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Inégalités salariales : une exigence de résultats

Les Pratiques | Point fort | publié le : 18.04.2006 |

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Inégalités salariales : une exigence de résultats

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Aujourd'hui, seules de rares entreprises ont pris des mesures volontaristes pour résorber les écarts de salaire entre hommes et femmes. Une pratique qui, sous la pression conjuguée des syndicats et des salariées, devrait se développer.

Si certaines entreprises ont déjà, à l'image du Crédit du Nord (voir Entreprise & Carrières n° 799 du 21 février 2006), décidé de dégager un budget spécifique d'augmentations destiné à corriger les écarts de salaires constatés entre leurs collaborateurs et leurs collaboratrices, ce comportement demeure encore rare. Voire tabou. La direction d'Alcatel, dont l'accord sur les salaires de 2005 prévoit que 0,2 % de la masse salariale bénéficie aux femmes pour contribuer à combler les décalages de rémunération, refuse de s'exprimer sur ce sujet. Et nombre d'entreprises qui communiquent sur leurs actions en faveur de l'égalité professionnelle, tels la Macif, la SNCF, les cabinets de conseil Accenture ou Deloitte, assurent que les inégalités salariales ne sont pas une réalité chez elles, leurs grilles de rémunération très strictes interdisant de telles pratiques.

Revue RH femmes

Chez Air Liquide, qui a initié des actions en faveur de la diversité dès 1995, et a boosté ses recrutements féminins parmi les ingénieurs et cadres (30 % en 1998, 43 % aujourd'hui, dont plus de 50 % au niveau jeunes diplômés), une revue ressources humaines d'une journée complète spécialement dédiée aux femmes a été menée par le comité exécutif du groupe en avril 2005 : elle était notamment destinée à comprendre pourquoi les femmes, qui représentent 26 % des salariés français, ne sont plus que 21 % des cadres et, surtout, 3 % des managers seniors d'Air Liquide. « A cette occasion, nous avons examiné également de près les coefficients de rémunérations et n'avons pas identifié de dé-correlation entre hommes et femmes, souligne Jean-Baptiste Ripart, DRH adjoint d'Air Liquide. Les seuls écarts constatés concernaient le groupe des managers seniors, où l'étroitesse de l'échantillon - 4 femmes pour 101 hommes - ne permettait pas d'en tirer des conclusions fiables. »

Outils multiples

Pour favoriser l'accession des femmes à de plus hautes responsabilités, la direction du groupe a décidé de renouveler, chaque année, cette revue RH femmes, mais aussi de repousser à 45 ans l'âge limite jusqu'auquel les femmes peuvent être identifiées comme hauts potentiels (contre 40 ans pour les hommes), de former les managers à la diversité, de promouvoir le réseau féminin interne O'pluriel, et de réfléchir à la manière de permettre aux femmes obligées de quitter tôt leur travail de reprendre leurs dossiers chez elles le soir.

Malgré tout, si l'on en croit tant les chiffres de l'Insee que ceux de Hay, ces exemples ne sont pas emblématiques de la situation générale. Et pour toutes les entreprises qui se bornaient, jusqu'ici, à transmettre à leurs représentants du personnel un état des salaires par catégories et par sexes constatant simplement les écarts, la loi sur l'égalité salariale devrait les inciter fortement à réagir. « Cet état comparé, jusqu'alors relativement anodin, s'apparente maintenant à un aveu de discrimination, insiste Sylvain Niel, directeur du département GRH du cabinet d'avocats Fidal. Avec le risque qu'une ou plusieurs femmes demandent un rappel de salaire sur une période pouvant remonter jusqu'à trente ans ! » A partir du 25 mars 2007, les entreprises devront tirer un diagnostic de ce bilan social sexué, c'est-à-dire rechercher les causes des écarts et la manière dont ils peuvent être liés aux contraintes spécifiques des femmes (charges familiales, moindre disponibilité, moindre résistance physique...).

Dispositions obligatoires

« Soit elles pourront justifier, par des éléments objectifs qui ne relèvent pas du genre, les différences de salaire, soit, et c'est le cas le plus probable, elles ne le pourront pas et elles devront prendre des dispositions pour supprimer ces écarts, pronostique Sylvain Niel. Pour lui, malgré l'absence de sanctions contenues dans la loi, deux phénomènes vont forcer les entreprises à agir : « la pression des syndicats, qui ne manqueront pas cette occasion de booster leur représentativité ; et les actions de salariés, qui, d'une manière générale, n'attendent plus la rupture du contrat de travail pour attaquer leur employeur s'ils s'estiment lésés ». S. F.

L'essentiel

1 Le cabinet HayGroup révèle un écart global de 25 % entre les salaires masculins et féminins de sa base de données.

2 Pourtant, très peu d'entreprises ont pris des mesures volontaristes pour réduire ces écarts.

3 La loi sur l'égalité salariale devrait accélérer la prise en compte de ce problème.

La loi sur l'égalité salariale

Adoptée le 23 février dernier, la loi sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes inscrit au menu des négociations annuelles obligatoires d'entreprise et de branche un nouveau sujet : la réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010. Cette négociation doit être lancée d'ici au 25 mars 2007. A défaut, un syndicat pourra exiger qu'elle soit organisée dans les 15 jours.

La loi prévoit, par ailleurs, que les salariées de retour de congé maternité ou d'adoption bénéficient des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles accordées à leurs collègues durant leur congé.

Une évaluation de l'application de la loi sera établie dans trois ans par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : si besoin, le gouvernement pourra déposer un projet de loi instituant des sanctions financières à l'encontre des entreprises récalcitrantes.