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Enquête

Un accord RSE très bordé juridiquement

Enquête | publié le : 18.04.2006 | Violaine Miossec

Dans son accord RSE d'application mondiale, le groupe sidérurgique Arcelor a travaillé sur la portée et la sécurisation juridique de ses engagements internationaux.

Le groupe Arcelor a signé, le 13 septembre dernier, un accord mondial sur les principes de responsabilité sociale d'entreprise. Une première dans le monde de la sidérurgie : « Du fait de son activité - par nature polluante et dangereuse -, Arcelor prend plus de risques que Microsoft ou la Société générale en s'engageant sur ces principes », rappelle Yves Tollet, responsable de la coordination droit social du groupe.

L'accord s'appuie essentiellement sur les textes internationaux (conventions de l'OIT) : interdiction du travail forcé et du travail des enfants, non-discrimination et égalité des rémunérations, liberté syndicale. Il couvre, par ailleurs, une série de sujets classiques tels que la santé et la sécurité, la protection de l'environnement, le dialogue social et la transparence ou encore la gestion anticipative des changements.

Fédérations internationales

Cet accord a été signé avec deux fédérations internationales, la Fiom (Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie) et la Fem (Fédération européenne des métallurgistes). Pas de syndicats nationaux donc, malgré les exemples d'EDF ou de Renault. « Les fédérations de branche ne connaissent pas nécessairement toutes les contraintes de la sidérurgie. Une négociation avec les syndicats du groupe aurait été plus productive », regrette d'ailleurs Jacques Laplanche, secrétaire du comité européen du groupe. Cette option avait été retenue pour un précédent accord au niveau européen, mais, « ce qui marche en Europe devient plus compliqué et aléatoire au niveau mondial. Nous aurions, par exemple, eu des difficultés à réunir des représentants brésiliens puisque les syndicats ne sont pas présents dans l'entreprise », souligne Yves Tollet.

Risques assumés

Plus que son contenu ou les partenaires impliqués, l'originalité de l'accord tient aux dispositions concernant son champ d'application et sa validité. Sa rédaction a, en effet, été accompagnée d'une réflexion sur les risques qu'une multinationale comme Arcelor prend en signant ce type d'engagements, alors que dans le même temps elle intègre de nouvelles entités en Chine, où le respect des conventions de l'OIT est loin d'être garanti. « Nous avons essayé de répondre à trois questions clés, commente Yves Tollet : Quelle sera la portée de nos engagements ? Pourra-t-on véritablement les tenir ? Et, sera-t-on sanctionné, par qui et comment, en cas de non-respect ? Aujourd'hui, je ne sais pas « quel bâton va me taper dessus » ! C'est pourquoi nous avons mis en place un groupe de travail composé de juristes d'Arcelor et d'experts de l'OIT pour travailler sur la sécurisation juridique des engagements internationaux. »

En attendant et pour se protéger, l'accord introduit la notion de principe de subsidiarité (il ne s'applique que si « les conditions existantes le permettent localement ») et s'en remet au droit international en l'absence de législation conforme aux engagements internationaux du groupe.

Sphère d'influence

Autre mesure de protection : la notion de «sphère d'influence». Si les filiales sur lesquelles Arcelor exerce une influence dominante doivent assurer l'application de l'accord, pour les autres, les parties signataires s'engagent seulement à « mettre en oeuvre tous les moyens à leur disposition afin de promouvoir les principes énoncés ». Quant aux cotraitants et fournisseurs, ils sont simplement « encouragés à prendre en considération cet accord dans leur propre politique d'entreprise ». Enfin, l'accord est signé pour une durée limitée de trois ans, et régi par la loi luxembourgeoise. Le texte précise donc que « les litiges éventuels seront de la compétence exclusive des tribunaux luxembourgeois ». « Que pourront-ils faire si on découvre qu'une filiale brésilienne fait travailler des enfants ?, s'interroge Jacques Laplanche. Cette dernière disposition montre bien les limites d'un tel accord. »

Instances locales

Pour le suivi de son application, l'accord s'en remet aux instances représentatives locales. Au niveau du groupe, une instance paritaire est créée. « Les réunions de cette instance seront importantes, elles nous donneront un droit de regard et nous permettront de créer des liens avec nos collègues d'autres pays. Mais je regrette que les syndicats du groupe n'aient pas été mieux intégrés à ce processus de suivi : ils seront représentés par le vice-président du comité d'entreprise européen alors que c'est un poste tournant, précise Jacques Laplanche. Selon moi, il manque, dans cet accord préparé par des juristes, un acte politique fort comme la création d'un comité de groupe au niveau mondial, à l'image du comité européen. Nous oeuvrons dans ce sens, et cela pourrait déboucher, dans un premier temps, par la création de comités continentaux. »

arcelor

> Activité : sidérurgie.

> Chiffre d'affaires : 32,6 milliards d'euros en 2005.

> Effectifs : 96 300 personnes dans plus de 60 pays (75 000 en Europe et 20 000 en Amérique latine).

> Date de création du CE : 2002.

Auteur

  • Violaine Miossec