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Le burn-out, un syndrome en augmentation

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 28.02.2006 | Pauline Rabilloux

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Le burn-out, un syndrome en augmentation

Crédit photo Pauline Rabilloux

Le burn-out, syndrome d'épuisement lié aux tensions dans la sphère professionnelle, menace certains salariés. Un phénomène en hausse qu'il devient urgent d'identifier pour mieux le prévenir.

E & C : Le burn-out est encore une notion assez nouvelle ou, en tout cas, assez floue en France. Pouvez-vous préciser ce qu'elle recouvre exactement ?

Valérie Pezet-Langevin : Le burn-out est un syndrome se caractérisant par un ensemble de manifestations physiques, émotionnelles, affectives, ainsi que par un certain nombre d'attitudes et de comportements. Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une maladie, dans la mesure où la sphère privée est relativement épargnée, mais, dans son travail, le sujet se sent émotionnellement épuisé et réagit par une mise à distance des implications professionnelles. A ce stade, on assiste à une diminution de la performance et, surtout, à une certaine dépersonnalisation des relations se manifestant par la froideur, voire le cynisme, vis-à-vis des tâches et des personnes. Parallèlement, le sentiment de se réaliser dans son travail diminue.

Ce syndrome a d'abord été mis en évidence sur des professions d'aide : infirmières, éducateurs spécialisés, assistantes sociales, enseignants... Il est aujourd'hui admis qu'il dépasse largement le cadre de ces professions caractérisées par le secours, le soutien ou l'assistance, et qu'il peut apparaître partout où l'individu exerce un métier requérant un fort engagement personnel au travail, de telle sorte qu'on a pu l'appeler la «maladie du battant».

E & C : Quel rapport entre ce syndrome et celui, plus usuel, de stress ?

V. P.-L. : Pour comprendre de manière rigoureuse les différents facteurs favorisant ou, au contraire, permettant d'éviter le burn-out, il convient justement de le replacer dans le cadre plus général du stress au travail. Le burn-out est l'une des conséquences possibles d'un stress mal géré, source de déséquilibre entre les ressources dont dispose l'individu et les contraintes de son environnement. Il peut donc être compris comme la remise en cause d'un investissement professionnel initial à la suite d'un défaut d'ajustement de l'individu lui-même ou de son environnement, lié à des contraintes de travail croissantes ou excessives, de conflits ou d'ambiguïtés de rôles ou d'un fort sentiment d'arbitraire et d'iniquité.

E & C : Comment diagnostiquer le burn-out ?

V. P.-L. : Le souci du diagnostic peut comporter un piège. Le burn-out se prête mal à la question de présence/absence. L'approche par le continuum s'avère préférable à celle par la typologie. On est «très peu», «peu», «moyennement»... ou «très burn-outé». Mais, évidemment, cette approche rend difficile l'identification d'un réel problème de burn-out au sein des organisations. Un questionnaire existe au niveau international qui n'est pas encore édité en France. A défaut de pouvoir l'utiliser, un repérage peut être tenté par la mise en place d'un recueil d'indices systématiques et rigoureux concernant les éléments subjectifs (les impressions du sujet) et des éléments plus factuels ou constatés par l'entourage professionnel (manque d'énergie, abattement, découragement, cynisme...). C'est la convergence d'indices et non les manifestations isolées qui marquera la présence probable du burn-out.

E & C : Comment le prévenir ou y remédier ?

V. P.-L. : Lorsqu'une ou plusieurs personnes semblent concernées par le burn-out, doit commencer la recherche des causes spécifiques : augmentation des contraintes, diminution des ressources, point de rupture entre ces contraintes et ces ressources... L'identification des facteurs impliqués débouche sur la mise en place de solutions. Il existe des éléments qui peuvent constituer des ressources organisationnelles pour limiter ou éviter le burn-out. Des résultats d'études montrent que le soutien social et, plus généralement, les aspects psychosociaux peuvent être une ressource par rapport au risque de burn-out. La qualité des relations interpersonnelles avec les collègues ou les supérieurs hiérarchiques, la solidarité, la confiance entre les personnels, la compétence et la disponibilité de la hiérarchie, la reconnaissance du travail accompli sont des éléments déterminants dans la problématique du stress et du burn-out. En somme, tout ce qui contribue à donner du sens au travail permet sa mise à distance.

De même, ce qui tend à donner le sentiment d'un contrôle sur son propre travail constitue une ressource organisationnelle : marge de manoeuvre, participation à la prise de décision... On ne saurait trop recommander, notamment, d'être attentif à ces aspects. Malgré leur caractère éventuellement contraignant, des interventions centrées sur l'organisation et les relations de travail s'imposent, car elles ont fait la preuve de leur utilité. En faire l'économie peut être tentant, mais risque, au final, de se révéler très coûteux. Il est, en effet, manifeste que ce type de problématiques est en augmentation, multipliant l'apparition de points de rupture et de dysfonctionnements, en même temps que la perte des gratifications par le travail. A défaut d'une attention renforcée à ces questions, on peut malheureusement pronostiquer une augmentation importante du phénomène burn-out.

Les désordres du travail. Enquête sur le nouveau productivisme, P. Askenazy, Seuil, 2004.

Stress au travail et santé psychique, M. Neboit et M. Vezina, Octarès éditions, 2002.

parcours

Valérie Pezet-Langevin est expert et conseil technique en psychologie du travail à l'INRS (Institut national de recherche et de sécurité), où elle s'occupe de la problématique du stress. Après des études en psychologie du travail à l'université Paris-10 et un doctorat sur le burn-out des travailleurs sociaux, elle a occupé, de 1987 à 2001, un poste de maître de conférences dans cette même université.

Elle est l'auteure de plusieurs articles et a participé à l'ouvrage Management des organisations, au chapitre consacré au burn-out (éd. d'Organisation, réédition, 2006).

Auteur

  • Pauline Rabilloux