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Les Pratiques

L'Espagne malade de sa faible productivité

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 21.02.2006 | Valérie Demon, à Madrid

Le gouvernement espagnol a fait du manque de productivité un de ses dossiers importants. Le temps de présence est souvent privilégié par rapport à l'efficacité, et la culture des réunions et des longs déjeuners reste prégnante.

Rendre les heures de travail productives : le gouvernement espagnol en a fait l'un de ses chevaux de bataille, en commençant par ses propres troupes. Les fonctionnaires doivent, depuis le 1er janvier dernier, terminer leur journée de travail à 18 heures, quitte à réduire leur pause déjeuner. Rien moins qu'une petite révolution, que les dirigeants espagnols voudraient voir s'étendre au secteur privé, lequel pâtit d'un niveau de productivité par salarié calamiteux.

De longues heures sur le lieu de travail

Officiellement, le temps de travail est de 40 heures hebdomadaires, mais la réalité est tout autre. « En fait, ce ne sont pas tant nos horaires que le temps passé à travailler qui pose problème ; les heures supplémentaires ne se comptent plus, et personne ne sait réellement à combien elles s'élèvent, les entreprises restent très peu transparentes sur ce sujet et, officiellement, ces heures supplémentaires ne sont pas payées ou rétribuées autrement que par le salaire », assure Carlos Obeso, professeur au département des ressources humaines et directeur de l'Institut des études sur le travail de l'Esade.

Mais, malgré ce temps de travail élevé, l'Espagne reste dans la queue du peloton des pays industrialisés pour sa productivité. Selon une étude espagnole, seulement 61 % du temps de travail serait réellement utilisé, ce qui coûterait 8 % du produit intérieur brut. Et, selon le dernier classement élaboré par le Forum économique mondial, l'Espagne se trouve au 23e rang, derrière des pays comme l'Estonie, les Emirats arabes unis ou le Chili. La tendance des entreprises à considérer le temps de présence au détriment de la qualité du travail expliquerait, en partie, la faible productivité. « C'est vrai que l'utilisation de notre temps de travail a ses particularités : par exemple, la manière dont nous rallongeons nos réunions. Le fond de la culture espagnole est en fait très hédoniste ; il est évident que passer deux heures ou plus à un déjeuner n'est ni sain ni efficace, mais cela fait partie d'habitudes culturelles très fortes », explique Carlos Obeso.

90 % des emplois créés sont des CDD

Des éléments structurels peuvent aussi être invoqués : si l'Espagne est globalement efficace dans les activités à faible valeur ajoutée, comme le tourisme et la construction, qui profitent de l'immigration des pays de l'Est et surtout de l'Amérique latine, elle manque de véritables secteurs de pointe. Et le pays investit très faiblement en recherche et développement et en technologies de l'information. Autre difficulté, d'ordre social : pratiquement 90 % des emplois créés sont des CDD. Autrement dit des emplois qui ne feront pas augmenter la productivité du pays, les entreprises investissant très peu dans la formation.

Auteur

  • Valérie Demon, à Madrid