Il n'est pas facile de garder son calme et ses idées claires aujourd'hui dans l'entreprise. Car les messages transmis sont changeants, impératifs et souvent contradictoires. L'entreprise deviendrait-elle «schizophrénique» ? Sans aller jusque-là, il est vrai que le panorama n'est pas tranquille.
On veut davantage de fluidité dans l'organisation, mais on n'autorise pas la mobilité. On le justifie d'ailleurs aisément : compte tenu des enjeux, il faut à chaque poste des personnes 100 % opérationnelles tout de suite. On prône l'empowerment, mais la plupart des décisions remontent à l'équipe dirigeante. On veut du sang neuf dans les équipes, mais on ne fait pas confiance aux jeunes récemment recrutés. On demande aux personnes de redresser en urgence les résultats, mais on les sanctionne par une restructuration soudaine, avant même que les plans d'action aient produit leurs fruits. Tension, anxiété, impatience, la machine à confusion est en marche... Résultats : de plus en plus de personnes craquent, ne parviennent plus à gérer leurs priorités et prennent des décisions impulsives ou erronées.
Mais chacun joue un rôle dans ce tableau. Le salarié commence lui aussi, sans s'en rendre compte, à dire une chose et son contraire. A la question du matin : « Bonjour, comment vas-tu ? », il répond « ça va très bien ! », avec un visage crispé qui en dit long sur son malaise. Plus tard, il quitte une réunion en lançant « j'ai compris, je maîtrise », alors qu'intérieurement, il ne sait pas comment s'y prendre. Et, en fin d'après-midi, il soupire « je suis complètement débordé », alors qu'il ne s'est pas senti efficace de la journée et a même eu du mal à se concentrer. Alors, il s'énerve sur autrui : « Si seulement les autres travaillaient correctement, nous n'en serions pas là ! »
En fait, cette perte de repères massive et générale semble se présenter comme pour nous aider à «muter». Les petits ajustements ne seront plus suffisants, on le devine. Il faut vraiment penser et agir autrement. Le vent de renouvellement qui s'élève semble faire table rase de nos appuis d'hier et trouve comme un malin plaisir à remplir notre quotidien de surprises et de contrariétés. Faire face requiert des compétences nouvelles, des aptitudes à la créativité et à la débrouillardise plus fortes que jamais. C'est l'occasion d'un apprentissage intensif, où chacun doit s'entraîner à mobiliser toutes ses ressources d'énergie et de confiance.
L'attitude aidante ? Rester fluide, apprendre de toutes les situations, sentir ce qui se joue en profondeur derrière les aléas du quotidien et construire avec les autres des solutions inédites.
Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris <
