logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Les enjeux RH de la Fonction publique territoriale

Enquête | publié le : 29.08.2006 | Violette Queuniet

Image

Les enjeux RH de la Fonction publique territoriale

Crédit photo Violette Queuniet

Avec des départs massifs en retraite, notamment de cadres, la fonction publique territoriale doit faire face à des enjeux majeurs de GRH : anticiper les besoins, recruter les bonnes compétences, promouvoir la formation pour favoriser les mobilités.

En vingt ans, les effectifs de la fonction publique territoriale ont crû de 43 % pour atteindre aujourd'hui 1 425 294 personnes (1). Une croissance qui s'explique par la forte augmentation de la population urbaine et donc de l'offre de services communaux qui en découle - les communes sont les premiers employeurs, avec 62 % des agents. Quant aux régions et départements, leurs effectifs ont bondi avec la décentralisation et le transfert de certaines compétences de l'Etat. Les régions ont ainsi triplé leurs effectifs en vingt ans. Et, le 1er janvier 2007, les conseils généraux et les régions doubleront leurs effectifs avec le transfert, inscrit dans l'acte II de la décentralisation, de certains personnels de l'Etat (techniciens et ouvriers des directions départements de l'Equipement et de l'Education nationale).

Enjeux majeurs

Mais, dans le même temps, une pénurie de compétences s'annonce à un horizon très proche. Plus âgés que dans le privé, les fonctionnaires de la FPT vont partir en masse en retraite : plus de 30 % d'ici à 2012 et, parmi eux, 50 % de cadres A (équivalent des cadres supérieurs). Les DRH des collectivités sont donc confrontés à des enjeux majeurs : enjeux de recrutements massifs mais aussi de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour mieux cibler les recrutements ; de formation, pour faire évoluer les agents en place et favoriser les mobilités internes afin de ne pas dépendre uniquement de l'offre du marché. « Un phénomène de recrutement sans précédent s'annonce. Mais c'est une illusion de penser qu'il y aura un remplacement poste par poste. La concurrence avec le privé et entre collectivités pour attirer les candidats ne permettra pas de répondre à toutes les demandes. Il faut donc développer les outils d'analyse pour mieux comprendre quels métiers sont concernés et établir des priorités. Les démarches de GPEEC sont nécessaires pour s'y préparer », soutient Nicolas Thill, chef du service du développement des compétences du conseil général de Moselle (lire p.14) et qui a participé à la rédaction du répertoire des métiers territoriaux du CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale).

253 métiers

Ce répertoire de 253 métiers dépasse les notions de cadre d'emploi et de grade, permettant ainsi de travailler sur les compétences. « Tel métier s'exerce dans tel cadre d'emploi (par exemple, un attaché peut exercer une dizaine de métiers). Mais les collectivités les plus avancées en matière de gestion des compétences s'exonèrent de l'articulation stricte entre cadre d'emploi et métier », explique Joëlle Pelosse, consultante chez Algoé, qui conduit de nombreuses missions dans les collectivités (lire p.17). Le statut de la FPT, plus souple que celui de la fonction publique de l'Etat, permet aux collectivités de recruter pour des besoins précis et en choisissant les candidats.

Recherche d'emploi

En effet, la réussite à un concours - obligatoire pour les agents des catégories A et B - ne garantit pas l'obtention d'un poste. Le lauréat doit effectuer une véritable recherche d'emploi et passer des entretiens. Le recrutement de contractuels (près de 30 % des effectifs) est toujours possible, même s'il est encadré.

Pourtant, les rigidités sont nombreuses. La culture légaliste, l'épée de Damoclès du contrôle de légalité (contrôle de la conformité légale des décisions des collectivités par les préfets) et le poids des syndicats alourdissent les procédures de recrutement mais aussi les possibilités de mobilité interne. « Le statut est moins en cause que la façon de l'appliquer. Il faut que la fonction publique arrête de se cacher derrière son petit doigt : des agents qui vont devant le tribunal administratif, c'est rare. On est loin de l'équivalent du conseil des prud'hommes ! », observe Joëlle Pelosse.

Assouplir le système

Deux projets de loi, présentés au Parlement au premier semestre, comptent apporter de la souplesse au système (2). S'ils sont adoptés, les agents bénéficieront de davantage de formation professionnelle (les dispositions du DIF et de la VAE pour les salariés du privé leur seront étendues), de mobilité et de promotion interne.

Les possibilités de recrutement seront élargies grâce au développement des concours sur titre et en tenant compte des acquis de l'expérience. Une avancée appréciée par les DRH. « Il y a incontestablement un enjeu fort autour de l'accès à la FPT à tous les niveaux de la carrière. On ne peut plus raisonner aujourd'hui uniquement sur une carrière dans laquelle on entre jeune et qu'on achève avec un bâton de maréchal à l'âge de la retraite. Les collectivités publiques ne peuvent que s'enrichir de l'intégration à tout âge de personnes qui font état d'une expérience professionnelle intéressante dans des métiers diversifiés. Il y a déjà eu des évolutions en ce sens, par exemple la possibilité de reprise d'ancienneté acquise dans le privé. Mais il faut encore travailler sur l'enjeu que représentent les concours, dont les épreuves ne sont pas assez adaptées aux profils diversifiés que les collectivités recherchent », souligne Philippe Brunel, président de l'association des responsables du personnel des grandes villes de France et DRH de la Ville du Havre.

Autres profils

Certains misent déjà sur une plus grande ouverture de la FPT aux autres profils. Ancien cadre contractuel au conseil général d'Aquitaine, Tony Lourenço a monté Territoires RH, une société proposant une formation très ciblée aux cadres du privé souhaitant entrer dans les collectivités. « Les collectivités ont besoin de compétences opérationnelles sur les fonctions supports que sont les RH, les finances, les achats et la commande publique, les services techniques et la direction générale. Les impératifs de qualité, le contexte des finances publiques - faire mieux avec moins de moyens - font qu'aujourd'hui, un élu ne peut plus se contenter de l'attaché territorial classique. » Bref, dans les collectivités locales, comme dans l'entreprise, la GRH constitue un levier essentiel de la performance.

(1) Source : Rapport annuel de l'Observatoire de l'emploi public, 2005-2006 (en ligne sur <www.fonction-publique.gouv.fr>

(2) Projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, déposé par Brice Hortefeux, ministre délégué à la FPT ; projet de loi de modernisation des fonctions publiques, déposé par Christian Jacob, ministre de la Fonction publique.

L'essentiel

1 D'ici à 2012, la fonction publique territoriale verra plus de 30 % de ses effectifs, dont 50 % de cadres A, partir à la retraite.

2 Au-delà de la nécessité de recruter, les responsables RH des collectivités doivent mieux anticiper les besoins à travers des démarches de GPEC et promouvoir les mobilités internes.

3 Deux projets de loi élargissent les possibilités de recrutement et améliorent l'accès à la formation des agents.

Auteur

  • Violette Queuniet