Depuis 1990, l'ambassade de France aux Etats-Unis organise un forum destiné à faciliter le retour des «cerveaux» expatriés. Si l'édition 2006 a attiré moins de candidats qu'en 2005, leurs profils de haut niveau continuent d'intéresser les entreprises. La manifestation pourrait évoluer vers une formule plus européenne.
Les Etats-Unis attirent un nombre croissant d'étudiants et de jeunes diplômés de tous pays. « Parmi eux, plus de 10 000 ingénieurs et scientifiques français ont traversé l'Atlantique et résident actuellement sur le sol américain pour compléter leur formation ou acquérir une expérience dans les laboratoires et les entreprises de hautes technologies, note Jean-David Levitte, ambassadeur de France aux Etats-Unis. Forts de cette expérience, nombreux sont ceux qui présentent un profil international de qualité pour des postes exigeant un haut potentiel et des capacités d'adaptation tant sur le plan technique que culturel. » Depuis 1990, l'ambassade de France organise, chaque année, un forum qui met en relation des Français résidant aux Etats-Unis avec des entreprises et des laboratoires souhaitant les recruter.
Cette année, le forum s'est tenu les 8 et 9 avril, à Boston, et les 11 et 12 avril, à San Francisco. Depuis plusieurs années, l'Apec (Asia Pacific Economic Cooperation) joue un double rôle dans cette manifestation : elle est co-organisatrice et représente certaines entreprises, 8 cette année. Parmi les 45 exposants, on recensait 25 entreprises, 10 pôles de recherche (CNRS, Inserm...) et 10 écoles (Polytechnique, Supélec, HEC, Essec...).
Présent sur l'étape de Boston, Sanofi-Aventis se montre satisfait. « Nous avons rencontré une quinzaine de candidats de très bon niveau, note Florence Jary, responsable du recrutement et du sourcing. Ce sont majoritairement des Français qui ont complété leurs études aux Etats-Unis et qui ont effectué des stages dans d'autres pays. Ils postulent dans les fonctions recherche, systèmes d'information et logistique. »
Présent à ce forum depuis sa création, le groupe Saint-Gobain poursuit plusieurs objectifs : communiquer sur ses activités et ses métiers, recruter et nouer des contacts avec des candidats qui envisagent une carrière dans l'industrie. L'entreprise avait une cinquantaine de postes en portefeuille concernant, en premier lieu, la recherche mais aussi le développement, la logistique et la production. « Nous avons rencontré moins de candidats que les années précédentes, mais de bonne qualité, remarque Marie-Claire Parent, responsable RH à Saint-Gobain Recherche. Quatre-vingts personnes ont été reçues en entretien individuel. Une majorité de Français, mais aussi d'autres nationalités qui intéressent tout autant notre groupe, de dimension internationale. En termes de formation, beaucoup sont issus de grandes écoles françaises (Polytechnique, Mines, Supélec...) et/ou sont titulaires de doctorats obtenus dans de prestigieuses universités américaines. Si certains ont des projets professionnels précis à court terme, d'autres préparent un retour qu'ils envisagent dans les huit à douze mois ; d'autres encore viennent s'informer et échanger sur leur profil. »
Fidèle, elle aussi, depuis l'origine, Renault a vu la manifestation évoluer. « Les visiteurs qui étaient des ingénieurs ou des docteurs français dans les premières années, se sont peu à peu diversifiés en termes de nationalités et de profils, constate Jean-Nicolas Beauvais, chef du service recrutement et politiques cadres. On rencontre, aujourd'hui, parmi les candidats, des diplômés en communication, management, ressources humaines, droit ou achats. »
Le constructeur recherche particulièrement les candidats qui ont connu des pays et des univers différents au cours de leurs études ou de leur vie professionnelle. Comme ils ne sont généralement pas disponibles avant huit mois, voire deux ans, l'entreprise leur présente ses métiers et les recontacte par la suite. Elle effectue un suivi très précis de ces candidatures.
