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Quand la GRH s'impose aux cabinets-conseils

Enquête | publié le : 11.04.2006 | Violette Queuniet

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Quand la GRH s'impose aux cabinets-conseils

Crédit photo Violette Queuniet

Un souci de professionnalisation des pratiques anime le secteur du conseil, tant dans les petits cabinets que dans les grandes structures. Aujourd'hui, pour mieux s'adapter aux demandes des clients et attirer les meilleurs candidats, le conseil mise sur un aspect qu'il avait un peu négligé : la gestion des ressources humaines.

Après trois ans de crise, l'activité de conseil redémarre. Le secteur, qui représente près de 500 000 emplois en France, répartis dans plus de 80 000 cabinets (*), doit répondre à de nouveaux marchés, mais avec des exigences nouvelles des clients.

« Nous sommes passés d'une situation où nous étions titulaires d'un savoir que nous transmettions à nos clients à une situation où cette notion d'expertise s'est décalée vers une notion d'aide à la mise en oeuvre de la décision. Aujourd'hui, les clients en savent autant que nous. En revanche, ils ont toujours besoin des consultants dans la mise en oeuvre de leur projet », observe Jean-Luc Placet, dirigeant d'IDRH et président du syndicat professionnel Syntec conseil en management, représentant 24 500 personnes.

Patron du cabinet Hisséo, à Nantes, et président d'Arc Ouest, association des consultants de l'Ouest, Alain Richeux fait le même constat : « Nous nous rapprochons d'une obligation de résultats, c'est une demande beaucoup plus forte qu'il y a dix ans, même si nous ne sommes tenus qu'à une obligation de moyens. »

Obligation de développer les compétences

Et pour répondre à cette nouvelle exigence, il n'y a guère d'autre solution, dans ce métier qui repose sur les compétences, que de les développer. En d'autres termes, de faire de la GRH. Une relative nouveauté dans un secteur où « la GRH, c'était bon pour les clients », comme l'admet Jean-Luc Placet. Il est vrai que recevoir jusqu'à 100 CV pour un poste dans les cabinets les plus renommés dispense de réfléchir à tout ce qui pourrait attirer et fidéliser les troupes. D'ailleurs, les techniques de GRH dans ce type de cabinet se résument au «up or out», règle du jeu intégrée par des jeunes consultants grisés à l'idée de porter cette expérience sur leur CV. Seulement voilà, si l'attractivité pour le métier reste forte, les dirigeants des grands cabinets ont constaté une évaporation plus grande et plus rapide de leurs consultants.

Meilleure gestion des ressources

Par ailleurs, la crise a conduit à une meilleure gestion des ressources. « Les directions des achats nous font remarquer qu'on ne paie pas au même prix un manager ayant quinze ans d'expérience et un junior qui en a deux. Il n'y a pas de prix unique ou moyen du conseil. Il y a un prix en fonction des compétences. C'est par ce biais-là que nous commençons à faire de vraies politiques RH », indique Jean-Luc Placet. La formation, le management, le partage des connaissances deviennent des outils de fidélisation.

Fidélisation et professionnalisation

Dans les petites structures, les outils RH répondent aussi à un souci de fidélisation, mais plus encore de professionnalisation. L'atomisation du secteur est une réalité, particulièrement en régions où les trois quarts des cabinets ont moins de cinq salariés et un tiers sont des entreprises unipersonnelles. Nombre de cadres en reconversion se lancent dans le conseil, forts de leur expertise technique, mais sans toujours le recul nécessaire à la pratique du consultant. « La profession est en train de perdre ses références, voire son identité, s'inquiète Alain Richeux. Notre métier est un vrai métier, qui dépasse la seule expertise technique. Notre défi est d'être professionnels et de gagner une identité. »

En régions, des associations de cabinets se sont constituées sur ce mot d'ordre de la professionnalisation. La fédération qui les chapeaute, l'Ufarco (Union française des associations régionales de consultants), en compte douze dans toute la France, la plus petite comprenant vingt adhérents, la plus importante cent.

Impératifs déontologiques

Des impératifs déontologiques et de bonnes pratiques sont nécessaires pour y adhérer - les adhérents signent, par exemple, une charte où ils s'engagent à faire évaluer systématiquement leurs missions par leurs clients. Les associations offrent aux membres des outils de GRH pour progresser. Dans les Pays de la Loire, l'association Arc Ouest a ainsi mis en place, en 2005, un système de tutorat destiné aux nouveaux consultants intégrant la profession, et a lancé un campus-formation continue du conseil.

Un outil d'autodiagnostic

En Bretagne, l'association ABCE a mis au point un outil d'autodiagnostic permettant d'évaluer ses axes de progrès (lire p.17). L'enjeu est aussi, notamment en régions, de se «muscler» vis-à-vis des partenaires traditionnels du conseil que sont les chambres de commerce et d'industrie, les Drire (directions régionales de l'industrie), les comités d'expansion, l'Anvar, etc. « Il faut changer de posture : passer de l'appel à prescription au vrai partenariat en étant force de proposition », soutient Alain Richeux.

Bref, le développement des compétences est devenu pour tous les cabinets un « impératif catégorique, indique Jean-Luc Placet. Nous entrons dans une période de grand intérêt pour la GRH : le capital humain s'entretient, se gère et se développe ».

(*) Il s'agit du conseil en systèmes informatiques, du conseil pour affaires et gestion et de l'ingénierie et études techniques, soit 81 903 entreprises et un effectif de 476 735 personnes, dont 418 150 salariés. Source : DGI-Insee-Decas, chiffres 2002.

L'essentiel

1 L'activité du conseil redémarre après trois ans de crise. La profession doit recruter en masse pour répondre aux nouveaux marchés, mais aussi fidéliser des talents qui ont tendance à lui échapper.

2 La GRH, longtemps négligée, revient en force pour professionnaliser des consultants que les entreprises sollicitent moins pour leur savoir que pour la mise en oeuvre du changement.

3 Le souci de professionnalisation est particulièrement criant en régions où des associations de cabinets se mettent en place et mutualisent la GRH.

Auteur

  • Violette Queuniet