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Recruter, puis trouver les marchés

Enquête | publié le : 04.07.2006 | Christian Robischon

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Recruter, puis trouver les marchés

Crédit photo Christian Robischon

Filiale d'Arcelor, Hommes & Emploi aime à se qualifier d'«entreprise à l'envers». La société de Rombas (Moselle) a recruté avant de chercher ses marchés en fonction du profil de ses salariés, âgés de plus de 50 ans. Le modèle atypique a fait la preuve de sa pérennité, à condition d'être soutenu par la maison mère.

Hommes & Emploi (H & E) a été créée en 1999 par le sidérurgiste Arcelor au moment où il cédait sa filiale lorraine Unimétal à son concurrent Mittal Steel, afin de redonner un travail à près de 200 salariés de plus de 50 ans, trop jeunes pour entrer dans les dispositifs de préretraite mais trop âgés et «usés» (trente ans de carrière, 60 % de restrictions médicales sur poste), et, donc, identifiés comme en sureffectifs.

Compétences cachées

Quel avenir trouver à un lamineur de 55 ans ? H & E a reçu longuement chacun de ses nouveaux salariés, dans le but d'identifier ses compétences cachées, professionnelles ou autres. De ces entretiens, l'entreprise a déduit ses marchés : la numérisation de registres d'état civil et d'archives, les travaux de second oeuvre dans le bâtiment (peinture, pose de revêtements de sols, chauffage-sanitaire...) et les espaces verts. Les deux derniers cumulent 70 % des 4,7 millions d'euros de chiffre d'affaires de 2005.

L'absentéisme en dessous des 2 %

Le long entretien de motivation au travail et la détermination des compétences se prolongent par une formation interne et de terrain, incluant du coaching et dont la durée s'adapte au salarié. Celui-ci bénéficie d'un ou plusieurs entretiens de carrière jusqu'à son départ. « Preuve de la motivation retrouvée, l'absentéisme se situe aujourd'hui en dessous de 2 % », se félicite Gervais Hans, le directeur général.

Née en apparent dépit du bon sens économique, H & E a apporté la preuve de sa pérennité, sept ans plus tard. Non sans un coup de pouce de sa maison mère : Arcelor procure 60 % de l'activité (surtout dans la partie maintenance/bâtiment) et elle éponge les pertes récurrentes par des recapitalisations qui se sont élevées, au total, à «plusieurs» millions d'euros. Les résultats « sont en amélioration », annonce Gervais Hans, qui brandit d'autres modes de calcul. « La formation représente 25 % de la masse salariale et l'élévation des coûts salariaux résulte du choix délibéré de maintenir le personnel dans la convention collective de la sidérurgie (le personnel a été repris pour l'essentiel dans le cadre de l'article L-122-12, NDLR). Le concept est triplement gagnant : le salarié retrouve un emploi alors qu'il aurait été voué au chômage longue durée ; Arcelor a fait l'économie d'un plan social qui aurait été plus coûteux ; quant à la collectivité, le maintien en emploi lui fait «gagner» 140 000 euros par salarié en lui procurant ses cotisations et en évitant de verser des prestations. » Les arguments de Gervais Hans répondent notamment à la CGT d'Arcelor, qui voyait dans H & E une dévalorisation par rapport au noble travail de l'acier. « H & E n'est pas un centre de profits, mais un centre de réduction des coûts », ajoute-t-il.

300 personnes employées

Depuis sa création, et compte tenu des départs en retraite ou, plus marginalement, en invalidité, l'entreprise a employé quelque 300 personnes. Les effectifs actuels se situent à 136, d'une moyenne d'âge de 55 ans. Et le directeur général se montre confiant dans la poursuite du soutien d'Arcelor, car le sidérurgiste tient là un modèle reproductible de gestion des seniors. Il a constitué, début juin, à Isbergues (Nord), un atelier de second oeuvre de 20 salariés âgés de sa filiale Ugine. H & E elle-même a accueilli des anciens d'autres usines lorraines après la première vague venue exclusivement d'Unimétal. « Et d'autres groupes nous interrogent sur le concept », indique Gervais Hans.

Hommes & emploi

> Secteur : services aux entreprises.

> Effectifs : 136 personnes, dont 92 % âgées de 50 ans et plus.

> Chiffre d'affaires : 4,7 millions d'euros.

Les autres «nominés»

Hormis les deux gagnants et le prix spécial, deux «nominés» illustrent des approches stratégiques et des problématiques liées à la gestion des seniors, qui devraient intéresser d'autres entreprises.

Mécanique et Chaudronnerie des Flandres (MCF)

MCF était classée par notre jury très près des deux lauréats. Le dispositif patiemment mis en place par cette entreprise devrait se révéler riche d'enseignements pour celles dont la pyramide des âges conduit à un départ massif de seniors. MCF est d'ailleurs une entreprise pilote sur le sujet, et était invitée à détailler sa démarche lors de la présentation du plan national pour l'emploi des seniors par le gouvernement, le 6 juin dernier, au CES.

Dans cette PME de 46 personnes très qualifiées, la fin d'activité de 11 seniors sous trois ans, dans le cadre des «départs amiante», a conduit à faire du tutorat un axe stratégique. Travaillant avec l'Agefos-PME, l'Aract et l'université de Lille, MCF a identifié les compétences critiques nécessaires à chaque poste et formé les ouvriers seniors à la transmission des savoirs. Treize «départs amiante» ont été compensés par autant d'embauches de jeunes, qui ont d'abord été accompagnés par ces ouvriers expérimentés.

Outre l'efficacité de la méthode pour pérenniser l'activité de l'entreprise, cette coopération intergénérationnelle a assuré un climat social de qualité dans l'entreprise et permis aux plus jeunes d'acquérir très vite un niveau d'expertise élevé. « C'était la seule solution pour conserver sur quatre ou cinq ans le savoir-faire des seniors, indique le Pdg, Gérard Decoster. Quand les jeunes sortent de l'école, il ont certes un permis de conduire, mais nous, entrepreneurs, il nous fallait en quelque sorte des «Shumacher». Ils ont pu monter en puissance très vite dans leur métier. »

Amadeus

Chez Amadeus, jeune entreprise de logiciels au service du voyage, née il y a dix-huit ans et dont la moyenne d'âge des salariés n'est que de 37 ans, la démarche s'inscrit dans une dimension «sociétale». Accompagnée par sa mutuelle, Vauban Humanis, l'entreprise a mis en oeuvre une campagne de prévention des risques de santé à destination de ses salariés de plus de 55 ans.

Un bilan réalisé par un médecin gériatre, une psychologue et une neuropsychologue a été proposé à ces seniors, sur la base du volontariat. La moitié d'entre eux ont accepté. Dans une activité moins propice que d'autres à l'usure physique, cette opération a permis une prise de conscience individuelle des facteurs de risque liés au vieillissement, alors que l'allongement des carrières incitera à rester plus longtemps en activité.

Auteur

  • Christian Robischon