L'édition 2005 a donné de très bons résultats. « Nous avons connu en 2005 notre meilleur taux de retour, constate Jean-Nicolas Beauvais. Les retombées ont été plus importantes et plus rapides que lors des années précédentes. » L'entreprise, qui était présente à Boston et à San Francisco, a rencontré 250 personnes, dont une quinzaine ont été embauchées. En 2006, présente uniquement à Boston, elle a rencontré 110 candidats, de bon niveau. « Pour nous, le forum USA est un double enrichissement. Il nous permet de recruter des candidats au profil international et nous apporte une meilleure connaissance du système éducatif américain. »
Les PME sont, elles aussi, présentes à ce forum. Certaines sont représentées par l'Apec. « Les six PME que nous représentions cette année sont à la recherche de perles rares, sur des spécialités très pointues, observe Dominique Hénault, directeur des services clients à l'Apec. L'an dernier, quatre des cinq PME que nous représentions ont recruté suite au forum. »
Autres PME venues au forum, celles du Génopole d'Evry, une structure créée en 1998 qui réunit et fédère sur un même lieu recherche publique et privée, formations universitaires et entreprises de biotechnologies. Elles sont déjà 57, de la jeune pousse à peine éclose à la plus importante qui emploie une centaine de salariés. « Les entreprises du Génopole ont proposé 13 postes sur le forum USA, explique Patrick Faure, responsable du département entreprises. Ce sont des postes de toxicologue, de pharmacologue, de spécialiste des affaires réglementaires et de responsables de projet. Nous avons rencontré des candidats intéressants, et notamment des seniors (âgés de 35 ans). Ces profils attirent beaucoup car le secteur des biotechnologies est plus mature aux Etats-Unis qu'en France. » La majorité de ces candidats avaient toutefois été prévenus du forum par l'intermédiaire d'associations, alors que ceux qui avaient été présélectionnés par l'intermédiaire du forum ne se sont pas présentés. « Au cours des précédentes années, le forum nous a permis de nous constituer des réseaux. »
2006 n'aura donc pas été le meilleur cru de la manifestation. « Si le profil des candidats était excellent, leur nombre a été faible », admet Dominique Hénault. Environ 400 visiteurs se sont présentés, alors que 900 s'étaient préinscrits. Des problèmes informatiques sont avancés : les candidats présélectionnés n'auraient pas été relancés ni les rendez-vous confirmés. A titre de comparaison, 762 visiteurs s'étaient rendus au forum 2005, qui se déroulait sur cinq jours, dont 32 % de nationalité non française.
« Au bout de seize ans, il est temps de revoir l'exercice, estime Michel Israël, conseiller pour la science et la technologie à l'ambassade de France, à Washington. L'espace européen est, aujourd'hui, une réalité, que ce soit au niveau des entreprises ou au niveau de la recherche. Des discussions sont en cours avec la Commission européenne pour organiser des manifestations. » Un rapprochement avec l'European Career Fair du MIT est également envisagé. Créé par des étudiants européens du MIT, celui-ci s'est déroulé, pour la dixième fois, en février dernier. Cinquante-cinq entreprises y ont participé, dont Altran, Arcelor, BNP Paribas, le CNRS, EADS...
D'après un sondage mené auprès des visiteurs, l'Union européenne est un des pôles les plus attractifs pour mener carrière « Notre forum montre que l'engouement pour l'Europe est tout sauf éphémère », affirment les organisateurs.
(encadré)
Le portail français des scientifiques en Amérique du Nord (
1 Sanofi-Aventis, Saint-Gobain, Renault... Plusieurs grandes entreprises, mais aussi des PME françaises, ont participé à la sixième édition du forum américain destiné à recruter des jeunes français expatriés.
2 Avantages : des profils de haut niveau, plus de 10 000 ingénieurs et scientifiques français résidant actuellement sur le sol américain pour compléter leur formation ou acquérir une expérience dans les laboratoires et les entreprises de haute technologie.
3 Des discussions sont en cours avec la Commission européenne pour créer une représentation européenne.
