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Becquet emballé par l'Aract

Enquête | publié le : 04.07.2006 | Thierry Butzbach

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Becquet emballé par l'Aract

Crédit photo Thierry Butzbach

Dans cette société de VPC, une patiente étude d'ergonomie et un accroissement de l'autonomie pour les préparateurs de colis permettent aux salariés, qui cumulent une forte ancienneté, de faire face aux contraintes de leur poste.

Comme ses 25 collègues, Michel emballe pas loin de 1 200 draps, serviettes et autres couettes chaque jour. Emballeur chez Becquet, une société de vente à distance spécialisée dans le linge de maison et de décoration fondée en 1966 et aujourd'hui filiale du groupe 3 Suisses International, il affiche, à 44 ans, plus de dix-sept années d'ancienneté. Soit peu ou prou la moyenne des 250 employés de cette entreprise installée à La Chapelle-d'Armentières, près de Lille.

Fidélité

Cette fidélité à l'entreprise est particulièrement marquée dans l'atelier logistique, qui emploie environ 70 personnes sur des postes de faible niveau de qualification. Là où ses concurrents ont plutôt recours à de la main-d'oeuvre féminine, l'équipe logistique de Becquet fait majoritairement appel à des hommes en raison du poids relativement important des colis - un drap est bien plus lourd qu'un T-shirt, en outre, ils en manipulent beaucoup. Depuis plusieurs années, la DRH, Dominique Pernot, avait pointé du doigt les risques de troubles musculo-squelettiques de cette population vieillissante. Dangers d'autant plus conséquents que l'entreprise n'a pas de solution de reclassement possible pour cette catégorie de personnel.

Anticipation

Anticipant l'accroissement des inaptitudes à la manutention ou à l'emballage en raison de maux de postures, la DRH s'est rapprochée, en 2004, de l'Association régionale pour l'amélioration des conditions de travail (Aract) pour tenter de diminuer ces risques en améliorant l'organisation de la chaîne logistique et l'ergonomie des postes de travail. Pour recueillir l'entière adhésion des salariés sur le diagnostic des conditions de travail, les managers, la DRH et le médecin du travail se sont rapprochés des trois syndicats et du CHSCT. Durant le second semestre 2004, deux ergonomes de l'Aract ont ainsi passé une dizaine de jours d'observation sur le terrain et conduit plusieurs entretiens avec l'encadrement et les opérateurs. De nombreuses discussions ont aussi été menées au sein d'un groupe de travail composé du responsable d'exploitation, du personnel d'encadrement, de représentants du personnel, de la direction des ressources humaines et du médecin du travail. « L'intervention de l'Aract a été déterminante car elle a crédibilisé notre démarche et, ainsi, renforcé la confiance des salariés », juge Dominique Pernot. Malgré tout, seulement la moitié du personnel concerné a répondu au questionnaire santé anonyme, pourtant transmis et recueilli par les syndicats début 2005. Trop peu pour détecter d'éventuels soucis physiques et prévenir les évolutions négatives en matière de santé.

Dimension ergonomique

Les conclusions de l'Aract livrées en mars 2005 ont donné lieu à d'importants changements puisque l'étude préconisait la suppression du poste de travail le plus pénible et la prise en compte de la dimension ergonomique des postes d'emballage. Le poste de «bourrage», consistant à apporter les cartons pleins de produits dans la zone de prélèvement, a donc été réparti sur plusieurs autres postes. Et les emballeurs ont bénéficié d'une plus large autonomie dans l'aménagement de leur poste de travail.

« Les tables sont placées perpendiculairement au tapis d'évacuation, ce qui oblige les opérateurs à une torsion latérale pour jeter le colis rempli sur le tapis d'évacuation, placé en hauteur. Cette rotation ne leur semble pas pénible, mais elle est très nocive, même si le convoyeur a été rabaissé », explique Florence Bouveur, responsable formation-emploi, en charge du projet chez Becquet. La modularité des tables d'emballage a été mise à profit afin d'offrir aux opérateurs une grande marge de manoeuvre pour faire face aux contraintes du poste en fonction de leurs pratiques et de leur santé. Michel prépare donc maintenant ses colis en séparant les produits dans le bac d'arrivage même. D'autres disposent les articles par commandes, sur la table ou dans les petits casiers prévus à cet effet. Pour autant, chacun a été sensibilisé à la posture.

Réguler sa fatigue

La personnalisation de l'environnement de travail a largement contribué au bien-être des opérateurs. Bien que tenus à des impératifs de productivité (dont dépend une partie des primes), les emballeurs semblent avoir pleinement pris conscience du rôle de l'ergonomie. Et se servent de leur autonomie nouvelle pour réguler leur fatigue en adaptant leur rythme de travail grâce aux pauses que chacun peut prendre librement. « Nous n'avons pas gagné en productivité pure, note Dominique Pernot. Mais en leur offrant plus de souplesse dans les méthodes de travail, nous n'avons pas perdu, et espérons ainsi préserver leur capital santé. »

BECQUET

> Secteur : vente à distance de linge de maison.

> Effectifs : 210 (groupe 3 Suisses : 12 000).

> Chiffre d'affaires : environ 90 millions d'euros.

Auteur

  • Thierry Butzbach