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Enquête

« Le cinéma s'intéresse à l'anormalité du travail »

Enquête | ENTRETIEN AVEC | publié le : 11.07.2006 | E. F.

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« Le cinéma s'intéresse à l'anormalité du travail »

Crédit photo E. F.

E & C : Le travail et l'entreprise sont-ils représentés de manière réaliste dans les films de fiction français qui abordent ces sujets ?

G. L. : Non, le cinéma nous apprend peu de chose sur la réalité du travail. Ainsi, une stratégie d'entreprise, un rachat ou un conseil d'administration n'ont, pour ainsi dire, jamais été filmés.

E & C : Pour quelles raisons ?

G. L. : J'en vois deux, essentiellement. Cela tient d'abord à une demande des spectateurs. Ils vivent le travail sur le mode de l'exclusivité, ce qui signifie que lorsqu'ils en sortent, leur première préoccupation est de s'en évader. D'autre part, le cinéma actuel considère que, pour filmer le travail, il faut partir d'une situation de crise et de rupture, par exemple une grève, un licenciement, la démission d'un salarié qui ne se sent plus en phase avec son travail, un harcèlement moral. Dans un cas comme dans l'autre, le cinéma s'intéresse à l'anormalité du travail, mais ne filme pratiquement jamais le travail lui-même.

Et pourtant, il serait passionnant de fictionnaliser un conseil d'administration, ou la façon dont une entreprise s'y est prise pour conquérir un marché. On pourrait aussi faire un film sur l'impact de l'introduction des nouvelles technologies sur les chaînes de production d'Airbus. La situation de crise que vit actuellement cette entreprise serait un bon point de départ.

E & C : La montée en puissance du travail tertiaire ne rend-elle pas sa représentation encore plus compliquée ?

G. L. : La dématérialisation du travail constitue, effectivement, un obstacle supplémentaire à sa représentation. Autant les mondes de la sidérurgie, du rail ou de l'aéronautique sont considérés comme cinégéniques, autant un interdit pèse sur la représentation du travail sur ordinateur, parce qu'il est considéré comme inintéressant a priori.

E & C : Ce décalage entre le travail réel et sa représentation cinématographique a-t-il toujours existé ?

G. L. : Il était beaucoup moins important entre les années 1930 et 1950, lorsque le cinéma était le principal art populaire, avant l'arrivée de la télévision.

Les personnages, tout en restant des personnages de fiction, étaient beaucoup plus proches de la réalité que maintenant. Le point du jour (Louis Daquin, 1949), qui se passe dans le monde des mineurs, est dans cette veine. Il traite des conséquences du travail dans tous les autres aspects de la vie. Le décalage qu'on constate actuellement ne relève donc pas d'une fatalité.

Auteur

  • E. F.