Les décisions de créer ou de supprimer des emplois semblent directement corrélées au contexte économique, comme si ce phénomène échappait à la volonté des responsables politiques. Mais si l'on y regarde de près, il s'agit en fait plus souvent d'une réalité financière que de paramètres strictement économiques.

Les salariés acceptent de plus en plus de travailler comme si la contrainte était inhérente à la réalité des choses, pour ainsi dire, naturelle. Les fonctionnements du marché ne sont cependant pas naturels. Parler de société de marché ou de société de contrainte signifie simplement que les relations sociales sont d'abord dictées par les impératifs économiques et non l'inverse. En contrepoint à cette primauté des intérêts mercantiles, le salarié se doit d'être toujours plus autonome et responsable. Tout se passe donc comme si le salarié était piégé dans une contrainte de plus en plus implacable, mais qu'il ne peut vivre que sur le modèle du choix.

La substitution de la notion de compétences à celle de classification a accompagné, dans les DRH, cette nouvelle représentation paradoxale du salarié «librement» impliqué dans la performance de son entreprise. Quelle distance y a-t-il de la théorie à la réalité, de l'idéal aux faits ? C'est ce qu'a essayé d'analyser une équipe de chercheurs du réseau «Travail, organisation, emploi» de l'Association française de sociologie.

Jean-Pierre Durand est professeur de sociologie et dirige le Centre Pierre-Naville à l'université d'Evry.

Marie-Christine Le Floch est maître de conférence en sociologie à l'université Lille-3.