logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Les contrats collectifs passent a l'ere «responsable»

Dossier | publié le : 20.06.2006 | Jean-François Rio

Image

Les contrats collectifs passent a l'ere «responsable»

Crédit photo Jean-François Rio

Pour pouvoir continuer à bénéficier des exonérations fiscales et sociales, les entreprises ont procédé à la mise en conformité de leurs régimes collectifs santé. Une transition qui s'est déroulée sans encombre dans un contexte de dégradation de la protection sociale complémentaire.

Alors qu'à la même époque de l'an dernier, les entreprises naviguaient à vue sur les conséquences de la réforme de l'assurance maladie - initiée par la loi Douste-Blazy du 13 août 2004 -, elles ont désormais une plus grande visibilité sur la structure de leurs régimes collectifs santé ainsi que sur les échéances à venir. En tout cas, le vent de panique qui a soufflé l'an passé est vite retombé. Maintes fois repoussée en 2005, la publication - fin septembre 2005 pour une application au 1er janvier 2006 - du décret précisant le cahier des charges des contrats responsables (interdictions et obligations de prise en charge) a fait l'effet d'un pétard mouillé. Dans un climat social empreint de sérénité, les entreprises et leurs partenaires sociaux ont intégré, sans difficultés techniques majeures, les dispositions du décret. Enjeu : conserver coûte que coûte le bénéfice des exonérations sociales et fiscales. « On craignait le grand soir et la montagne a accouché d'une souris », illustre Philippe Burger, responsable avantages sociaux chez Towers Perrin.

Parcours de soins

« Les contraintes du contrat responsable portent essentiellement sur la médecine de ville. A partir du moment où le cheminement du parcours de soins, pivot de la réforme, est bien compris, les difficultés s'estompent. Aujourd'hui, plus de 75 % des personnes savent qu'il faut passer par le médecin traitant et s'y plient », souligne, de son côté, Typhaine Delorme, en charge de la gestion et de la souscription des assurances collectives chez Gan Eurocourtage. Constatant l'inquiétude qui gagnait ses clients, cet assureur a, au cours du dernier trimestre 2005, écrit à 6 000 d'entre eux. Un courrier détaillant les objectifs de la réforme et les contours des contrats responsables. Surprise pour Gan Eurocourtage, qui a compté sur les doigts d'une main les réactions des entreprises. L'explication est simple : la majorité des régimes existants étaient déjà «responsables» au sens de la nouvelle réglementation. Seul 7 % du portefeuille du groupe de protection sociale Pro BTP n'était pas dans les clous ! En outre, la prise en charge par les complémentaires santé d'au moins deux prestations de prévention - retenues dans un arrêté qui se fait encore attendre - au 1er juillet prochain ne devrait pas, non plus, poser de souci (voir encadré p.18).

Communication

Depuis la mise en conformité des régimes, les entreprises et les acteurs de la protection sociale complémentaire se sont surtout démenés sur le front de la communication. Au programme : informer et sensibiliser les salariés sur le respect du parcours de soins.

Efforts payants

Certaines institutions de prévoyance ont fourni aux DRH des kits de communication sur la réforme de l'assurance maladie. Sur leurs sites web, des rubriques ad hoc ont été déployées. « Des conseillers se sont déplacés sur le terrain, en particulier dans les PME », ajoute François Mercereau, conseiller au Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP). Les salariés ont aussi été informés via les décomptes de remboursement adressés par les mutuelles. Des efforts a priori payants à en croire les résultats de la dernière enquête CTIP/Crédoc publiés en avril dernier. S'estimant correctement informés, les Français jugent la réforme utile. En tête des dispositions les plus connues : la déclaration du médecin traitant et le forfait de 1 euro.

La discussion autour de l'adaptation des contrats collectifs a aussi été l'occasion de procéder à un toilettage des garanties. « Les entreprises en ont profité, sur nos conseils, pour regarder si elles ne pouvaient pas opter pour des garanties qui soient un peu moins vulnérables face au transfert de charges de la Sécurité sociale vers les complémentaires afin de diminuer les hausses futures de cotisations », observe Pascal Broussoux, directeur technique d'AG2R.

Garanties responsables

La recherche de garanties «responsables» a, sans surprise, principalement porté sur les postes les plus inflationnistes que sont le dentaire et l'optique. Quelques bonnes idées ont surgi, tel que le remboursement optique ajusté en fonction de la correction visuelle ou encore la prime aux couronnes dentaires en céramique réservées aux dents apparentes.

« Les entreprises ont également compris l'intérêt de demander à leurs salariés de faire des devis. Rien que d'en réclamer en amont peut faire tomber le coût de la prestation de 15 % à 20 % », souligne Sylvain Rousseau, consultant senior chez Towers Perrin.

