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Les premiers pas du CTP

Les Pratiques | Point fort | publié le : 11.07.2006 | Marie-Pierre Vega

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Les premiers pas du CTP

Crédit photo Marie-Pierre Vega

Depuis fin avril, l'Afpa et l'ANPE expérimentent le contrat de transition professionnelle (CTP), conçu pour favoriser un retour rapide à l'emploi. Les premiers adhérents commencent à entrer dans le dispositif, testé sur sept bassins d'emploi.

Annoncé en décembre dernier par le Premier ministre, Dominique de Villepin, et le ministre de l'Emploi, Jean-Louis Borloo, le CTP se substitue, là où il est expérimenté, à la convention de reclassement personnalisé (CRP). Négociée par les partenaires sociaux, celle-ci est entrée en vigueur il y a seulement un an. Son remplacement expérimental, décidé par voie d'ordonnance, a suscité la grogne des syndicats. Il y a quelques mois, la CFDT dénonçait « l'activisme gouvernemental » qui « ajoute contrats sur contrats » et « rend la politique de l'emploi illisible ». La CGT parlait de création « à la sauvette ».

D'une durée de douze mois, le CTP s'adresse aux licenciés économiques d'entreprises de moins de 1 000 salariés. Il combine recherche d'emploi, phases de formation et périodes de travail dans des entreprises privées ou des organismes publics, et repose sur un accompagnement personnalisé renforcé par un conseiller référent.

Expérimentation

Le CTP est expérimenté dans sept bassins d'emploi sur lesquels existent des risques de licenciements économiques : Charleville-Mézières, Vitré, Morlaix, Saint-Dié-des-Vosges, Valenciennes, Toulon et Montbéliard. Ces zones présentent des situations économiques pour le moins contrastées. Par exemple, alors que le taux de chômage s'établit à 5 % à Vitré, Charleville-Mézières dépasse de 3,5 points la moyenne nationale avec un taux de 13,7 %. « L'intérêt est de tester le CTP dans des bassins qui, bien que tous en difficulté économique, offrent des caractéristiques très différentes, explique Patricia Bouillaguet, directrice du développement de l'Afpa, la structure du service public de l'emploi chargée de la mise en oeuvre de l'expérimentation, en collaboration avec l'ANPE. Certains bassins sont davantage ruraux, d'autres dominés par une activité fortement industrielle. Les bassins retenus sont également ceux où les élus locaux manifestent une volonté d'engagement, notamment à travers des projets, aboutis ou en cours, de maisons de l'emploi. »

Pour gérer la mise en oeuvre du dispositif et être en mesure d'en apprécier les coûts au moment de la phase d'évaluation, l'Afpa a créé une filiale, Transition CTP, et a recruté en interne sept chefs de projet. Chacun encadre une équipe de trois personnes. Elle est composée d'un référent formation issu de l'Afpa, et de deux agents de l'ANPE. L'un occupe la fonction de conseiller référent des bénéficiaires, l'autre anime l'équipe des référents et la prospection d'entreprise. « La règle est de 30 bénéficiaires pour un conseiller référent. Lorsque nous dépasserons ce seuil, l'ANPE détachera de nouveaux agents, indique Patricia Bouillaguet. Si jamais la montée en charge s'avère trop importante, il se peut également que, après appels d'offres, nous confiions une partie des adhérents à des prestataires privés, comme des cabinets de reclassement ou des entreprises de travail temporaire. » Depuis le 24 avril, les employeurs ont donc obligation de proposer le CTP aux salariés qu'ils licencient pour motif économique. Le centre d'appels que l'Afpa a mis en place pour répondre aux questions des salariés et des entreprises reçoit, pour le moment, une cinquantaine d'appels par semaine.

