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Air France : du statut à la convention d'entreprise

Les Pratiques | Point fort | publié le : 09.05.2006 | Guillaume le nagard

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Air France : du statut à la convention d'entreprise

Crédit photo Guillaume le nagard

Depuis le 6 mai, les salariés d'Air France travaillent dans une entreprise privée. En lieu et place du statut dont ils disposaient, des conventions d'entreprise ont été négociées avec les partenaires sociaux. Mais certains points ne sont pas tranchés, et le passage au privé aura un coût.

Bienvenue dans une entreprise privée : depuis le 6 mai dernier, les 56 000 salariés d'Air France ne disposent plus du statut lié à leur appartenance à une entreprise publique, mais d'une convention d'entreprise flambant neuve. En réalité, il s'agit même de trois textes : une convention commune, complétée par une convention pour les personnels au sol et une autre pour les navigants commerciaux.

Signées par la quasi-totalité des 18 syndicats du groupe, ces 400 pages de textes sont issues du vaste chantier de transposition des statuts d'Air France, ouvert il y a deux ans, et qui a amené la direction, la DRH et les syndicats à se rencontrer plus d'une centaine de fois. En fin de semaine dernière, il ne restait à parapher que la convention des personnels navigants techniques.

Loi de privatisation et fusion

« L'échéance était annoncée depuis longtemps, indique-t-on à Air France, puisque ces nouvelles conventions résultent de la loi de privatisation, puis de la fusion avec KLM. » En effet, le calendrier était bordé : en mars 2003, le Parlement adopte le projet de loi de privatisation d'Air France disposant que, dès le passage du capital public du groupe sous la barre des 50 %, l'entreprise aura deux ans pour rentrer dans le droit commun ; le 6 mai 2004, avec l'offre publique d'échange (OPE) d'Air France sur KLM, la part de l'Etat passe à 44 % : le compte à rebours est enclenché, jusqu'à cette date du 6 mai dernier.

Quatre étapes

La transposition des statuts s'est élaborée en quatre étapes, permettant de s'accorder sur une méthodologie (mai à août 2004), d'élaborer chaque convention spécifique, puis la convention commune en analysant, à chaque fois, les règlements et le statut existants, avant de les comparer à la convention du secteur, CCNTA (pour les textes régissant les personnels au sol et pour la convention commune, les navigants étant, eux, régis par des accords pluriannuels).

« Nous avons demandé dès le départ le respect d'un principe simple : pas de moins, au minimum le maintien des acquis, indique Gilles Nicoli, secrétaire général de la CFDT Air France, second syndicat, très proche aujourd'hui de la CGT. Les règlements et statuts d'Air France étaient, en général, plus favorables que la convention collective et le Code du travail, mais pas partout. » Le Pdg Cyril Spinetta avait, de son côté, assuré que les salariés ne seraient pas pénalisés. Et Gilles Nicoli, qui connaît parfaitement la CCNTA pour l'avoir négociée lorsqu'il était à Air Lib, de s'enorgueillir des quelques améliorations par rapport au statut, rendues possibles par ce respect de la clause la plus favorable : sur le calcul des jours de repos liés à l'ancienneté, le calcul de l'indemnisation des congés annuels, diverses primes, majorations et indemnités. Cette exigence se retrouve dans le préambule de la convention commune, sur « la hiérarchie des normes », la plus favorable étant appliquée aux salariés.

Cotisations sociales plus élevées

Mais, quelques points de la négociation continuent de susciter des débats. C'est le cas des cotisations à l'Unedic, qu'Air France et ses salariés, en entrant dans le droit commun, vont devoir acquitter. Les personnels ne réglaient jusqu'ici qu'une cotisation solidarité de 1 %. La différence avec la cotisation aux Assedics représenterait une ponction de 1,44 % sur la feuille de paye. La direction s'étant engagée à prendre en charge cette différence, la facture totale, incluant la cotisation patronale et la compensation pour cette cotisation salariée, devrait se monter à 150 millions d'euros par an, alors que l'entreprise souhaitait réaliser la transposition à coûts constants. Les syndicats ont obtenu dans la négociation que cette prime soit indexée, alors qu'elle devait être fixe sur la base de 2006. Et la négociation se poursuit sur l'affectation de cette compensation, la proposition de la direction et d'une partie des syndicats étant la mise en oeuvre d'un régime de retraite surcomplémentaire, de type PERE (article 83 avec un volet ouvert aux versements volontaires).

Décret de cessation d'activité des navigants

Un autre point d'achoppement, pour les personnels navigants, a surgi de la confrontation des statuts d'Air France avec la loi Fillon : il concernait la fin de carrière des stewards et des hôtesses, les personnels navigants commerciaux (PNC), fixée à 55 ans. Une forme de préretraite avec prise en charge par Air France via sa caisse de retraite. Impossible de transposer ce règlement dans un accord d'entreprise : il a donc fallu demander aux pouvoirs publics de prendre en compte la pénibilité de ces métiers pour établir un décret sur la cessation d'activité des PNC à 55 ans au niveau national. Résultat, un collectif de navigants de plusieurs compagnies aériennes a tenté un recours devant le Conseil d'Etat contre ce décret de décembre 2004, jugé « anachronique et discriminatoire ». « Aujourd'hui, le décret est validé, ce qui permet de maintenir une prime de départ, indique-t-on à l'Alliance PNC d'Air France. Ce qui se traduit à peu près par un «copié collé» de ce qui existait auparavant. Néanmoins, nous souhaiterions amener la compagnie à travailler sur les reconversions au sol pour les navigants qui souhaitent continuer. Mais maintenant, cela semble difficile. »

Convention collective

Pour les personnels au sol aussi, l'âge de la retraite s'est avéré un sujet sensible. Une forme de mise à la retraite d'office existait à Air France. Dans le droit commun, elle a été repoussée à 65 ans par la loi Fillon. Un choix s'imposait entre la convention collective de la branche (60 ans) et le droit du travail. « C'est la convention collective qui va s'appliquer, indique Gilles Nicoli. Elle semble plus favorable, mais cette solution ne satisfait pas les gens qui veulent continuer et bénéficier des dispositifs de surcote pour la retraite. » Le dernier point d'interrogation qui subsistait dans les tout derniers jours avant l'application des conventions d'entreprise concerne donc les personnels navigants techniques, pilotes et mécaniciens. Ils n'avaient pas signé leur convention, liée à la conclusion d'un accord pluriannuel sur leurs conditions de travail (temps de travail, rémunérations, périmètre d'Air France et externalisation ainsi que sécurité des vols). « Nous sommes d'ores et déjà d'accord sur les grands principes de ce texte, assurait le SNPL, principal syndicat de pilotes, dans la semaine du 1er mai. Nous devrions signer avant le 6, et, dès lors, signer la convention commune. » En attendant, la direction d'Air France, hormis pour saluer brièvement les signatures des conventions, s'est bien gardée de toute communication avant cette date fatidique !

L'essentiel

1 Depuis le 6 mai dernier, le statut régissant les conditions de travail des salariés d'Air France a fait place à des conventions d'entreprise privée.

2 Un chantier de transposition de deux ans était prévu par la loi de privatisation, à dater du désengagement de l'Etat. Le capital public d'Air France est passé sous les 50 % après la fusion avec KLM en 2004.

3 La convention collective de branche a servi de base de travail, avec un principe de «clause la plus favorable». Dans les derniers jours, la convention des pilotes n'était pas signée, et les cotisations Unedic propres au privé coûteront cher à l'entreprise.

Auteur

  • Guillaume le nagard