On a beaucoup glosé sur le tort financier fait aux aînés et aux forces économiques par la mise à la retraite prématurée, mais l'on s'est moins souvent appesanti sur ses aspects psychologiques, comme s'il y avait une impudeur à évoquer cette dimension de mort sociale qui affecte non plus le groupe mais l'individu dans sa singularité.

Qu'on le veuille ou non, et quels que soient les contre-exemples de grands-parents épanouis, entre leurs petits- enfants et leurs voyages sous le soleil des tropiques, la retraite reste un mot péjoratif synonyme de mise au rebut. Comme le Persan de Montesquieu, le retraité sombre dans le néant social à partir du moment où il abandonne ses oripeaux professionnels, cantonné à une identité de jouisseur ou de roue de secours pour les parents débordés.

Tout se passe comme si perdre son identité professionnelle consistait à n'être qu'un individu de seconde zone, dont la finalité n'est plus en lui-même mais dans l'aide qu'il peut apporter aux autres. Comme si, après avoir été pris en charge par le groupe du point de vue de son identité, l'individu devait se débrouiller seul pour retomber sur ses pieds, dès lors qu'il quitte la sphère du travail.

Avec le papy-boom, cette question individuelle de la reconversion identitaire à l'âge de la retraite est en passe, cependant, de devenir un problème de masse qu'il serait temps d'affronter collectivement. La synthèse présentée aujourd'hui constitue l'aboutissement d'un travail d'équipe, mené de 2003 à 2005, sous l'égide de l'association Développement et Emploi.

Dominique Thierry est vice-président de Développement et Emploi, créée il y a plus de vingt ans, et de France Bénévolat.