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Les Pratiques

Interprétation par le juge : l'exemple du travail de nuit

Les Pratiques | L'AVIS DU JURISTE | publié le : 11.07.2006 | Alice Fages Juriste en droit social

Toutes les conventions collectives posent des difficultés d'interprétation et leur application est de plus en plus difficile en raison, notamment, des fréquents changements de la loi qui amènent à s'interroger sur l'articulation de celle-ci avec les dispositions conventionnelles.

Si, pendant longtemps, en cas d'interrogation sur l'articulation de la loi et de la convention collective, on faisait prévaloir une règle simple - cette dernière ne s'applique que si elle est plus favorable que la loi -, celle-ci souffre quelques exceptions. Dans certains domaines, la convention collective prime sur la loi, même si elle est moins favorable au salarié : tel est le cas de l'indemnité de fin de contrat pouvant être fixée à 6 % par accord collectif (10 % dans la loi), du taux de majoration des heures supplémentaires, etc. Cela pose une première difficulté pour les responsables du personnel : identifier dans quels cas l'accord collectif peut déroger à la loi dans un sens défavorable au salarié.

Les mêmes personnes doivent aussi s'interroger sur la portée des modifications de la loi sur le contenu des conventions. Quel est l'impact de la loi du 9 mai 2001 qui modifie la définition du travail de nuit, exécuté entre 21 heures et 6 heures, et qui impose l'octroi de contreparties en repos pouvant s'ajouter aux éventuelles majorations de salaire prévues par accord collectif ? Dans un premier temps, la Cour de cassation a considéré, à propos d'accords fixant les majorations de salaire à partir de 22 heures, que la nouvelle loi, étant d'ordre public, imposait de les verser à partir de 21 heures. Cette position était choquante, dans la mesure où la loi n'impose pas de majorations de salaire en cas de travail de nuit. Aussi aurait-il été logique de ne majorer le salaire qu'à partir de 22 heures, conformément à la convention, mais d'octroyer des contreparties en repos à partir de 21 heures, conformément à la loi. Heureusement, la Cour de cassation est revenue à une position plus stricte dans plusieurs arrêts du 21 juin 2006 (n° 05-42.307 à 318). En présence de dispositions conventionnelles fixant les majorations de salaire à partir de 22 heures, on ne peut imposer d'étendre ce régime au-delà de 21 heures.

En matière de durée du travail, il existe des difficultés similaires d'interprétation des accords collectifs, à propos du contingent et du taux de majoration des heures supplémentaires, en raison des incessantes modifications législatives. Que décider en présence d'une clause ancienne stipulant que « le contingent est fixé conformément à la loi, soit 130 heures » ? Faut-il privilégier la référence à la loi (donc 220 heures) ou la référence à 130 heures ? Les exemples de ce type sont nombreux et sont source de contentieux, ce qui devrait inciter les partenaires sociaux à être plus précis dans la rédaction des accords.

Auteur

  • Alice Fages Juriste en droit social