Plan d'action

Les premiers adhérents, soit 200 actuellement, commencent à entrer dans le dispositif à l'issue de la période de réflexion légale de 21 jours. « Je viens de signer le premier contrat avec un mécanicien marine, explique Marie-France Rolland, chef de projet à Morlaix. Avant de signer, j'ai évalué l'opportunité du CTP pour le candidat. Il est en effet conçu pour un retour rapide à l'emploi. Il ne convient pas pour les personnes dont le projet reposerait sur une formation longue. » L'adhérent fait ensuite connaissance avec le référent qui va l'aider à élaborer et à mettre en oeuvre un plan d'action concertée. « Nous estimons que quatre semaines de travail au minimum sont nécessaires pour déterminer ce plan d'action », avance Myriam Rousselot, chef de projet à Toulon.

Carnet de bord et contacts multiples

Un «passeport pour l'emploi» est remis à chaque nouvel adhérent. « C'est un livret en trois parties. La première détaille les actions à réaliser telles que définies avec le référent ; la partie centrale regroupe l'existant, comme les contrats de travail précédents, les attestations de formation, les acquis validés ou encore les diplômes. La dernière recense les démarches entreprises, par exemple les actes de candidature. C'est un véritable carnet de bord », précise Marie-France Rolland.

A Toulon, « le téléphone sonne à longueur de journée », selon Myriam Rousselot. Une quarantaine de chefs d'entreprise ou de salariés ont déjà pris contact avec la cellule locale de Transition CTP. Celle-ci a aussi organisé une réunion d'information collective auprès de sept salariés licenciés par une jardinerie. A ce jour, un chef comptable, un cadre technico-commercial, un conseiller d'orientation et deux cuisinières ont signé leur contrat. Pour les aider dans leur recherche d'emploi, les agents de CTP Transition multiplient les contacts. « Nous avons rencontré les organisations professionnelles locales pour des échanges d'informations. Nous leur transmettons les profils de nos bénéficiaires et ils interviendront en relais des offres d'emploi de leurs entreprises adhérentes, raconte Myriam Rousselot. Nous allons également organiser une réunion avec le service développement de la communauté d'agglomérations, qui va nous ouvrir ses fichiers entreprises. Nous devons aussi rencontrer les organismes pour bâtir avec eux une offre de formation souple et individualisée. »

A Valenciennes, où 80 dossiers « sont dans les tuyaux », Céline Guyot, chef de projet, entend aussi s'appuyer sur une série de relais pour faire remonter des offres d'emploi : « Notre travail n'est pas forcément de faire de la prospection directe, mais de travailler en partenariat. Par exemple, la chambre des métiers m'a proposé de faire de la prospection auprès de ses adhérents. » Les entreprises sont aussi sollicitées pour proposer des missions ponctuelles qui permettraient à l'adhérent de tester son projet. C'est la spécificité majeure du CTP. « Par exemple, mon premier adhérent, le mécanicien marine, veut monter son entreprise. Il a besoin de vérifier en situation ses besoins de formation en gestion et comptabilité », explique Marie-France Rolland.

Entreprises réceptives

Pour les entreprises, c'est aussi « la possibilité d'élargir le vivier de candidats, de faire venir dans leurs métiers des personnes qui ne se seraient pas forcément tournées vers elles et de tester un candidat sur une période plus longue qu'une période d'essai », note Céline Guyot. Marie-France Rolland se dit optimiste : « Les entreprises sont réceptives. A l'Afpa, j'avais construit une plate-forme baptisée «Construire son emploi dans le bâtiment». L'objectif était de diminuer le taux d'abandon en permettant aux stagiaires de se tester dans un emploi du bâtiment. J'étais parvenue à monter un réseau d'entreprises qui jouaient le jeu, c'en était même surprenant. »

Les chiffres

Selon les prévisions du ministère de l'Emploi, 3 100 personnes seraient susceptibles d'adhérer au CTP, à raison de : 200 bénéficiaires à Charleville-Mézières ; 200 à Vitré, 400 à Morlaix ; 400 à Saint-Dié-des-Vosges ; 500 à Valenciennes ; 700 à Toulon et 700 à Montbéliard.

Le coût direct par allocataire est estimé à 13 000 euros.

