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Enquête

La justice réintègre les salariés «cédés»

Enquête | publié le : 14.02.2006 | Marie-Pierre Vega

En décembre 2003, puis en décembre 2004, IBM France transférait 110 de ses salariés de La Gaude (06) et de Corbeil-Essonnes (91) à l'américain AMCC. La cour d'appel d'Aix vient d'ordonner la réintégration d'une partie des collaborateurs, alors qu'AMCC a engagé une procédure de plan social.

Jusqu'où va la responsabilité du cédant dans une cession d'activité opérée au titre de l'article L122-12 du Code du travail ? La question se pose dans l'affaire qui met en scène IBM France, l'américain AMCC et des salariés «rachetés» puis menacés de licenciement.

L'histoire débute en décembre 2003. Contre l'avis des représentants du personnel, le constructeur informatique cède son activité de conception et de fabrication de commutateurs à haute vitesse à AMCC (Applied Micro Circuits Corporation), une société américaine dont le siège est à Sunnyvale, en Californie. A cette occasion, le fabricant de composants électroniques s'implante en France, à Sophia-Antipolis ; 40 salariés à La Gaude, où IBM emploie 600 collaborateurs et 300 sous-traitants, et 17 autres, à Corbeil-Essonnes (91), acceptent leur transfert dans le cadre de l'article L122-12, « sous la pression d'un chantage à l'emploi », selon les représentants du personnel. Un an plus tard, une deuxième équipe, constituée de 32 salariés à la Gaude et de 20 à Corbeil-Essonnes, spécialisée dans la technologie Power PC, subit le même sort.

Dénonciation

Coup de théâtre en décembre 2005 : AMCC annonce la suppression de la moitié de ses effectifs français. Mais, entre-temps, l'équipe «PowerPC» n'avait pas attendu pour dénoncer les conditions d'application du L122-12, et obtenu gain de cause auprès du TGI de Grasse, puis, le 8 décembre dernier, de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Celle-ci a ordonné la réintégration chez IBM. « L'équipe PowerPC a été cédée sans la fonction support indispensable à son activité. Son indépendance vis-à-vis du cédant et la pérennité économique de l'activité n'étaient pas garanties. Le juge en a conclu que le L122-12 était inapplicable », explique Dominique Clerico, secrétaire CGC du CE à La Gaude et secrétaire général adjoint du CCE d'IBM France.

« Plusieurs autres éléments suscitent des interrogations, ajoute, pour sa part, Patrick Felce, secrétaire CGC du CE d'AMCC France, qui a fait partie de la première équipe transférée. IBM n'a pas vendu ses brevets relatifs aux commutateurs à haute vitesse. Il a simplement donné à AMCC l'autorisation de les utiliser. Par ailleurs, AMCC sous-traite à IBM la fabrication des produits que nous concevons. Enfin, nous fonctionnons comme si nous étions un sous-traitant d'AMCC Etats-Unis. Les ventes de nos produits rentrent directement dans la caisse des Américains, qui nous reversent une somme couvrant tous nos frais, augmentée de 5 % à 6 %. »

Postes à définir

Interrogé, IBM se borne à confirmer qu'il demande « aux personnes qui veulent être réintégrées de se déclarer », selon la direction de la communication. Tous les salariés de la deuxième équipe cédée, à l'exception de trois personnes, ont demandé leur réintégration, sur des postes qu'il reste à définir. IBM devra en rendre compte devant les prud'hommes, le 22 février, dans le cadre d'une mission de conseiller rapporteur. « Lorsque nous en saurons plus sur les conditions de leur retour, nous entamerons la même procédure pour obtenir celui de la première équipe », indique Dominique Clerico.

La décision de justice suspend, provisoirement, la procédure de plan social engagée par AMCC. Elle vise le licenciement de tous les collaborateurs de la première équipe. Si AMCC la poursuit, c'est la fermeture pure et simple du site et le rapatriement du savoir-faire aux Etats-Unis. Une méthode maintes fois appliquée par l'américain, selon les experts du CE. Reste une question : IBM a-t-il voulu externaliser un plan social ? « C'est difficile à dire, estime Dominique Clerico. Mais il est manifeste qu'IBM a décidé de se désengager de certains développements jugés trop coûteux. »

IBM france

> Effectifs : 14 000 salariés.

> Chiffre d'affaires : 3,7 milliards d'euros.

AMCC FRANCE

> Effectifs : 110 salariés.

> Chiffre d'affaires : 10,7 millions d'euros.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega