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Les Pratiques

Le Nord-Pas-de-Calais paie un lourd tribut

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 07.03.2006 | Thierry Butzbach

L'année 2005 a été très difficile pour l'industrie papetière. Les suppressions d'emploi se multiplient chez les papetiers du Nord-Pas-de-Calais, filiales de grands groupes mondiaux qui subissent un net ralentissement de leur activité.

Les papetiers du Nord-Pas-de-Calais s'apprêtent à payer un lourd tribut à la récession mondiale du secteur. Pris en ciseaux entre la hausse des coûts de production liée à l'augmentation du prix de l'énergie et la baisse des prix en raison d'un fort climat concurrentiel, les principaux groupes mondiaux ont connu une année 2005 très difficile et enregistré des résultats en chute libre sur un marché morose.

Concurrence élevée

Confrontée à un recul de la demande en Europe, la concurrence est restée à un niveau élevé en continuant d'exercer une forte pression sur les prix des papiers et cartons. Sur les dix premiers mois de l'année 2005, le niveau des prix observé par l'Insee s'inscrivait en recul de 0,9 % par rapport à 2004. Cette quatrième année de baisse consécutive porte à - 4 % par an le recul de l'indice de l'Insee des prix des papiers et cartons, entre 2001 et 2004.

En France, la production nationale de papiers et cartons a progressé de seulement 0,7 % l'an passé, contre un accroissement de 3,1 % en 2004. La mauvaise conjoncture sectorielle a sensiblement fragilisé les 430 entreprises composant ce secteur, qui emploient, au total, environ 22 000 salariés dans l'Hexagone pour produire 10,3 millions de tonnes de papiers et cartons.

Pour inverser la tendance, de vastes restructurations ont été engagées. Estimant ne plus trouver les conditions nécessaires à leur rentabilité, certaines multinationales ont ainsi pris le parti de désinvestir en France. Depuis décembre, plusieurs entreprises, filiales de ces grands groupes mondiaux, ont annoncé la suppression de nombreux emplois. Le coup d'envoi a été donné par le géant finlandais Stora Enso, qui envisage de se séparer de 2 300 personnes en Europe, dont 450 en France avec la fermeture d'une partie de son usine de Corbehem, près de Douai.

Fermeture de sites

L'américain International Paper lui a emboîté le pas en prévoyant la fermeture, fin 2006, des papeteries de Maresquel, près de Hesdin, qui emploient 230 salariés. De leur côté, les 65 collaborateurs de la cartonnerie Smurfit Socar, à Gravelines, se sont vu proposer un reclassement dans l'une des quarante autres usines hexagonales que compte le spécialiste du carton d'emballage, qui ferme, par ailleurs, quatre autres sites en France.

Enfin, la société Dalle Hygiène de Bousbecque, filiale de l'italien Kartogroup, installée près de Tourcoing, spécialisée dans le papier d'hygiène, a également annoncé, en début d'année, son intention de se séparer du pôle de fabrication de papier dit d'essuyage pour usage professionnel, faisant craindre la suppression d'une soixantaine de postes sur un total d'environ 200. L'activité serait en cours de cession.

«Les géants de papier solidaires»

Ces sombres perspectives ont évidemment fait naître la colère chez les salariés, qui n'ont pas hésité à déverser des tonnes de papier lors de diverses manifestations. Sur le modèle de l'association «Coeur de fondeur», mis sur pied par les salariés de Metaleurop, les salariés de Stora Enso se sont organisés au sein de l'association «Les géants de papier solidaires». Son but est de venir en aide aux salariés les plus durement touchés par cette restructuration et d'étudier d'éventuelles solutions de reprise du site, dans le cadre de sa reconversion dans la fabrication d'un papier à base de chanvre pour la confection de sacs de caisse.

Plus musclée, la contestation des salariés de Maresquel s'est traduite par de nombreuses protestations publiques et la séquestration de la direction. Diverses altercations avec les forces de l'ordre ont même conduit la direction à fermer temporairement le site, pendant une dizaine de jours, début février.

Devant l'ampleur du phénomène, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a chargé le député Léonce Deprez (par ailleurs maire du Touquet et propriétaire d'une importante imprimerie près de Lens) d'une mission d'étude sur l'évolution de l'industrie papetière et ses conséquences sur les industries dépendantes et sur les régions qui souffrent des fermetures d'usines.

Pour l'heure, chaque entreprise négocie individuellement les modalités de sa réorganisation ainsi que les conditions de départ des salariés. Aucune réflexion commune n'est menée concernant la reconversion des salariés, comme ce fut le cas dans le textile du Nord. En effet, face à la cascade de dépôts de bilan, une cellule de reclassement globale avait été créée pour l'accompagnement des salariés licenciés.

Quatre branches distinctes

Une action délicate à mener dans le cas de la papeterie, car au moins quatre branches professionnelles distinctes sont concernées - la Confédération française de l'industrie du papier, carton et cellulose (Copacel), la Fédération du cartonnage, la Fédération des articles de papeterie et la Fédération des distributeurs de papier. Soit autant de conventions collectives et de pratiques sociales différentes. Avec les premiers signes de raffermissement de l'activité enregistrés au début de l'année 2006, le secteur espère éviter d'avoir à se pencher sur la question.

Auteur

  • Thierry Butzbach