Hausses tarifaires

Ces travaux de plafonnement - que le contrat responsable n'obligeait pas à faire - en disent long sur la façon dont les entreprises abordent leur protection sociale complémentaire. Au final, ce sont, encore et toujours, les hausses tarifaires qui taraudent DRH et directions financières. Courbe démographique, hausse progressive des dépenses de santé, désengagement de la Sécurité sociale, transfert de charges vers les complémentaires, le budget protection sociale des entreprises s'envole. « Le désengagement de la Sécurité Sociale n'a pas été accompagné par les régimes complémentaires au bénéfice des salariés. En outre, des décisions ont été entérinées sans la moindre consultation des organismes complémentaires, comme la franchise hospitalisation de 19 euros », remarque Emmanuel Gineste, responsable du pôle prévoyance du cabinet Adding (voir aussi l'interview p. 31).

En septembre dernier, une étude TNS Sofres, réalisée auprès de 400 entreprises pour le compte de Gan Eurocourtage, a mis les pieds dans le plat. Alors que 81 % des dirigeants estiment que les assurances collectives représentent un moyen de donner des avantages, hors fiscalité directe, aux salariés, 83 % jugent que c'est une charge de plus en plus lourde à assumer. Pour 80 % d'entre eux, la hausse des cotisations rend la prise en charge de la complémentaire santé et de la prévoyance de plus en plus difficile. En 2005, 82 % des entreprises ont connu une hausse de leurs cotisations complémentaire santé et/ou prévoyance.

Augmentation contenue

« Pour 2006, tempère François Mercereau, du CTIP, nous estimons que la hausse a été de l'ordre de 5 % à 6,5 %, soit une augmentation inférieure aux trois dernières années, notamment en raison de la baisse du prix des médicaments. » Même constat pour AGF : « En 2005, nous avons enregistré une croissance faible de la sinistralité. Du coup, les hausses tarifaires sur la partie frais de santé se sont élevées à 5 %, et elles ont été stables en prévoyance », indique Gilles Johanet, directeur général adjoint d'AGF.

Comité de pilotage

Pour contenir ces dérives, les entreprises sont passées à l'action. Ce qui a poussé un groupe comme Michelin à créer, en 2004, un comité mondial de pilotage des avantages sociaux destiné à prévenir tout dérapage. Dans la plupart des cas, les ajustements opérés passent par un mixte entre hausse des cotisations et diminution des garanties. « Les institutions dialoguent avec les entreprises pour renforcer l'équilibre entre cotisations et prestations. Des entreprises renvoient certaines garanties en option et, de leur côté, certaines institutions ne proposent plus systématiquement le tiers payant, notamment pour les médicaments à service médical rendu insuffisant », ajoute François Mercereau. Les réseaux de praticiens partenaires (qui impliquent de disposer d'un maillage territorial suffisant) et les plates-formes de santé, fruits d'accords négociés entre assureurs et professionnels de santé, restent des outils plébiscités pour leur efficacité. Le groupe Vauban/Humanis envisage ainsi de conditionner le remboursement au passage préalable vers la plate-forme. Une procédure qui a, selon Philippe Corjon, directeur du développement de Vauban/Humanis, « une vertu pédagogique sur la modération des dépenses de santé. »

Chasse au gaspi

Dans cette chasse au gaspi, l'intensification de la lutte contre les arrêts de travail injustifiés fait partie de l'arsenal en vogue. Parallèlement à la politique de contrôles plus soutenue exercés par la Sécurité sociale - qui partait, il est vrai, de très loin -, la pratique des contre-visites médicales par les entreprises elles-mêmes ou par les assureurs s'est généralisée. « La procédure est transparente. Nous adressons à l'affilié en arrêt de travail un questionnaire médical détaillé à remplir par son médecin, questionnaire qui est ensuite analysé par le médecin conseil de la compagnie. En fonction des résultats, celui-ci décide du contrôle éventuel qui sera exercé par un praticien partenaire », détaille Typhaine Delorme.

Demande de souplesse

« La demande des entreprises porte sur plus de souplesse. Elles veulent bâtir un contrat socle obligatoire où elles conservent la maîtrise d'oeuvre, assorti d'options laissées au libre choix de salariés souhaitant un niveau de confort plus élevé », relève Philippe Corjon. A partir du 1er juillet 2008, se posera inévitablement la question de l'avenir des contrats collectifs à adhésion facultative. La loi Fillon sur les retraites prévoit qu'à partir de cette date, ces contrats ne pourront plus bénéficier des avantages en termes d'exonération de charges sociales. « Pour les entreprises adhérentes des institutions membres du CTIP, les contrats collectifs à adhésion facultative représentent 2,3 % de l'activité santé, contre 21,7 % pour les contrats individuels (souscrits par les chômeurs et les retraités) et 76,1 % pour les contrats collectifs obligatoires », soulève François Mercereau, conseiller au CTIP. Sont également concernés les régimes facultatifs pilotés par les comités d'entreprise. Le renchérissement des régimes collectifs facultatifs débarrassés des exonérations est estimé à environ 45 %.

