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Les Pratiques

Les facteurs humains au coeur de la culture sécurité

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 28.02.2006 | Patricia Sudolski

Depuis 2000, le niveau de sécurité s'améliore à la SNCF. Et si le train est devenu plus sûr, c'est grâce, en partie, à un nouveau management des hommes impulsé par la direction des ressources humaines.

Les défaillances constatées, qu'elles soient techniques, humaines ou organisationnelles, diminuent à la SNCF. « Les résultats ont continué de progresser alors que nous sommes dans un contexte d'évolutions du mode de fonctionnement, d'ouverture européenne et de restructurations, indique Pierre Vignes, ingénieur chargé de mission à la direction de la sécurité. La direction des ressources humaines a contribué à une nouvelle vision de l'homme au travail, qui a été la base d'un changement de gestion de la sécurité. »

Constitution d'une équipe dédiée

C'est une série noire qui a amené la SNCF à repenser son système de sécurité. Août 1985, collision, 35 morts. Toujours en août 1985, déraillement, 43 morts. Juin 1988, collision, 59 morts. Août 1988, collision, 1 mort. L'année suivante, la SNCF commande un rapport. « Il en est ressorti que la SNCF oubliait que ce sont des individus qui mettent la mécanique en oeuvre, tous les jours », explique Pierre Vignes. Le rapport préconise la constitution d'une équipe chargée des facteurs humains. Elle sera créée par la direction des ressources humaines, qui a mené la réflexion, aux côtés des directions techniques. Le recrutement, la formation, l'organisation du travail ainsi que l'ergonomie des postes font l'objet de multiples analyses et l'étude du retour d'expériences mobilise des chercheurs.

Changement de philosophie

Trois ans plus tard, les conclusions des directions techniques et de la cellule facteurs humains de la DRH convergent : « La SNCF devait abandonner la philosophie fondée sur l'idée que l'homme est une source d'erreurs et qu'il faut le contraindre par des procédures rigides », explique Pierre Vignes. Les analyses conseillent alors une nouvelle orientation pour la démarche sécurité, qui repose sur l'homme, à qui il faut donner les moyens de pallier ses défauts.

Petit à petit, l'organisation du travail est modifiée. La direction des ressources humaines pilote. « A chaque fois qu'on apportait une amélioration, les salariés (170 000) s'investissaient davantage ; ça a marché comme une boucle », décrit Jocelyne Kriner, responsable à la DRH de la sécurité au travail et des facteurs humains. La formation passe de la théorie à la mise en situation réelle. La rédaction des textes réglementaires prend en compte les conditions de terrain. Les postes de travail s'adaptent aux individus et non plus l'inverse. « La seule critique que l'on fait, explique Stéphane Leblanc, responsable de la conduite à Sud-Rail, porte sur la formation. Pour des raisons budgétaires, son volet généraliste a été réduit, ce qui limite la vue d'ensemble du système que peut avoir le cheminot. »

Nouvelle culture d'entreprise

« En 2000, on a constaté que le puzzle prenait un sens, établit Pierre Vignes, et que la culture d'entreprise évoluait. » C'est cette nouvelle culture qui permet, en 2004, de faire face à quatre accidents ayant entraîné la mort de cheminots. La direction commande immédiatement un retour d'expérience. Celui-ci préconise d'accélérer la prise en compte des facteurs humains.

Regroupement des intervenants

La direction des ressources humaines décide le regroupement des intervenants facteurs humains, jusqu'alors disséminés dans les services, à l'intérieur de cinq agences. « Celles-ci fonctionnent comme des cabinets de conseil à l'intention des unités de production », développe Jocelyne Kriner. Le résultat est positif. « L'information circule plus vite entre spécialistes, constate Pierre Vignes. » Et, aujourd'hui, le service facteurs humains de la direction des ressources humaines a gagné ses galons auprès des ingénieurs.

La gestion des risques se modernise

« Le risque industriel est une possibilité d'accident dont on peut anticiper les causes grâce à l'étude de ce qui le provoque. A partir de là, on peut calculer sa probabilité, en définir les dommages et anticiper les modes de réparation », explique Claude Gilbert, chercheur au CNRS, spécialiste de la gestion des situations de crise, dont les idées ont inspiré la démarche de la SNCF.

Aujourd'hui, les gains de sécurité se gagnent non plus sur l'amélioration technique mais sur les hommes et les organisations. Cette évolution s'est faite grâce aux avancées de la recherche en sciences sociales et humaines, en ergonomie, en neurophysiologie.

L'Anvie organise un atelier, animé par Claude Gilbert, les 2 et 8 mars, à Paris, sur la gestion des risques en entreprise.

<www.anvie.fr>.

Auteur

  • Patricia Sudolski