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Le CNE, un contrat à risques pour l'employeur ?

Les Pratiques | Point fort | publié le : 21.03.2006 | Emmanuel Franck

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Le CNE, un contrat à risques pour l'employeur ?

Crédit photo Emmanuel Franck

Alors qu'émerge un débat sur les risques juridiques du CNE, plusieurs juristes soulignent que les possibilités de contentieux sont limitées, à condition que les employeurs prennent quelques précautions.

Le CNE sera-t-il un cadeau empoisonné pour les entreprises ? Les premiers contentieux et, surtout, la première condamnation d'un employeur, par les prud'hommes de Longjumeau, le 20 février, ont fait naître un questionnement sur la sécurité juridique de ce contrat. On trouve, pour la première fois, la trace de cette inquiétude dans un sondage de l'ANDCP, réalisé auprès de ses adhérents et diffusé le 7 mars, selon lequel la moitié des entreprises ne recourront pas au CPE (quasi-transposition du CNE), notamment par peur des «risques juridiques».

Nouvel arrivant dans le paysage des contrats de travail, le CNE est entouré d'incertitudes juridiques. Qu'il soit porteur, en soi, de risques de contentieux, n'est, en revanche, pas évident. Huit mois après sa création, et alors que 350 000 CNE ont été signés, les cas connus d'employeurs entraînés dans le circuit judiciaire par un salarié ne sont pas légion : la CFDT en comptabilise une quinzaine, FO une demi-douzaine.

Un seul jugement

En outre, un seul différend entre un salarié en CNE et son employeur a, pour l'instant, été jugé. L'employeur fautif avait rompu la période d'essai d'un salarié en CDI, puis lui avait fait signer, le même jour, et en passant par une entreprise fictive, un CNE, dont il avait rompu la période de consolidation quelques temps plus tard. « Ce cas n'est pas un bon exemple pour apprécier la nocivité du CNE, tant il est caricatural », explique Henri-José Legrand, avocat associé au cabinet LBBa. A la CFDT, on admet que le cas aurait été plus difficile à juger s'il n'y avait pas eu substitution d'un CNE à un CDI.

Contentieux limité

Et à l'avenir ? Le CNE devrait sûrement engendrer des contentieux puisque le seul moyen, pour le salarié, de connaître le motif de la rupture de sa période de consolidation est d'aller devant le tribunal. En effet, le CNE n'oblige pas l'employeur, sauf dans des cas précis (procédure disciplinaire, discrimination, femme enceinte, salarié protégé, inaptitude), à motiver sa lettre de rupture. Pour autant, Jean-Emmanuel Ray, professeur à Paris-1, n'envisage pas que les litiges se multiplient : « Dans une PME, un salarié connaît, en général, le motif de la rupture de son contrat. En outre, il est tactiquement risqué, pour lui, d'aller devant le tribunal, s'il veut retrouver un emploi par la suite. » Le salarié a beaucoup à perdre à aller devant les prud'hommes. Pour ces raisons, et aussi parce qu'il pense que les employeurs n'abuseront pas des facilités de rupture du CNE, il estime qu'« il n'y aura pas plus de contentieux sur la rupture de la période de consolidation qu'il n'y en a déjà sur la rupture de la période d'essai ».

Reste que le CNE recèle encore des zones d'ombre qui, selon Jean-Claude Quentin, secrétaire confédéral de FO, sont sources de contentieux. Il s'agit principalement de savoir si un employeur peut ne pas donner de motif à la rupture d'une période de consolidation, et dans quels cas il peut recourir au CNE.

Recours déposé par FO

Sur le premier point, FO a déposé un recours auprès de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui devrait rendre son avis début juin. Des recours ont également été déposés devant la Cour de justice des communautés européennes. En France, c'est la Cour de cassation qui aura le dernier mot, mais pas avant quatre ou cinq ans. Sauf si un conseil des prud'hommes la saisit directement, mais pour qu'elle donne son avis sur une question juridique précise. Ce qui ramènerait le délai à quelques mois, selon Jean-Emmanuel Ray. En attendant, quelques précautions s'imposent. Stéphanie Stein, avocate, associée au cabinet Eversheds, conseille aux entreprises « de ne pas utiliser un CNE là où elles auraient pu recourir à un CDD ». Jean-Emmanuel Ray rappelle que le contrat de travail doit préciser, en toutes lettres, qu'il s'agit d'un CNE. Sinon, il sera considéré, par défaut, comme un CDI normal. Il estime, en outre, que l'employeur, « même s'il n'a pas à motiver par écrit la rupture, devra pouvoir en indiquer un motif valide devant le juge », le cas échéant, car « un licenciement doit être motivé dès qu'on entre dans la phase judiciaire ». Enfin, il souligne un risque pour l'employeur, passé jusque-là inaperçu : le salarié qui démissionne n'a pas à respecter de préavis.

L'essentiel

1 Un débat est en train de naître : le CNE serait finalement un contrat risqué pour les employeurs. Le fait de ne pas les obliger à motiver la rupture de la période de consolidation serait source de nombreux contentieux à venir.

2 Pour le moment, force est de constater que les contentieux ne sont pas nombreux. En outre, le rapport de force défavorable au salarié ne le met pas vraiment en position d'aller devant les prud'hommes.

3 Pour autant, le CNE comporte encore des incertitudes juridiques contre lesquelles les employeurs doivent se prémunir.

Auteur

  • Emmanuel Franck