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Les eurodéputés allègent la directive Bolkestein

L'actualité | L'événement | publié le : 21.02.2006 | Christian Robischon

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Les eurodéputés allègent la directive Bolkestein

Crédit photo Christian Robischon

Les eurodéputés ont supprimé, la semaine dernière, le principe du pays d'origine, pierre angulaire du contreversé texte sur la libéralisation des services. Sur le droit du travail, ils ont consolidé les garde-fous déjà posés. L'adoption définitive devrait intervenir avant la fin de l'année.

Frits Bolkestein a sans doute du mal à reconnaître le bébé qu'il a engendré il y a deux ans. Sa controversée proposition de directive sur la libéralisation des services dans l'Union européenne a été passée à la moulinette des 230 amendements du Parlement européen.

Certes, les eurodéputés ne sont pas allés jusqu'à la rejeter en bloc, comme le souhaitaient, notamment, les Verts, la CGT et FO. Mais, la version qu'ils ont adoptée à Strasbourg le 16 février à une confortable majorité (394 voix contre 215) transperce le coeur même du texte : elle fait disparaître le principe du pays d'origine qui aurait permis à un prestataire de services de s'établir ou de venir décrocher un marché dans un autre Etat de l'Union en ne respectant que la législation de son pays sur l'exercice de sa profession, comme c'est déjà le cas pour l'exportation de produits.

Compromis

Le Parlement lui substitue un compromis qui maintient l'ouverture des marchés et l'assouplissement des procédures, mais les encadre par un contrôle accru du pays d'accueil. Celui-ci pourra limiter ou interdire le prestataire au nom, par exemple, de la protection de la santé publique ou de l'environnement, sans tomber dans la discrimination pour simple raison de nationalité. En revanche, le texte n'affirme pas explicitement que doit s'appliquer le droit du pays d'accueil.

Le deuxième enjeu concernait la liste des services publics soumis à la directive. Le nouveau texte exclut les services sociaux et l'audiovisuel. Ils rejoignent la justice, la fiscalité, les services financiers (banques, assurances), les transports, l'éducation. A l'autre extrémité, restent inclus, entre autres, le conseil en management et gestion et les services de recrutement, hormis les agences d'intérim, qui ont été retirées de la liste. Mais, la frontière entre services concernés ou non reste mouvante, selon la Confédération européenne des syndicats (CES). Et, contrairement à la volonté de nombreux opposants, la poste, l'électricité, le gaz et l'eau restent dans le champ d'application.

Le faux procès du dumping social

Concernant le droit du travail, en clair les risques de dumping social, l'assemblée de Strasbourg n'a fait que serrer un peu plus des verrous posés dès le départ par Bolkestein, quoiqu'en disent ses détracteurs. « Le fantasme d'une directive permettant au plombier polonais de débarquer en France pour effectuer un travail sans compter ses heures et avec un salaire de misère relève largement du faux procès à visée électoraliste », assène un eurodéputé allemand pourtant situé à l'aile gauche du parti social-démocrate.

Dans le détail, le Parlement a consigné noir sur blanc ce que la première version suggérait : il faut se conformer au droit social du pays où l'on effectue sa prestation, comme le prévoit la directive «détachement» de 1996. Que ce droit, ajoutent les amendements, soit régi par la loi ou par la convention collective. La règle vaut aussi pour le travailleur intérimaire. Les inspections nationales du travail pourront accroître leurs contrôles. Attention, prévient cependant la CES, la directive de 1996 n'efface pas toutes les possibilités d'abus.

Respect de la charte des droits sociaux

Enfin, mais comme l'avait déjà prévu le premier texte de 2004, la libéralisation des services doit respecter la Charte des droits sociaux fondamentaux de l'Union de 1989, de même que toute la législation communautaire sur les durées de travail, les congés annuels, les temps de repos, les salaires minimaux. Les opposants de gauche à Bolkestein en tirent argument pour y voir une remise en cause du modèle social français, en oubliant de préciser que l'Union ne fait que poser des planchers. Libre à chaque Etat membre d'adopter des réglementations plus contraignantes.

La directive Bolkestein focalise le débat sur le modèle économique européen. Le Parlement a clairement posé que la recherche de la croissance et la lutte contre le chômage ne devaient pas se mener au détriment d'un «modèle social élevé». Avec constance, il ajoute les objectifs de santé/sécurité au travail à celui de l'ouverture des frontières, inscrit dès le départ.

Le texte remanié va à présent repasser devant la Commission et le Conseil des ministres. Pour un objectif d'adoption définitive de la directive avant la fin de l'année : pour les partisans d'une Bolkestein «light», qui ont réussi à réunir 40 000 manifestants à Strasbourg au moment du débat parlementaire, la vigilance reste donc de mise.

Auteur

  • Christian Robischon