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Les salariés non qualifiés restent les plus exposés

L'actualité | L'événement | publié le : 21.03.2006 | Jean-François Rio

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Les salariés non qualifiés restent les plus exposés

Crédit photo Jean-François Rio

Photographie essentielle de la réalité des expositions aux risques professionnels, l'enquête Sumer révèle de fortes inégalités. Les ouvriers et les employés du commerce et des services cumulent ainsi contraintes physiques et organisationnelles avec des marges de manoeuvre limitées.

« Ce ministère ne doit pas seulement produire des mesures incitatives à l'emploi, il doit aussi placer la santé au travail au coeur de ses préoccupations. » Alors que son plan santé au travail, lancé en février 2005, tarde à se matérialiser et que le débat sur le CPE occupe le devant de la scène sociale, Gérard Larcher, ministre délégué à l'Emploi, a tenu à rappeler, en conclusion du colloque consacré, le 15 mars dernier, à la présentation des résultats de l'enquête Sumer 2003 (lire encadré p. 5), l'engagement du gouvernement en matière de prévention des risques professionnels.

Une étude pleine d'enseignements

En attendant, pouvoirs publics et partenaires sociaux, qui planchent actuellement sur la pénibilité au travail et sur la réforme de la branche accidents de travail et maladies professionnelles, ont dû avoir une lecture très attentive du bilan définitif de l'étude Sumer, qui contribue, par son ampleur, à combler le déficit de connaissances en matière de santé au travail.

Diminution globale de la pénibilité physique

Par rapport à la précédente enquête, datant de 1994, celle de 2003 révèle une diminution globale de la pénibilité physique, sauf pour les ouvriers non qualifiés. Cette baisse, qui profite essentiellement aux cadres et aux professions intermédiaires, est, en outre, beaucoup moins prononcée pour les ouvriers qualifiés et les employés du commerce et des services. « La pénibilité physique diminue également à tout âge, mais reste très prégnante chez les moins de 25 ans », a rappelé Marie-Christine Floury, de la Dares.

En matière de contraintes physiques, il ressort une augmentation importante du travail sur écran, des déplacements à pied et des manutentions manuelles de charge.

Produits chimiques

Par rapport à 1994, les gestes répétitifs sont, quant à eux, en régression. En revanche, les salariés sont davantage exposés aux nuisances sonores, en particulier aux bruits nocifs (supérieurs à 85 décibels ou comportant des chocs et impulsions pendant plus de vingt heures par semaine). « Si les protections auditives se généralisent, un tiers des salariés exposés y échappent encore », a souligné Bernard Arnaudo, de l'inspection médicale du travail.

L'étude note également l'amélioration des protections pour les salariés exposés à l'amiante : 46 % ont accès à des protections respiratoires en 2003, contre 20 % en 1994. Conséquence de l'interdiction de l'amiante depuis 1997, les salariés sont naturellement moins exposés à cette fibre, à l'exception des personnels du secteur de la construction, en raison de la présence des chantiers de désamiantage.

Plus globalement, l'exposition aux produits CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) ne recule pas. « Les situations de poly-exposition s'accroissent », soulignent même la Direction des relations du travail et la Dares. Les ouvriers non qualifiés et les employés de commerce et de services sont les catégories socio-professionnelles dont l'exposition aux produits chimiques augmente le plus.

Politiques de prévention en panne

Tout aussi inquiétant : les expositions aux poussières de bois sont en hausse dans tous les secteurs d'activité en 2003. Et les politiques de prévention sont en panne, puisque, entre 1994 et 2003, les techniques d'aspiration à la source des poussières sont en diminution dans les entreprises.

Autre enseignement : l'intensification du travail, générée par une kyrielle de contraintes organisationnelles, concerne de plus en plus de salariés. Ainsi, la part des personnels travaillant la nuit ou effectuant des astreintes est en hausse dans toutes les catégories socio-professionnelles, tandis que la pression du client est de plus en plus vive chez les ouvriers qualifiés et les ouvriers non qualifiés. Les salariés des secteurs de l'éducation, de la santé, de l'action sociale et des services aux particuliers sont, de leur côté, victimes d'agressions physiques.

Cumul des contraintes

Selon Dominique Waltisperger, de la Dares, un groupe de salariés, «Les Zolas», représentant 6 % de la population salariée, cumule contraintes physiques et organisationnelles, ainsi qu'un manque d'autonomie dans l'accomplissement de leur travail. Ces salariés, majoritairement des ouvriers, sont surreprésentés dans les secteurs des industries automobile, agroalimentaire et des biens intermédiaires.

Les salariés les mieux lotis ? Les «cols blancs», qui subissent peu de pénibilités physiques et qui disposent d'une latitude décisionnelle et d'une marge de manoeuvre élevées, leur permettant de compenser une charge de travail importante.

L'enquête Sumer

Pilotée conjointement par la Direction des relations du travail et la Dares (Direction des études et de la recherche du ministère de l'Emploi), l'enquête Sumer (Surveillance médicale des risques) a porté sur un échantillon de 56 000 salariés interrogés par 1 800 médecins du travail entre 2002 et 2003.

Par rapport à l'édition précédente, en 1994, son champ a été étendu aux salariés d'Air France, de la SNCF, d'EDF-GDF, de La Poste et des hôpitaux publics.

La prochaine étude, prévue en 2008-2009, devrait intégrer les personnels de la fonction publique d'Etat et de la fonction publique territoriale, qui sont les grands absents, avec les agents de France Télécom, de la version 2003.

Auteur

  • Jean-François Rio