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Les Pratiques

Au bout de quatre ans, le CJE n'a pas fait ses preuves

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 04.04.2006 | Cédric Morin

Méconnu des entreprises et détourné de ses objectifs, le Contrat jeune en entreprise (CJE) semble aujourd'hui en bout de course, alors que la loi sur l'égalité des chances devrait lui offrir une troisième jeunesse.

Le Contrat jeune en entreprise (CJE) : tremplin vers l'emploi durable ou simple effet d'aubaine ? A l'heure où le projet de loi pour l'égalité des chances devrait modifier pour la troisième fois le CJE, le bilan de la première mesure pour l'emploi du gouvernement Raffarin est très mitigé. Voté en juillet 2002 dans la foulée des présidentielles et présenté comme une rupture avec la politique jospinienne de contrat aidé sur le secteur associatif ou public, le dispositif prévoit une aide de l'Etat sur trois ans pour les entreprises du secteur marchand, qui embauchent en CDI les jeunes les plus éloignés de l'emploi. Soit les 16-23 ans, dont le niveau est inférieur au bac, et les 16-26 ans sans qualification. L'aide mensuelle de l'Etat est majorée en fonction du niveau de qualification des jeunes : 300 euros pour ceux qui ont un niveau inférieur au BEP et 150 euros pour les autres. La troisième et dernière année, cette aide est majorée de 50 %.

Outil d'insertion

« Après les émeutes en banlieue, nous voulons donner une nouvelle dimension au CJE, qui ne sera plus centré sur le niveau de qualification, pour devenir un outil d'insertion pour l'ensemble des jeunes éloignés de l'emploi », explique le ministère du Travail en précisant qu'un décret sera publié dès la loi votée. Le CJE, modifié auparavant par la loi de cohésion sociale, verra le champ de ses bénéficiaires élargi à l'ensemble des 16-25 ans habitant en zone urbaine sensible ou au chômage depuis plus de six mois. Objectif : rompre avec la logique de catégorisation pour faire du CJE un dispositif complémentaire des autres contrats aidés.

Démissions

Pourtant, avec 61 532 contrats signés en 2005 contre 89 031 en 2003, le CJE semble plutôt en perte de vitesse, même si l'objectif de lancement des 300 000 contrats signés en 2005 était tenu en février 2006. Mais ses détracteurs lui reprochent surtout de ne pas avoir fait ses preuves : pour la première fois, en février dernier, le nombre de sorties a été plus important que celui des entrées. Il reste, actuellement, 117 221 jeunes à profiter du dispositif. La majorité des sorties correspondent à des démissions (64 %) et se font au cours de la première année.

« Un jeune n'est rentable qu'au bout de deux ans de formation, ce n'est donc pas à partir de ce moment-là que nous allons le licencier », explique le service RH de Michelin, qui a embauché 67 CJE en 2005 sur un total de 1 000 recrutements. L'entreprise fait figure d'exception, car plus d'un contrat sur deux est signé dans une entreprise de moins de 10 salariés et, bien souvent, pour conserver un contrat d'alternance. C'est le cas de la Société de peinture champenoise (12 salariés), qui a embauché, le 1er avril dernier, un jeune en CJE, à la suite d'un contrat de professionnalisation. « Nous préférons le recruter en CJE qu'en CNE, car nous avons l'intention de le garder, et l'aide financière est attractive », explique Françoise Mariage, la gérante de la société.

Le commerce, la construction et l'hôtellerie-restauration représentent chacun plus de 20 % des contrats signés. Dans ce dernier secteur, il est principalement utilisé pour pourvoir les postes les plus faiblement qualifiés, souligne Michel Bédu, président de l'Observatoire national de l'hôtellerie-restauration. « Nous voulions que le CJE comprennent une obligation de formation et, au final, ces contrats sont utilisés pour les postes les moins qualifiés. »

Le CJE ne crée pas d'emplois

Principalement utilisé sur des secteurs sous tension, pour des postes au turn-over important, le CJE ne crée pas d'emplois. Et c'est là que le bât blesse, alors que la coût de ce dispositif pour la collectivité est de 429,6 millions d'euros, en 2005, selon Eric Heyer, directeur général adjoint de l'OFCE, l'Office français des conjonctures économiques : « Selon nos études, 85 % des contrats signés l'auraient été de toute façon avec ou sans l'aide financière de l'Etat. »

Autre faiblesse du dispositif : le CJE a été détourné de son public cible, les moins qualifiés, et profite aux plus diplômés des publics visés. Les mesures à venir ne pourront qu'augmenter le phénomène et il semblerait bien que le CJE ait les mêmes effets pervers que les emplois jeunes, qu'il était censé contrecarrer.

Repères

18 juillet 2002 : le CJE, destiné à l'ensemble des entreprises et aux 16-22 ans très peu qualifiés, est voté par le Sénat.

1er avril 2005 : modification du CJE par la loi de cohésion sociale entrée en vigueur ; le montant de l'aide a été modifié et il est accessible jusqu'à 25 ans pour les bénéficiaires d'un Civis ou de niveau V bis et VI.

16 janvier 2006 : dépôt du projet de loi sur l'égalité des chances qui devrait modifier à nouveau le CJE en le rendant accessible aux 16-25 ans issus de ZUS, au chômage depuis plus de six mois.

Auteur

  • Cédric Morin