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L'offre de formation est-elle à la hauteur de la réforme ?

Dossier | publié le : 04.04.2006 | L. G.

Marie-Christine Soroko, déléguée générale de la Fédération de la formation professionnelle, répond à ceux qui estiment que l'offre de formation n'est pas à la hauteur de la réforme.

On entend, depuis plusieurs mois, des critiques formulées par des consultants, des Opca, des entreprises, des conseils généraux, des conseils régionaux, sur une supposée « incapacité de l'offre française de formation continue à répondre aux nouvelles attentes nées de la réforme de la formation professionnelle et, notamment, de la mise en place du DIF ». « Les organismes de formation sont des sociétés sans fonds propres, donc avec de faibles moyens d'investissement, et, de plus, ils ne veulent pas se réunir entre eux, assène un consultant. Ils sont donc incapables de produire une offre originale, industrielle et à coûts mesurés. Ils attendent que la demande dise ce qu'elle souhaite ! Mais les grandes entreprises font en interne et ne leur demandent rien, et les petites non plus, parce qu'elles passent aujourd'hui à côté de la réforme ! Et comme, en plus, il n'existe pas de marché business to consumer, rien ne se passe ! » Vrai problème ? Procès d'intention ?

Marie-Christine Soroko, déléguée générale de la Fédération de la formation professionnelle (FFP, réunissant environ 300 organismes de formation privés, dont les plus importants), apporte son analyse.

Ne pas forcer la main des entreprises

« Il est vrai que la FFP n'a pas poussé ses adhérents à proposer en direct des offres de formation aux salariés, et cela, afin de ne pas trahir la relation que nos adhérents ont de longue date avec les entreprises clientes, souligne Marie-Christine Soroko. Nombre d'entreprises ne se sont pas empressées de médiatiser la création du DIF ; la FFP n'a pas voulu leur forcer la main en allant au contact direct du salarié. »

Au demeurant, ajoute Marie-Christine Soroko, la FFP ne voyait pas très bien quel système utiliser pour atteindre directement les salariés - mailing massif ? Campagne de publicité nationale ?- ni comment le financer. Elle ajoute qu'elle n'était vraiment pas sûre qu'une quelconque tentative de ce genre ait le moindre effet.

En conséquence de ce premier point, la FFP reconnaît que les quelques tentatives de lancement de «catalogues spécifiques DIF» par certains prestataires n'ont pas produit tous leurs effets. Tout d'abord, parce que, pédagogiquement, ces catalogues ont souvent été construits sur la base des offres préexistantes, parfois reformatées - « Mais comment pouvait-il en être autrement en si peu de temps ? », demande la FFP. Et, ensuite, parce qu'ils n'ont pas été très bien accueillis par les entreprises.

C'est d'ailleurs un des paradoxes que soulève, en contre-argument, la FFP : certains critiquent le fait que l'offre de formation ne produit rien de nouveau face à la réforme, mais quand celle-ci présente un début de réponse - même si ce n'est majoritairement qu'une action marketing, ou un reformatage de prestations existantes -, elle se fait taxer d'opportuniste et de manquer de professionnalisme !

Fondamentalement, analyse la FFP, l'offre de formation professionnelle à la française manque encore de signaux de la part de la ou des demandes pour y répondre spécifiquement. Le DIF n'a pas encore créé de demande nouvelle et structurée. Et ce, pour une bonne raison : le quota d'heures de DIF aujourd'hui disponible reste encore très insuffisant pour motiver les salariés à bénéficier de leur droit. Il en sera certainement autrement dans deux, trois ou quatre ans, quand les compteurs DIF afficheront 60 ou 80 heures : les salariés prendront alors conscience de cette opportunité et commenceront à formuler des demandes. La conjonction de ces demandes poussera forcément l'offre à répondre.

Enfin, dernier contre-argument à ce que Marie-Christine Soroko estime être un procès d'intention : la FFP met en avant le fait que, dans la très grande majorité des cas de DIF aujourd'hui accordés et en cours de réalisation, les formules pédagogiques souhaitées et choisies sont tout à fait traditionnelles. Les salariés en DIF ne désirent pas du e-learning ou de l'invention pédagogique, ils veulent du face-à-face à l'ancienne ! Pourquoi donc, dans ces conditions, lancer quelque chose de nouveau qui sera condamné à ne pas être consommé ?

Il est clair que le débat n'est pas épuisé.

DIF : 10 milliards d'euros de dette ?

Le cabinet DIF-Expert a tenté de mesurer le coût latent de la non-consommation de DIF. Selon le directeur de ce cabinet, Pascal Chauvin, « 10 milliards d'euros : c'est la résultante de la dette accumulée sur le seul exercice 2005 par les entreprises françaises du secteur privé, par le dédain ou l'attentisme vis-à-vis de la réforme et, plus particulièrement, vis-à-vis du DIF ».

En effet, développe Pascal Chauvin, sur 15 millions de salariés, seuls 5 % d'entre eux ont utilisé leur capital - variant de 14 heures à 20 heures pour 2004 et de 20 heures minimum pour 2005 - ; 95 % d'entre eux ont cumulé leurs droits DIF sur 2006 ou plus. En admettant que 20 % des salariés n'aient pas accès au DIF - parce qu'ils n'avaient pas l'ancienneté requise par exemple -, ce sont 11,250 millions de Français qui ont accumulé en moyenne 38 heures de DIF. « Sachant que le coût moyen, en France, pour une heure de formation est de 40 euros hors taxes, et en minimisant ce chiffre à 25 euros hors taxes pour intégrer les formations e-learning moins chères à l'heure, ainsi que les formations dispensées en interne - même si elles trouvent difficilement leur place dans l'utilisation du DIF -, c'est donc une dette de plus de 10 milliards d'euros que les entreprises du privé ont contractée envers leurs collaborateurs, sans s'en rendre compte, quasiment sans douleur. Dette qu'elles n'ont pas pu provisionner puisque la loi l'interdit, dette qui, chaque année, grossira de 5 milliards d'euros. »

Auteur

  • L. G.