur lesquels elles ont misé.

n + i propose une ingénierie des programmes de financement

Voilà maintenant deux ans que le réseau n + i, en charge de la promotion à l'international de l'offre de formation de 60 écoles d'ingénieurs françaises, a «packagé» une offre de service visant à accompagner le financement de bourses par les entreprises.

Présélection dans les universités étrangères, inscription dans l'une des 60 écoles d'ingénieurs françaises du réseau, accueil, logement, assurance santé, aménagement d'un premier semestre de transition pour s'adapter à la langue, voilà un éventail des services proposés aux entreprises qui désirent financer des cursus de deux ans pour des étudiants étrangers.

Le coût moyen global est d'environ 27 000 euros. Depuis le lancement de ce programme, une quarantaine de bourses ont été financées par des entreprises. « Pour les PME, il est possible de mettre en place des cofinancements privés et publics. Cela s'est déjà fait avec des conseils régionaux », explique Jean-Pierre Trotignon, le responsable du réseau n + i qui dépend de l'agence Edufrance.

Les bourses peuvent être également financées au travers d'une fondation d'entreprise. Une formule fiscalement intéressante, mais qui interdit à l'entreprise d'imposer quoi que ce soit à l'étudiant. Même un groupe comme Total, qui ne cherche pas à recruter ses boursiers, n'a pas opté pour le mécénat, estimant que son programme s'inscrivait au coeur de son métier.

L'essentiel

1 Recruter des hauts potentiels étrangers sensibilisés à la culture française constitue un atout à l'heure de la mondialisation. Les étudiants chinois ont actuellement la cote.

2 Le jeune étranger, dont la bourse d'études est financée par une entreprise, est souvent tenu d'accepter l'emploi proposé par celle-ci. Les entreprises qui cherchent à mettre en place un réseau prévoient dans leur contrat le retour de l'étudiant dans son pays d'origine après son cursus en France.

3 Pour un coût sensiblement comparable à celui d'un chasseur de têtes, le candidat est identifié très en amont du recrutement, ce qui limite les erreurs de choix.

Auteur

  • Rodolphe Helderlé