logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Audit, ton univers impitoyable

Enquête | publié le : 11.07.2006 | Michèle Nonclercq

Image

Audit, ton univers impitoyable

Crédit photo Michèle Nonclercq

Violence des échanges en milieu tempéré analyse les conflits moraux d'un auditeur qui doit réorganiser une entreprise, et l'isolement des salariés. Le réalisme du film fait débat.

Un tout jeune consultant est missionné dans une entreprise où il est bientôt chargé de sélectionner le personnel qui sera apte à travailler dans la nouvelle organisation. Au final, il devra licencier 80 personnes, soit un quart des effectifs de l'usine. Le jeune auditeur ne comprend que peu à peu la finalité de sa mission, mais se convainc de son bien-fondé, et fait face à ceux dont il prépare l'éviction.

Jean-Marc Moutout a souhaité « explorer, à travers le personnage du consultant, la relation au travail de nombre de salariés des classes moyenne et supérieure, analyser les conflits moraux qu'ils ont à affronter et les transformations qui s'opèrent sur leur système de valeurs ». Il voulait illustrer l'impact, sur les rapports humains, de la rationalisation du travail pour une rentabilité toujours plus grande. Son propos était, aussi, de montrer l'isolement des salariés dans une situation de crise en faisant valoir combien les mobilisations restent faibles, contrairement à ce que montrent les médias. Ainsi, dans son film, tout le personnel de l'usine est conscient du danger qui le guette, mais demeure dans l'incapacité de réagir, pour différentes raisons : responsabilité, respect de la hiérarchie, manque d'information, attentisme ou espoir d'être épargné.

Coller au quotidien

Le réalisateur a voulu coller au quotidien des protagonistes. Pour étayer ses personnages, il a rencontré des consultants, avec le coscénariste du film, les a suivis en mission, s'est rendu dans plusieurs entreprises pour discuter avec le personnel, confronter les idées de personnages. L'acteur jouant le rôle principal a également intégré un séminaire de consultants. De petits cabinets ont accepté de jouer le jeu, mais les grands ont, en revanche, refusé.

En dépit de ce souci de coller au terrain, Jean-Marc Moutout a délaissé le documentaire pour lui préférer la fiction. Qui plus est, il ne voulait pas « d'une image hyper réaliste, type reportage caméra à l'épaule, qui aurait été soi-disant en adéquation avec un réalisme social ». Il estime que la fiction propose des outils permettant de mieux investir la réalité du travail qu'un documentaire. Il décortique : « Les scènes de travail sont très découpées, hachées, des blocs juxtaposés et qui s'opposent ; alors que les scènes de la vie privée sont construites sur des plans plus longs, comme si c'étaient les seuls moments où un temps ensemble et véritable était possible. »

Reflet de la réalité

Des professionnels du conseil ont pourtant mis en doute la vraisemblance du héros, jeune consultant lancé seul dans une mission d'une certaine envergure. Le réalisateur maintient que la situation imaginée reflète la réalité de ce qui se passe aujourd'hui dans nombre d'entreprises. Le fait qu' « un grand cabinet d'audit a [ait] «conseillé» à ses salariés de ne pas aller voir le film » est une caution de réalisme, selon lui. En outre, les débats qui ont été organisés à l'issue de la projection, auprès du grand public et au sein du Medef, et intégrés aux bonus du DVD, semblent plaider dans son sens.

Sans états d'âme

Un chef d'entreprise confirme ainsi que certains cadres sont formés pour être des «costkillers» et qu'ils n'ont aucun état d'âme. Un autre cadre supérieur, jeune retraité, pense que le film est « bien en dessous de la vérité quant aux agissements des consultants ». Une salariée reconnaît l'isolement des salariés décrit dans le film. D'autres constatent que « la voie est ouverte aux comportements de repli, ou pire, de lutte des uns contre les autres ». Un adhérent du Medef a beau déplorer qu'« on ne voie pas de solidarité, pas d'espoir dans le film », il lui est répondu que « c'est la vérité, que la mobilisation actuelle est faible, que les syndicats sont plutôt «collabos» ». Ces derniers apprécieront.

Violence des échanges...

> Réalisation : Jean-Marc Moutout. Scénario : Olivier Gorce et Jean-Marc Moutout. Acteurs principaux : Jérémie Rénier, Laurent Lucas, Cylia Malki.

Auteur

  • Michèle Nonclercq