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Les Pratiques

Le géant agroalimentaire plie devant ses salariés

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 13.06.2006 | M.-P. V.

Il y a deux ans, l'usine de chocolat et de café Nestlé Saint-Menet, à Marseille, était promise à la fermeture. Grâce à l'acharnement des syndicats, 180 emplois ont été sauvés par le repreneur Net cacao, et Nestlé France a accepté la plupart des revendications des salariés.

L'odeur du chocolat n'a jamais cessé de flotter sur l'usine, même pendant le mouvement d'occupation de juin 2005. Le site a pourtant bel et bien failli fermer. C'était le projet de la direction de Nestlé. Elle l'annonce le 12 mai 2004. Les 427 salariés le refusent en bloc. Pendant vingt et un mois, ils donnent du fil à retordre au groupe agroalimentaire suisse, qui ne s'attendait pas à une telle résistance. Les syndicats médiatisent la fin de non-recevoir opposée par Nestlé au groupe Legal qui avançait une proposition de relance de l'activité. Ils portent la bataille sur le terrain de la justice, multipliant les actions devant le tribunal de grande instance de Marseille. Ils mènent le débat dans la ville, aux premières lignes des grandes manifestations pour l'emploi ou sur le parking de l'usine en organisant des «Nestival». Nestlé a fini par reculer.

180 salariés réembauchés

Depuis la mi-avril, la torréfaction des fèves de cacao a repris, sous la direction de Net cacao. La société, constituée par le négociant international en sucres et denrées Sucden et la société Chenal & Associés, a promis de reprendre 180 des 427 salariés licenciés. « 144 personnes sont déjà en poste et 35 autres seront embauchées d'ici à la fin juin, explique Jean Chenal, le repreneur. Il nous manque encore quelques compétences, sur les fonctions administratives et sur celles très techniques. Auparavant, Saint-Menet n'était qu'une usine. Aujourd'hui, c'est un siège social. » Semaine après semaine, la fabrication de beurre de cacao, de chocolat industriel et de tablettes monte en puissance avec un investissement de 12,5 millions d'euros pour de nouveaux équipements. D'ici à septembre, l'usine devrait atteindre son rythme de croisière avec une production hebdomadaire de 1 000 tonnes de tablettes.

De bonnes conditions de reprise

Les anciens de Nestlé affichent leur joie d'avoir repris le travail. « L'ambiance est plutôt bonne, commente Jean-François Molina, délégué CGT. Beaucoup ont l'impression de ne pas avoir quitté Nestlé parce qu'ils occupent toujours le même poste. » « Les conditions de reprise sont bonnes, nous en sommes même surpris, avoue Michel Rossi, délégué CGC et secrétaire du CE. Le salaire est équivalent à la rémunération de base de Nestlé, assorti d'une prime d'assiduité de 10 %, d'un 13e mois et d'un intéressement pouvant aller jusqu'à un demi-mois de salaire. »

La guerre de tranchées menée par les syndicats a également permis d'arracher un plan social plutôt généreux. Ils ont obtenu une prime de licenciement additionnelle de 20 000 euros pour tous et 10 000 euros supplémentaires pour les salariés touchés par les mesures d'âge ; 84 personnes sont ainsi parties en préretraite ou en retraite. Autre mesure : des offres de postes en mobilité interne, accompagnées d'une aide de 15 000 euros et d'une possibilité de revenir sur son choix ; 37 salariés ont donc choisi de rester dans le groupe ; 16 autres ont saisi l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise de 10 000 euros. « Une dizaine de projets sont déjà bien avancés », note Jean-François Molina. Pour ceux-là, le plan social prévoyait la création d'un guichet unique dans les démarches administratives et un suivi du projet avec les consultants de l'antenne emploi ouverte depuis la conclusion de l'accord de fin de conflit, en janvier. Elle est animée par le cabinet BPI. « Au départ, nous ne voulions pas de ce cabinet qui nous semblait inféodé à la direction. Mais nous devons reconnaître qu'ils font du bon travail. » Une cinquantaine d'ex-Nestlé la fréquentent, tandis qu'un nombre similaire sont comptabilisés en invalidité ou en longue maladie.

1 000 emplois créés d'ici à 2011

Pour les syndicats, la bataille n'est pas terminée. D'abord, ils veulent obtenir la prorogation des mandats de leurs élus pour figurer au sein de la commission de suivi du reclassement. Ensuite, ils vont être attentifs à la réindustrialisation du site. Nestlé, qui est légalement tenu de créer autant d'emplois qu'il en a supprimés et va signer une convention de revitalisation avec l'Etat, assure vouloir aller plus loin. Il a fixé un objectif de 1 000 emplois créés d'ici à 2011. Pour cela, il vend à la société lyonnaise Vauban Développement les 20 hectares et les 85 000 m2 de locaux non utilisés par Net cacao et lui confie la mission de les aménager et les commercialiser. « Nous signons avec eux un contrat qui fixera les objectifs que nous voulons atteindre en nombre d'emplois », indique Jean-Pierre Carli, directeur général en charge des ressources humaines chez Nestlé France.

Selon le préfet des Bouches-du-Rhône, le groupe suisse et Vauban Développement ont convenu de donner la priorité aux emplois industriels. Mais les syndicats sont inquiets. « Le projet de Nestlé parle de la création d'un parc d'activités industrielles, artisanales et de services, remarque le délégué CGT Serge Borel. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler un projet industriel. Nous continuerons à interpeller les pouvoirs publics, il n'est pas question de donner un chèque en blanc à un aménageur. »

Auteur

  • M.-P. V.