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Un patron ferme mais «réglo»

Enquête | publié le : 16.05.2006 | Pascale Braun, Christian Robischon

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Un patron ferme mais «réglo»

Crédit photo Pascale Braun, Christian Robischon

« Un capitaliste pur et dur, mais ouvert au dialogue social. » La CGT avait qualifié en ces termes le sidérurgiste indien à son arrivée en France. Sept ans plus tard, la même formule pourrait résumer le sentiment des syndicats.

Acquéreur, en 1999, du site Usinor de Gandrange, en Lorraine, Mittal Steel a maintenu les principaux acquis du temps d'Usinor (devenu, depuis, Arcelor) sans déroger à son impératif premier de productivité. Aux dires de plusieurs syndicalistes, les conditions sociales se seraient même améliorées. L'appréciation est toutefois à prendre avec des pincettes : elle était moins positive voilà quelques années, et intervient au moment même où une bataille de communication fait rage entre le groupe d'origine indienne et Arcelor. « Comparer 2006 à 1999 n'a pas de sens. Entretemps, Arcelor a, lui aussi, fait des progrès sociaux », tempère, en outre, un cadre resté dans le giron du groupe européen.

Pyramide des âges rajeunie

En pleine tentative d'OPA, cette supposée embellie ne manque pas d'être mise en avant par le groupe de Lakshmi Mittal. En France, le groupe a certes réduit les effectifs d'environ 300 salariés. Mais « nous avons rajeuni la pyramide des âges à Gandrange en embauchant 289 jeunes, et procédé à un seul plan social, de 40 personnes, chez Tréfileurope. Nos salariés bénéficient, par ailleurs, d'accords d'intéressement et de préretraite plutôt avantageux », souligne ainsi Bernard Lauprètre, directeur général de Mittal Steel France.

En matière de politique sociale, « la principale différence est qu'Arcelor négocie des accords au niveau du groupe ou au niveau de la France, alors que Mittal discute site par site. Donc, rien n'est acquis d'avance, et la qualité des accords peut varier d'un endroit à l'autre », estime Didier Zind, responsable sidérurgie CFDT de Lorraine-Nord.

Hausses collectives

La bataille pour le maintien du pouvoir d'achat, dans le contexte de retour de l'inflation, illustre cet état de fait. « Il a fallu batailler pour réévaluer la grille en 2005, et faire passer les hausses collectives à 2,4 %, après une moyenne de 1,4 % entre 2000 et 2004 », rappelle Jacky Mascelli, délégué CGT chez Mittal Steel Gandrange. Cette année, les augmentations générales ont retrouvé leur niveau antérieur (1,4 %), mais une prime de 200 euros est attendue à l'automne. Parent pauvre d'Usinor sur le plan des salaires, le site de Gandrange n'a aujourd'hui pas entièrement rattrapé son retard par rapport aux usines sidérurgiques voisines.

Dans l'autre filiale française de Mittal Steel, Tréfileurope, les salariés du site de Saint-Dizier (Haute-Marne) ont dû se contenter de 0,7 % d'augmentation générale cette année. « La direction privilégie les augmentations individuelles, alors que nous demandons que les augmentations collectives couvrent l'inflation », indique Fabrice Fabert, délégué CFDT.

Intéressement

A la suite du rachat, Mittal a, en revanche, instauré partout des accords d'intéressement. Les primes, qui seraient calculées de manière un peu moins généreuse que chez Arcelor, procurent, par exemple, un bonus annuel de 1 000 euros chez Tréfileurope/Saint-Dizier. L'employeur indien a, en outre, prolongé les dispositifs de protection sociale tels que la mutuelle santé Urpimmec, avec prise en charge par l'employeur d'une partie de la cotisation, les contrats de retraite complémentaire et la prévoyance.

De même, la préretraite progressive (PRP), signée dans la sidérurgie dans les années 1990, a été prolongée jusqu'à son terme naturel. A Gandrange, elle permet encore à quelque 200 salariés de plus de 55 ans d'alléger progressivement leur temps de travail pour partir entre 57 et 60 ans. « Elle pose un problème de transfert de savoir-faire quand les départs s'effectuent dans un laps de temps trop court pour former le successeur, mais cela n'est pas spécifique à Mittal », commente Marcel Thill, secrétaire (CFDT) du CE de Gandrange.

Respect de la loi

Quant aux conditions de travail, elles ne suscitent pas - ou plus - de critiques particulières. « Mittal se plie de manière scrupuleuse à la loi française. Et vite : sitôt la nouvelle règle d'exposition au bruit en vigueur, elle a été appliquée dans l'usine », relate Fabrice Fabert.

Le groupe d'origine indienne s'est même distingué, en mars dernier, par la signature d'un texte de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) pour les militants syndicaux, présenté comme la compensation des discriminations dont aurait fait preuve Usinor par le passé.

Menace de procès

« Il n'a pas cherché spontanément à y remédier. Il a fallu une condamnation aux prud'hommes, confirmée en appel, puis la menace de quatre autres procès pour que de véritables négociations s'instaurent, en février 2005. Au bout d'un an, nous sommes parvenus à un texte garantissant le déroulement de carrière des représentants syndicaux et reconnaissant l'importance de leur savoir-faire », rappelle toutefois Gérard Lopparelli, délégué CGT et premier militant à avoir obtenu réparation aux prud'hommes. Leur indice sera majoré au terme d'un bilan de compétences, et la direction des affaires sociales s'assurera, au cours d'un entretien individuel annuel, de la bonne application. Usinor, cependant, ne s'était pas montré sourd à cette question, puisqu'il avait rédigé un projet d'accord de même esprit dans les années 1990. Mais, à l'époque, la CGT n'avait pas signé.

Mittal Steel

> Activité : sidérurgie.

> Effectifs : 164 000 salariés, dont 2 300 en France, répartis sur une dizaine de sites (les principaux : Gandrange :1 074 salariés, et Bourg-en-Bresse : 407 salariés).

> Chiffre d'affaires : 28,1 milliards de dollars, en 2005 (environ 22,5 milliards d'euros).

Auteur

  • Pascale Braun, Christian Robischon