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Les entreprises réunionnaises font le dos rond

L'actualité | L'événement | publié le : 07.03.2006 | Jean-François Rio

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Les entreprises réunionnaises font le dos rond

Crédit photo Jean-François Rio

Les entreprises réunionnaises sont confrontées à une explosion des arrêts de travail dus au chikungunya. Chômage partiel, formation et intérim sont les principaux leviers utilisés pour traverser cette crise. En attendant les aides financières promises par Dominique de Villepin.

De fortes fièvres et des douleurs articulaires parfois très invalidantes. L'épidémie de chikungunya, qui sévit depuis le printemps 2005 à La Réunion, est en train d'affoler les compteurs de la Caisse générale de sécurité sociale du Dom. Selon un tout dernier bilan, publié le 2 mars, 18 474 arrêts de travail, dont 11 171 comportant des éléments de diagnostic liés au chikungunya, ont été enregistrés en février. Par rapport à février 2005, la progression est de 199,1 % !

« Le 27 février, nous avons enregistré 900 arrêts de travail - des premiers arrêts et des prolongations - dont 519 (57,7 %) directement liés à la maladie. Grosso modo, sur une semaine, 60 % des arrêts de travail sont dus au chikungunya », signale le Dr Patrick Visticot, médecin en chef du service médical de l'assurance maladie de la Réunion. A la chambre de commerce et d'industrie (CCI), on estime que le virus a directement impacté, depuis le début de la crise, 10 % de la masse salariale réunionnaise (1).

Trois à six jours d'arrêt de travail

« En moyenne, les arrêts de travail durent entre trois et six jours, explique le Dr Langenbach, médecin coordinateur de Intermetra, un service de santé au travail. Ce sont des arrêts courts. Pour une entreprise, le problème se pose avec davantage d'acuité lorsqu'elle est confrontée à des formes handicapantes de la maladie, en particulier pour des salariés effectuant des métiers physiques. » C'est, notamment, le cas du bâtiment. Dans ce secteur très dynamique à la Réunion, et composé de nombreuses TPE, 7 % des effectifs seraient actuellement en arrêt maladie. Résultat pour cette profession : une perte de chiffre d'affaires estimée entre 10 et 15 millions d'euros.

Le secteur du tourisme durement touché

Autre poumon économique local fortement secoué : le tourisme. « C'est simple, lance Paul Caro, premier vice-président de la CCI et président de la commission tourisme, à cause des annulations de réservation, l'activité est complètement atone depuis fin février. Nous considérons que ce secteur va voir son chiffre d'affaires divisé par deux en 2006, soit un manque à gagner estimé à 200 millions d'euros. » Et les premières annonces de fermeture commencent à tomber. La semaine passée, le groupe Bourbon a annoncé la fermeture temporaire de trois de ses plus beaux fleurons, les hôtels Les Villas du Lagon, Les Villas du Récif et Les Créoles. Au total, 400 salariés seront concernés par cette mesure.

Chômage partiel

En attendant les retombées du plan Villepin, qui va débloquer une enveloppe de 76 millions d'euros, dont 60 millions pour soutenir l'économie, les entreprises font le dos rond. « Les chefs d'entreprise utilisent généralement le dispositif du chômage partiel, ils mettent aussi leurs salariés en formation ou ils se contentent, s'ils en ont les capacités, de mieux répartir leurs ressources », indique Jean de la Perrière, vice-président du Medef Réunion.

Protection du pouvoir d'achat

A la Brasserie Bourbon (290 salariés), c'est par le recours à l'intérim que Christiane Jung, la DRH, a compensé l'augmentation soudaine de l'absentéisme. Le chômage partiel apparaît cependant comme le principal levier utilisé par les entreprises. D'autant que le Premier ministre a annoncé que l'Etat couvrira 50 % des dépenses, le reste devant être complété par l'Unedic. « L'objectif est clair, reprend Paul Caro, le salarié, quel que soit son secteur d'appartenance, ne doit pas perdre de pouvoir d'achat. Sinon, c'est la catastrophe pour l'économie de l'île. »

Les organisations syndicales, qui tenaient une conférence de presse, le 2 mars, ne disent pas autre chose. « La première revendication, c'est le maintien du salaire », insiste Jean-Pierre Rivière, secrétaire général de l'Union interprofessionnelle CFDT. A ce titre, des syndicats se sont exprimés pour que la suppression des trois jours de carence en cas de rechute soit étendue au premier arrêt de travail. « Un répulsif anti-moutisque coûte 10 euros », rappelle le responsable CFDT.

Actions de prévention

Après une période de quasi-pénurie, les produits anti-moutisques ont refait massivement leur apparition. Du coup, les entreprises se sont lancées dans des opérations de prévention. « Nous menons des actions de sensibilisation auprès de nos salariés sur la meilleure façon de se protéger, et nous procédons, chaque semaine, à la démoustication à l'extérieur de nos locaux », détaille la DRH des Brasseries Bourbon. A la Sécurité sociale, c'est le comité d'entreprise qui a fourni des protecteurs aromatiques qui éloignent les moustiques. « La démoustication par les entreprises se généralise », confirme Jean de la Perrière, du Medef. Pour celles qui n'en ont pas les moyens, ce sont les services municipaux qui prennent la relève.

Alors que la sortie de crise sanitaire est pronostiquée pour cet automne, le monde du travail réunionnais attend, désormais, le ballon d'oxygène que vont apporter les aides financières gouvernementales. « Plus que l'argent, remarque le vice-président de la CCI, c'est l'engagement pris par le gouvernement d'aider les Réunionnais durant cette période critique qui est de nature à redonner confiance aux acteurs économiques et à doper le moral des ménages. »

Le virus a fait, à ce jour, plus de 157 000 victimes et causé, directement ou indirectement, la mort de 77 personnes.

(1) La Réunion compte 750 000 habitants pour une population salariée d'environ 180 000 personnes.

Auteur

  • Jean-François Rio