L'essentiel

1 Les entreprises ont intégré sans encombre les dispositions du décret précisant le cahier des charges des contrats responsables, dont le respect conditionne le bénéfice des exonérations fiscales et sociales.

2 Lors de l'adaptation de leurs contrats collectifs santé, les entreprises et leurs partenaires sociaux en ont profité pour «toiletter» leurs régimes.

3 Enjeu : juguler, en jouant sur la diminution des garanties et les hausses de cotisations, les augmentations tarifaires.

La protection complémentaire de la FP menacée par Bruxelles

« Je suis attentif à ce que l'Etat employeur continue à garantir, y compris sur le plan législatif, la protection complémentaire de tous les fonctionnaires, actifs ou retraités, à travers un système solidaire. » Au congrès de la Mutualité française, à Lyon, le 8 juin dernier, Jacques Chirac a pris clairement position dans un dossier qui sent le soufre. Depuis bientôt un an, la Mutualité de la fonction publique (MPF) est dans le collimateur de Bruxelles, qui souhaite voir mis en place une logique de marché et de mise en concurrence avec les opérateurs privés. De fait, en juillet 2005, la Commission européenne a dénoncé les aides directes et indirectes de l'Etat aux mutuelles des fonctionnaires, qui bénéficieraient ainsi d'une « situation privilégiée » par rapport aux organismes d'assurance maladie complémentaire privés. Deux mois plus tard, le Conseil d'Etat a demandé au gouvernement français d'abroger l'arrêté Chazelle, qui fixe les conditions de la participation financière des employeurs publics aux mutuelles de ses agents. L'incrédulité prévaut à la MFP, qui rappelle qu'en 2005, les subventions versées, soit 80 millions d'euros, ont représenté moins de 3 % des cotisations perçues auprès des adhérents. La MFP craint que le basculement dans la « déréglementation » entraîne des augmentations de cotisations, des diminutions de garanties et l'exclusion, de fait, des agents à faibles revenus et des retraités de la fonction publique.

Le ministère a mis en place un groupe de travail. Les syndicats, eux, poussent l'Etat à inscrire dans la loi sa participation au financement de la protection complémentaire de ses agents. Ils en ont officiellement fait la demande en avril dernier, en déposant un amendement à la loi relative à la modernisation de la fonction publique. Ils réclament aussi l'ouverture d'une négociation avec le gouvernement sur le niveau de couverture des risques. L'État a jusqu'à la fin de l'année pour repenser le modèle de protection sociale complémentaire de la fonction publique.

Deux actions de prévention à partir du 1er juillet 2006

Au 1er juillet 2006, les complémentaires santé devront prendre en charge au moins deux prestations de prévention considérées comme prioritaires et choisies dans une liste fixée par arrêté. Cet arrêté est actuellement au stade de projet très avancé. D'ores et déjà, les acteurs de la santé en connaissent la substance. Les actions qui devraient être prises en charge en complément de la Sécurité sociale (remboursement du ticket modérateur) sont les suivantes :

> vaccinations : diphtérie, tétanos, poliomyélite, coqueluche, hépatite B (adolescents), BCG, rubéole (adolescents et femmes non immunisées), méningite, arthrite, pneumopathie, infections invasives à pneumocoques (enfants de moins de 18 mois) ;

> ostéo-densitométrie pour les femmes de plus de 50 ans ;

> interventions dentaires pour les enfants de moins de 14 ans (détartrage, scellement de sillons) ;

> bilan du langage oral et bilan d'aptitude au langage écrit pour les enfants de moins de 14 ans ;

> dépistage des troubles de l'audition pour les plus de 50 ans (remboursement d'actes tous les 5 ans).

Seule l'ostéo-densitométrie n'est pas encore remboursée par la Sécurité sociale, mais devrait l'être prochainement.

Pour les gestionnaires des régimes complémentaires, il s'agit d'une « prévention-plancher », qui ne bouleversera guère les habitudes. « La vraie prévention, c'est aller au-delà de ce que rembourse déjà la Sécurité sociale et de prendre en charge des frais non remboursés », estime Pascal Le Guyader, directeur des affaires sociales, de l'emploi et de la formation du Leem (syndicat des industries pharmaceutiques) et cogestionnaire du régime de prévoyance de la branche. Chez MV4Parunion, on se dit « étonnés » d'une telle liste. « La plupart des actions du projet d'arrêté sont déjà prises en charge chez nous depuis la nuit des temps, indique Carole Huriot, responsable de la communication-marketing. C'est sans doute fait pour des acteurs qui ne sont pas dans cette philosophie-là. En tout cas, l'objectif est largement atteignable ! »

Auteur

  • Jean-François Rio