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Le jeu de la negociation

Enquête | publié le : 09.05.2006 | Céline Lacourcelle

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Le jeu de la negociation

Crédit photo Céline Lacourcelle

L'harmonisation sociale exige un strict respect du Code du travail, la connaissance des différents statuts, mais aussi les règles élémentaires de la négociation, où le compromis demeure souvent le meilleur salut.

Rapprochement, acquisition, homogénéisation... Autant de cas de figure qui nécessitent bien souvent une harmonisation des statuts. L'exercice n'est pas facile tant les thèmes à intégrer sont nombreux. Evidemment, rien n'oblige à une harmonisation totale. Pour autant, selon Xavier Tedeschi, président du cabinet-conseil Homme & Redéploiement, « rester en l'état, en faisant coexister des conditions de travail différentes, freine considérablement la stratégie globale du nouvel ensemble ».

Que dit le Code du travail ? Premier principe : le chef d'entreprise a l'obligation de maintenir les éléments conséquents des contrats de travail, donc des garanties et droits individuels, comme l'indique l'article L.122-12 du Code du travail. Ensuite, l'article L.132-8 signale que l'opération d'harmonisation demande au préalable la dénonciation des accords. Cela effectué, un préavis débute, qui durera trois mois, pendant lesquels les accords des différentes parties sont maintenus. Une période de douze mois s'ensuit au cours de laquelle ont lieu les négociations entre partenaires sociaux en vue d'adapter les dispositions.

Deux cas de figure

Au terme de cette période de quinze mois, deux cas de figure sont possibles. « Soit les partenaires sociaux s'entendent et signent un accord d'adaptation, nécessitant avenants au contrat de travail pour les salariés quand certaines dispositions collectives ont une incidence individuelle, auquel cas le statut de l'entreprise absorbée et celui de celle qui absorbe n'en donnent plus qu'un. Soit les négociations échouent. Dans ce cas, les dispositions de l'entité d'accueil s'appliquent d'autorité, mais avec le maintien des avantages individuels acquis avant le rapprochement », explique Me Bernard Borrely, associé et avocat en droit social du cabinet Landwell. Situation inconfortable s'il en est pour une gestion des ressources humaines optimale. Mieux vaut donc travailler le sujet en profondeur pour se donner le maximum de chances d'aboutir à un processus d'harmonisation.

Etat des lieux

Cela commence par un état des lieux aussi précis que possible des textes en vigueur dans l'entreprise approchée. « Une sorte d'audit de l'existant des conditions d'emploi, tant monétaire que non monétaire, tant collectif qu'individuel », énonce Philippe Burger, directeur associé chez Towers Perrin. Tout y passe, « les accords d'entreprise, les usages, les engagements unilatéraux, les accords atypiques, sans oublier les contrats avec les tiers, notamment avec des sociétés d'assurance et les mutuelles concernant les couvertures sociales des salariés, énumère Me Agnès Cloarec-Mérendon, du cabinet Latham & Watkins (lire p. 22).

Récapitulation des usages

Dans cet état des lieux, « la récapitulation des usages se révèle particulièrement délicate », note Bernard Borrely. Et pour cause ! Ils ne sont pas écrits. Il est également conseillé, selon Gérard Silve, consultant de Towers Perrin, d'y faire figurer les éléments liés à la politique des processus RH comme ceux de recrutement, d'évaluation des collaborateurs... Avec, pour chacun de ces thèmes, un indice de facilité pour l'harmonisation et « la notification des écarts entre l'entreprise A et l'entreprise B », ajoute Xavier Tedeschi, qui conseille, à ce stade du processus, d'aller sur le terrain pour prendre connaissance de ce qui compte pour les salariés.

Groupes de travail par volets RH

Selon l'ampleur de la tâche, des groupes de travail par volets RH peuvent être mis en place. Leur rôle ? « Travailler davantage dans le détail et sur les enjeux financiers, donc sur la partie quantifiable du rapprochement », informe Philippe Burger. Ces groupes auront pour mission de faire des simulations et des propositions, utiles ensuite lors de la négociation. Parmi les principaux thèmes : la convention collective, déterminée par l'activité principale de l'entreprise.

Reste les accords d'entreprise. Sujets phares : la prévoyance et le temps de travail. « Ce peut être l'occasion de moderniser quelque peu ses accords 35 heures datant du début des années 2000 et n'intégrant pas les derniers assouplissements législatifs, en particulier en matière de compte épargne-temps », signale Me Mathias Rubner, de Latham & Watkins.

Un sujet difficile à appréhender

Quoi qu'il en soit, le thème du temps de travail compte parmi les plus difficiles à appréhender. « L'accord d'une entreprise s'est établi au regard d'une organisation et de contraintes particulières qui diffèrent de celles de l'entreprise d'accueil. De plus, la refonte d'un accord 35 heures peut conduire à perdre le bénéfice de certaines aides publiques », avance Me Borrely.

La protection sociale mérite également l'attention de la nouvelle direction, car elle compte parmi les sujets à propos desquels les salariés sont particulièrement sourcilleux. Sans compter, ajoute Mathias Rubner, « quantité de pratiques s'apparentant à des avantages. L'un des exemples les plus emblématiques : le véhicule de fonction. Il fait partie de ces sujets se soldant bien souvent par un compromis et par son maintien ».

Respect de la philosophie RH du groupe

Tout, ensuite, est question de négociation et, plus précisément, de compromis. Selon les spécialistes, le nivellement par le bas n'est pas la règle. Pour Joël Granger, associé et responsable du département droit social chez Gide, Loyrette et Nouel, « la bonne méthode consiste à essayer d'appliquer le statut collectif de l'entreprise dominante en termes d'effectifs ».

Autre conseil livré par Bernard Borrely : « Ne pas négocier thème par thème, mais plutôt de manière globale afin que le jeu du compromis se fasse. » L'important demeurant la cohérence. En clair, que le résultat de la négociation soit en droite ligne avec la philosophie RH du groupe.

L'essentiel

1 Lors d'un rapprochement d'entreprises, le Code du travail oblige au maintien des acquis individuels et à la dénonciation des accords collectifs devant aboutir, lors d'une négociation réussie, à un accord d'adaptation.

2 Avant toute harmonisation, les spécialistes du domaine conseillent un état des lieux des accords d'entreprise, des usages, des engagements unilatéraux et des accords atypiques de l'entreprise absorbée à comparer avec ceux de l'entreprise d'accueil.

3 Le nivellement par le bas est un mauvais départ pour une harmonisation cohérente et satisfaisante.

Auteur

  • Céline Lacourcelle