logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

La chasse aux abus continue de plus belle

Dossier | publié le : 20.06.2006 | Marie-Pierre Vega

Alors que l'assurance maladie a renforcé sa politique de contrôle des arrêts de travail, employeurs et organismes complémentaires sont de plus en plus nombreux à recourir à la contre-visite médicale.

Contrôler et lutter contre les abus et les fraudes à la Sécurité sociale : c'est l'un des aspects de la réforme de l'assurance maladie adoptée en 2004. Objectif : économiser un milliard d'euros par an.

Pour y parvenir, le service du contrôle médical a aujourd'hui la possibilité de convoquer les assurés en se fondant sur la fréquence des prescriptions d'arrêt de travail. Les indemnités journalières peuvent être suspendues si l'assuré se soustrait au contrôle de la Sécurité sociale, et le remboursement des sommes indûment perçues peut être exigé. Selon l'assurance maladie, les résultats obtenus sont « probants ». En 2005, elle a réalisé 750 000 contrôles d'arrêt de travail, soit 150 000 de plus que l'année précédente, et 300 000 supplémentaires par rapport à 2003.

Surveillance accrue

La priorité a été donnée aux arrêts de travail de courte durée et répétitifs. Les contrôles dans ce domaine ont été multipliés par sept entre 2003 et 2005. « Sur les 249 000 contrôles réalisés l'année dernière, 15 % des arrêts se sont révélés médicalement injustifiés », note un bilan de la Caisse nationale d'assurance maladie de février dernier. La Sécurité sociale contrôle aussi désormais systématiquement les arrêts de travail de longue durée, et ce dès le 60e jour d'indemnités journalières, contre le 90e jour auparavant. En 2005, elle a ainsi procédé à 501 500 contrôles (contre 420 000 en 2004), qui ont débouché sur le refus de poursuivre l'arrêt de travail dans 17,5 % des cas. Résultat : en 2005, le nombre de journées de travail indemnisées a diminué de 4,1 % par rapport à l'année précédente et les dépenses d'indemnités journalières ont baissé de 1,6 %, soit plus d'un milliard d'euros d'économies. A noter que ces deux indicateurs avaient déjà amorcé une baisse en 2004.

Contrôle médical privé

Les chefs d'entreprise, eux, sont aussi de plus en plus enclins à utiliser le droit de vérifier la validité d'un arrêt- maladie, qui leur a été accordé en 1978 en échange de l'obligation de verser des indemnités complémentaires. Ils font appel à des sociétés de contrôle médical privées. Ce marché en pleine expansion a ainsi attiré Mediverif, une entreprise créée il y a deux ans. « Je pensais mettre en place environ 300 contrôles par mois, en fait, j'en réalise le double, affirme son dirigeant, Stephan Pierantoni. Ils permettent de repérer les abus, qui concerne environ 30 % des arrêts, mais aussi de diminuer de 50 % en moyenne le nombre d'arrêts enregistrés dans une entreprise, car les salariés savent qu'ils peuvent être contrôlés à tout moment. » Contrôle Medicalis France est également un nouveau venu dans ce domaine. « Les employeurs font beaucoup appel à nous pour des problèmes d'arrêts de courte durée répétés, explique le directeur Eddy Alaouchiche. Sur l'ensemble des contrôles réalisés, 10 % des arrêts de travail se révèlent être médicalement injustifiés et 8 % l'ont été mais ne le sont plus. Et, dans 30 % des cas, le salarié est absent de son domicile lors du contrôle alors que celui-ci se déroule dans le cadre des heures de sortie non autorisée. »

Baisse de l'absentéisme

Selon Eddy Alaouchiche, la mise en place d'un contrôle par l'employeur se traduit par une baisse de l'absentéisme au travail de 3,5 % à 30 % selon les cas.

Le dirigeant d'une petite tôlerie-serrurerie dans la région lyonnaise, qui a déjà fait appel par deux fois aux services de Synéance, un autre acteur du marché, est convaincu de l'intérêt de la contre-visite. « Je commençais à être fatigué de certains ouvriers qui prenaient l'entreprise pour le Club Med, et cela agaçait les autres salariés qui travaillent sérieusement. Ils m'ont demandé de faire quelque chose », explique ce responsable qui préfère rester anonyme pour « ne pas jeter de l'huile sur le feu ». « En trois mois, reprend ce patron, j'ai fait procéder à deux contrôles. Les deux personnes concernées sont immédiatement revenues travailler. Il faudra certainement faire des piqûres de rappel, mais je pense que pendant un certain temps, il n'y aura plus d'arrêts injustifiés. »

Contre-visite médicale

Les organismes de protection sociale complémentaire incluent parfois la contre-visite médicale dans leurs prestations. AGF l'a rétablie en 2003. AG2R « étudie l'opportunité de la mettre en place, mais uniquement en vue de contrôler les arrêts longs et sur un plan strictement médical, indique Pascal Broussoux, directeur technique de l'institution de prévoyance. Ces arrêts coûtent cher à la communauté des assurés car, en alourdissant ainsi les charges supportées par le contrat, on doit ensuite, très souvent, en augmenter les cotisations. Il peut donc être intéressant de déclencher un contrôle pour une personne qui ne travaille pas depuis un an alors qu'elle souffre d'une pathologie nécessitant normalement, sur un plan médical, six mois d'arrêt. » Pour sa part, Axa ne pratique pas le contrôle à domicile systématique, mais, depuis un an, la compagnie demande au salarié en arrêt de travail de lui faire « parvenir un certificat médical, à l'issue de la période de franchise de 30 à 90 jours, dès l'ouverture d'un sinistre incapacité. Une expertise est déclenchée si elle s'avère nécessaire. C'est sur la base de cette expertise qu'une aide à la reprise d'activité pourra être étudiée », indique Hervé Franck, directeur santé assurances collectives Axa France.

Coût des primes

Des réflexions plus ou moins avancées sont toujours en cours dans le domaine de la prévention. « Nous ne voulons pas nous contenter de stabiliser le nombre et le coût des arrêts de travail, alors que c'est l'un des rares secteurs en prévoyance dans lequel on peut viser une diminution du coût des primes », note Gilles Johanet, directeur général adjoint d'AGF. Ainsi, cet assureur s'apprête à lancer Vivéis, un produit qui comportera, outre le contrôle médical, un diagnostic de la situation de l'entreprise et un coaching collectif et individuel des salariés et de l'encadrement. L'assureur espère toucher un quart des entreprises de son portefeuille d'ici à deux ans.

Politique globale

Pour Jean-Marie Gobbi, directeur de Psya, société spécialisée dans la prévention et la gestion des risques psychosociaux, seule une politique globale permet d'endiguer les arrêts de travail. « Nous proposons trois niveaux d'intervention : un centre d'appels animé par des psychologues cliniciens formés à l'écoute de la souffrance, un réseau physique de psychologues cliniciens en vue d'éventuelles consultations, et une mission en entreprise pour analyser les causes de l'absentéisme et définir un plan d'action. Nous obtenons, en moyenne, une diminution de 7 % à 8 % des arrêts de travail au bout d'une durée minimum de huit mois. »

LES CONTRÔLES DE LA «SÉCU»

> 750 000 arrêts de travail contrôlés en 2005.

> 15 % des arrêts de courte durée injustifiés.

> 17,5 % de refus de poursuivre l'arrêt de travail de longue durée.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega