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Enquête

Suicide au bureau

Enquête | publié le : 11.07.2006 | Dominique Martinez

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Suicide au bureau

Crédit photo Dominique Martinez

Sauf le respect que je vous dois traite la question du suicide en entreprise sous forme de polar noir. C'est le prétexte choisi par Fabienne Godet, ex-psychologue, dont c'est le premier film, pour mener son enquête sur les causes d'une rupture entre un salarié et le monde du travail.

Après un moyen-métrage remarqué à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes, en 1999, et un documentaire sélectionné, en 2006, au Fipa, Fabienne Godet ancre son premier long-métrage dans un monde du travail en crise. Pour écrire le scénario de Sauf le respect que je vous dois, la cinéaste, psychologue de formation, s'est inspirée de son expérience d'ancienne salariée d'une entreprise (un organisme de formation dans le secteur de la santé) en plein «dégraissage».

Arrivée du «nettoyeur»

« Un an avant que je décide de quitter la boîte qui m'employait, notre directrice a été licenciée et remplacée par ce qu'on appelle un «nettoyeur» : il est arrivé en octobre et, en décembre, il y avait déjà deux personnes licenciées, puis, très rapidement, tout le personnel permanent a été écarté. Fautes lourdes, dépressions, licenciements abusifs... En mettant la pression, l'objectif était de nous virer à coût zéro », explique Fabienne Godet. Son «polar noir d'entreprise» explore le point de rupture psychologique des personnages et exploite les ressorts classiques du genre.

Envahissante entreprise

Un poste à responsabilités dans une petite imprimerie de province, un mariage solide avec une femme douce et aimante, un fils espiègle, François Durrieux, 40 ans, a tout pour être un homme comblé. Mais, ce soir-là, il rate l'anniversaire du petit Benjamin, il est resté tard au boulot, il finira le gâteau, seul, dans la cuisine. L'entreprise prend de plus en plus de place. Le management du patron «coolement» autoritaire est implacable ; les Durrieux devront même remettre leurs vacances pour cause de réunion incontournable.

Simon, l'électron libre, le collègue et ami de François, n'entend pas se laisser «bouffer». Il refuse de faire des heures supplémentaires, mais quand le chef lui propose de prendre provisoirement le matériel chez lui pour pouvoir «boucler», il accepte parce qu'il aime son travail et qu'il veut le garder. Simon sera licencié pour faute lourde. Accusé d'avoir volé ordinateur et imprimante, il se suicide, assis derrière son bureau, deux crayons enfoncés dans le nez. A partir de là, François bascule et remet tout en question. Il veut comprendre comment Simon a pu en arriver là. A bout, en révolte, et vaguement saoul, il percute la voiture du n° 2 de l'entreprise, qui décède.

Fuite

Terrifié, il fuit à Paris avec Lisa, un ange gardien marginal et écorché, rencontrée par hasard. L'intervention d'une journaliste motivée et libre aide à démêler l'intrigue et permet à François d'expliquer son geste à la société. Bilan : deux morts.

Dans le monde du travail que représente Fabienne Godet, la fracture ne se situe plus entre les ouvriers et les «cols blancs». Hormis les hauts dirigeants, tous les salariés sont concernés par la violence psychologique du management. Le cadre, traditionnellement plus proche des positions de la direction, est, ici, celui qui se révolte. Chacun est seul, livré à lui-même. Ne reste plus que des traces des organisations collectives, un vague autocollant de la CGT affiché derrière la machine à café. Seul le déjeuner au restaurant d'entreprise les met un peu les uns face aux autres. Mais il se révèle le théâtre des pires humiliations. Le cocktail de fin d'année n'est qu'une éloquente tribune de la direction pour motiver les salariés.

On est loin des représentations du monde du travail dans le cinéma des années 1970, où les luttes collectives étaient l'essentiel. Au contraire, Sauf le respect... est l'histoire de la rupture d'un salarié avec un monde professionnel qu'il n'accepte plus.

Auteur

  • Dominique Martinez