Officiellement, aucun objectif de résultat n'a été fixé. « Le CTP devra faire mieux que les dispositifs habituels en termes de taux et de vitesse de reclassement, et de durabilité de l'emploi trouvé », indique seulement la directrice du développement de l'Afpa.

CTP, CRP : quelles différences?

Qui : destiné aux salariés licenciés pour motif économique des entreprises de moins de 1 000 personnes ou en redressement ou liquidation judiciaire.

Durée : douze mois pour le CTP, huit mois pour la CRP.

Quoi : définition d'un plan d'action comportant des prestations d'accompagnement renforcé. En sus, le CTP prévoit des périodes de travail, en CDD conclu pour une durée inférieure à six mois. Elles ne peuvent excéder un total de neuf mois.

Indemnisation : allocation de transition professionnelle équivalant à 80 % du salaire brut moyen perçu au cours des douze derniers mois pour le CTP. Les périodes de travail donnent droit à une rémunération normale, directement versée par l'entreprise au titulaire du contrat de travail, et complétée par une allocation différentielle lorsque le salaire net perçu est inférieur à l'allocation de transition professionnelle. Pour la CRP, 80 % du salaire de référence pendant les trois premiers mois, puis 70 % les cinq mois suivants pour les salariés ayant au moins deux ans d'ancienneté. Sinon, allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE, 57,4 % du salaire de référence).

L'essentiel

1 Deux cents licenciés économiques ont signé un contrat de transition professionnelle (CTP), un dispositif de reclassement lancé à titre expérimental, en avril dernier, jusqu'au 1er mars 2008.

2 D'une durée de douze mois, le CTP s'adresse aux personnes licenciées d'entreprises de moins de 1 000 salariés. Il combine recherche d'emploi, phases de formation et périodes de travail dans des entreprises privées ou des organismes publics.

3 Sept bassins d'emploi sont concernés : Charleville-Mézières, Vitré, Morlaix, Saint-Dié-des-Vosges, Valenciennes, Toulon et Montbéliard.

Saint-Dié : un vrai parcours professionnel

A Saint-Dié, dans les Vosges, le taux de chômage est de 13 % et les liquidations judiciaires succèdent aux liquidations judiciaires, notamment dans le commerce et la sous-traitance. Autant dire que les attentions se focalisent sur le tout nouveau contrat de transition professionnelle (CTP), expérimenté à la Maison de l'emploi. Une quarantaine de licenciés sont attendus en juillet.

Pour l'heure, sept personnes adhèrent au dispositif. Chaque adhérent est suivi par un «référent», qu'il rencontre au moins une fois par semaine. Plusieurs étapes au suivi : une phase « d'exploration de soi et de l'environnement », qui permet d'identifier ses compétences et d'analyser l'environnement économique en fonction des besoins du bassin d'emploi, qui débouche sur un plan d'action concerté pour définir les actions à mettre en oeuvre et les prestations à déployer : formation, VAE, expérience en entreprise. La possibilité de travailler pendant cet accompagnement est très appréciée. « C'est une occasion unique de favoriser une rencontre avec un employeur », assure Christian Filliot, chef de projet du CTP.

Une fois le candidat en poste, le «référent» assure un suivi de six mois. Quelle différence entre les prestations proposées dans le cadre du CTP et le suivi des demandeurs d'emploi mené par les opérateurs privés ? « Nous sommes au sein de la Maison de l'emploi, poursuit Christian Filliot. C'est-à-dire que nous sommes intégrés au sein d'un dispositif local, avec les collectivités territoriales, les partenaires sociaux et les chambres consulaires. Notre ancrage territorial permet de favoriser les synergies et de mieux anticiper les besoins des entreprises. Notre mission ne consiste pas uniquement à retrouver un emploi au salarié licencié, nous construisons un vrai parcours professionnel en vue de sécuriser les trajectoires des personnes. » A Saint-Dié, en tout cas, le CTP a permis de dédramatiser les premières angoisses des licienciés.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega