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L'entreprise doit améliorer la transition travail-retraite

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 25.04.2006 | Violette Queuniet

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L'entreprise doit améliorer la transition travail-retraite

Crédit photo Violette Queuniet

Les salariés partant en retraite vivent d'autant mieux leur nouvelle condition que leur fin de carrière s'est bien déroulée. Favoriser la transition travail-retraite doit donc préoccuper les employeurs. C'est aussi une façon de gérer les fins de carrière et de participer à la démarche de responsabilité sociale de l'entreprise.

E & C : A l'heure où l'on se préoccupe de faire travailler plus longtemps les seniors, vous mettez l'accent, dans votre dernier livre, sur la préparation à la retraite. Les deux sujets sont-ils compatibles ?

Dominique Thierry : Oui, car les conditions d'une bonne transition dépendent en partie de ce qui s'est passé avant. Le fait d'avoir été «bien traité» dans sa dernière partie de carrière va jouer nettement sur la façon dont la transition va se faire et dont le «remaniement identitaire» va se construire. La transition est toujours difficile. Pour autant, les gens aspirent plutôt à entrer en retraite. Mais, le plus souvent, il s'agit d'une volonté par défaut, parce que les conditions de travail sont insupportables. Si l'on veut que les salariés travaillent totalement jusqu'à l'âge de la retraite - il faut quand même rappeler qu'ils sont au deux tiers partis avant -, la question est : à quelles conditions peuvent-ils rester jusqu'à la fin ? Si les facteurs personnels jouent un rôle important pour faciliter la transition - activités ailleurs qu'au travail, habitude de la mobilité -, ceux liés à l'entreprise sont tout aussi déterminants. Les personnes qui ont été exclues du travail vivent cela comme une destruction identitaire et il est plus difficile de faire un nouveau remaniement identitaire quand il faut d'abord gérer la destruction. La transition est deux fois plus difficile. Il faut à la fois gérer le passé et gérer l'avenir. La suppression de poste au moment du départ, le départ anticipé, parce que le service ou l'usine sont fermés, signifient « ce que j'ai fait ne sert à rien ». Le sentiment du «boulot bien fini», en revanche, qui revient très souvent dans les interviews menées pour l'élaboration de ce livre, est un facteur fondamental de transition.

E & C : Qu'est-ce qui pourrait inciter les entreprises à se préoccuper de la transition travail-retraite ?

D. T. : En se préoccupant de la transition, les entreprises vont s'intéresser à ce que sont et à ce que veulent faire les salariés. Elles vont donc peut-être se pencher davantage sur la gestion des salariés âgés ! Par ailleurs, c'est un élément fondamental d'image. L'un des vecteurs majeurs de la communication institutionnelle des entreprises, c'est ce que pensent leurs salariés. Les collectifs d'anciens salariés d'entreprises - qui en France n'existent pas encore - pourraient être des vecteurs d'image considérables. Quelqu'un qui s'est fait éjecter par obligation ou qui est parti par défaut ne va pas valoriser l'image de son entreprise.

Enfin, travailler sur la transition est une manière de rendre crédible le discours sur la responsabilité sociale. En effet, on se rend compte que les retraités retrouvent leur identité quand ils ont le sentiment de servir à quelque chose, quel que soit le domaine - bénévolat, implication politique, s'occuper des petits-enfants, etc. Les entreprises ont donc une responsabilité vis-à-vis des retraités comme vecteurs d'utilité, comme vecteurs de prévention. La transition accompagnée est donc un élément de prévention pour avoir une retraite active. Il faut d'ailleurs noter que l'attitude des entreprises vis-à-vis du bénévolat de leurs salariés a beaucoup évolué ces dernières années. Elles s'intéressent davantage à l'engagement citoyen de leur personnel. Pourquoi ne s'intéresseraient-elles pas à l'engagement de leurs retraités ?

E & C : Quelles mesures concrètes préconisez-vous ?

D. T. : Proposer des activités et des conditions de travail adaptées aux seniors est un point fondamental. La retraite progressive a été oubliée dans la réforme de la retraite. On pourrait s'inspirer du modèle suédois où la retraite progressive n'est pas la possibilité de partir avant à temps partiel, mais de continuer à travailler après à temps partiel. Allons plus loin : dans une réflexion collective, qu'est-ce qui interdirait de conditionner le droit à la retraite à temps complet à des activités socialement utiles une fois en retraite ? Ce nouveau pacte pourrait tout à fait être pensé avec les partenaires sociaux. Cela implique de sortir progressivement de la notion binaire travail/retraite pour aller vers celle d'activité (rémunérée et non rémunérée), ce que font déjà certains pays. En Suisse, le travail bénévole est comptabilisé et évalué en équivalent PIB.

En 2015, le tiers de la population sera en retraite. Le pacte intergénérationnel doit être redéfini en fonction de ces proportions. Il n'est pas que monétaire - travailler plus longtemps pour équilibrer les régimes de retraite -, il est aussi sociétal. Puisque les retraités vivent de plus en plus longtemps et en bonne santé, qu'est-ce qu'on attend d'eux et quel est leur rôle dans la société ?

2030 : le papy crash ?, Jean-Yves Ruaux, Alvik éditions, 2005.

Le théâtre d'Ionesco, Gallimard.

Les polars de Harlan Coben, éditions Pocket.

parcours

Ingénieur, diplômé de Sciences Po Paris et docteur en sociologie, Dominique Thierry a été le créateur de Développement et Emploi (dont il est aujourd'hui vice-président) et son délégué général de 1981 à 2002, après douze années d'expérience chez Rhône-Poulenc. Il est, par ailleurs, membre de l'Observatoire de la parité.

En 2003, il a contribué à la création de France Bénévolat, dont il est le vice-président.

Il est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages sur l'emploi, parmi lesquels La gestion prévisionnelle et préventive des emplois et des compétences (L'Harmattan), L'entreprise face à la question de l'emploi (L'Harmattan). Il vient de publier L'entrée dans la retraite : nouveau départ ou mort sociale ? (éd. Liaisons).

Auteur

  • Violette Queuniet