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Managers et salariés doivent dialoguer sur la formation

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 20.06.2006 | Christelle Fleury

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Managers et salariés doivent dialoguer sur la formation

Crédit photo Christelle Fleury

Deux ans après le vote de la loi sur la formation professionnelle, la réforme risque d'être enterrée. Elle représente pourtant un enjeu essentiel : celui de considérer le salarié comme une personne en évolution permanente. Une priorité : former les managers et les collaborateurs au dialogue.

E & C : Deux ans après le vote de la loi qui instaurait, entre autres, les catégories de formation, le DIF et l'entretien professionnel, avez-vous l'impression que les entreprises se sont approprié la réforme ?

Alain Labruffe : Je constate, aujourd'hui, que les pouvoirs publics n'ont mis en place sur le terrain ni incitations ni inspections pour que la loi soit vraiment appliquée. Autrement dit, l'entreprise qui veut avancer le peut, mais celle qui veut freiner dispose de tous les éléments législatifs pour le faire.

Ainsi, le seuil d'efficacité du budget pour une formation réussie se situe entre 8 % et 10 % de la masse salariale, simplement en coûts pédagogiques, c'est-à-dire sans compter les autres frais, rémunérations et coûts de remplacement. Le montant minimum de formation fixé par la loi à 1,6 % de la masse salariale apparaît donc nettement insuffisant : il ne représente, en moyenne, qu'une journée de formation par an et par personne ! Comment, dans ces conditions, former les salariés aux nouvelles technologies, aux langues et au relationnel ? Comment arriver à lutter face à nos concurrents dans une économie mondialisée ?

Un autre problème se pose, auquel la loi ne répond pas : les entreprises doivent prendre en charge des formations qui devraient être dispensées par le système éducatif. En moyenne, 20 % de leur budget formation est consacré à l'alphabétisation de personnes illettrées. C'est autant d'argent en moins pour dispenser celles nécessaires à la performance économique.

E & C : Quels sont les enjeux de la réforme pour l'entreprise ?

A. L. : La loi est porteuse d'un grand espoir, car elle dit que chacun a droit à une formation tout au long de sa vie. Elle met ainsi l'accent sur un point essentiel : l'humain est en évolution permanente, et sa progression est liée à la formation qu'il reçoit au quotidien. Pour appliquer ce principe, il faut abolir notre conception fixiste de l'homme. Evaluer les individus en termes de qualités et/ou de défauts est dépassé. Leur dire : « Vous êtes timide, ouvert, dynamique, instable, etc. », ou « vous manquez d'autonomie, de créativité, d'esprit d'équipe, etc. » est une façon de les figer dans des cases et de les empêcher de changer.

Il est temps de réfléchir enfin en termes d'acquisition des compétences. Chaque jour, le salarié est confronté à des exigences multiples et nouvelles, et il doit développer, pour y faire face, des connaissances et des savoir-faire à la fois techniques et relationnels. Les managers n'ont pas été formés aux méthodes d'ingénierie des ressources humaines (IRH) et ont une attitude massacrante vis-à-vis de leurs collaborateurs. Au lieu de privilégier un système de communication et d'interaction, nous nous trouvons dans un schéma «émetteurs-récepteurs» antédiluvien, où la parole du chef fait loi.

E & C : Face à ce constat, quelle est, d'après vous, l'urgence ?

A. L. : La formation doit devenir une priorité nationale. Il est urgent d'apprendre à dialoguer, à s'affirmer et à être à l'aise sur le plan personnel. Un tel apprentissage se met en place dès l'école maternelle.

Nos grandes écoles, d'où sortent les dirigeants et les cadres de la nation, ont leur rôle à jouer : elles doivent mettre en place d'importantes formations au dialogue et au relationnel pour leurs étudiants. Car il n'est pas étonnant que nous soyons peu enclins à la discussion et à la concertation, dans un pays où les gouvernements font passer en force leurs mesures, grâce à l'article 49-3 de la Constitution.

E & C : Comment amener les entreprises à appliquer la loi sur la formation professionnelle continue ?

A. L. : Pour que les entreprises appliquent la loi, il faudrait d'abord que l'Etat donne l'exemple, dans les entreprises publiques et les administrations. Dans l'entreprise, c'est la DRH qui doit mettre en oeuvre les processus qui vont permettre au salarié d'accéder à la formation. Cela nécessite d'y consacrer du temps. Le salarié se trouve dans la situation du consommateur dans un supermarché : il dispose potentiellement de tous les éléments pour connaître les composants des produits. Mais, sans la formation nécessaire sur la nature des ingrédients, il ne comprendra rien. De même, le salarié ne sait pas rechercher les informations qui lui sont nécessaires pour sa formation. C'est à l'entreprise d'instaurer les dispositifs pour l'informer. Notamment au moment de l'entretien professionnel, qui doit être conçu, préparé et mis en oeuvre comme un moment exceptionnel de dialogue.

La formation continue des adultes, Pierre Goguelin, PUF, 1994.

La formation permanente, Alain Meignant, éditions Liaisons, 2003.

Encyclopédie des pédagogies pour adultes, tomes 1 et 2, Dominique Chalvin, ESF, 1999.

parcours

Alain Labruffe mène une double carrière de professeur à l'université et de conseiller en formation. Docteur d'Etat en communication, il a été détaché par le CNRS auprès d'entreprises pour travailler sur l'amélioration des conditions de travail.

Recruteur pour Elf pendant vingt-cinq ans, il a développé différentes méthodologies de GRH fondées sur la communication positive, méthode de communication interpersonnelle mise au point il y a une quinzaine d'années.

Gérant d'un organisme de formation et de conseil en GRH, il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont L'entretien professionnel (éd. Afnor, 2006), Le guide du nouveau formateur, coécrit avec Emmanuel Carré (Afnor), et La communication positive. Objectif santé (éd. LEH), tous deux à paraître en juin 2006.

Auteur

  • Christelle Fleury