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Les Pratiques

Restrictions à la liberté de rompre la période d'essai ou le CNE

Les Pratiques | L'AVIS DU JURISTE | publié le : 07.02.2006 | Alice Fages Juriste en droit social

Si le principe est que chacune des parties est libre de rompre le contrat de travail pendant la période d'essai sans motif ni procédure, la jurisprudence restreint cette liberté au fil du temps, en se fondant sur l'abus de droit. En toute logique, les tribunaux devraient avoir la même approche concernant la rupture du contrat nouvelles embauches qui, s'il n'est pas une période d'essai, s'en rapproche sensiblement.

L'étude de quelques décisions récentes des tribunaux relatives à la période d'essai, limitant le droit de rupture par l'employeur, devrait, sur bien des points, être transposable au CNE.

Ainsi, l'article L. 122-45 interdisant toute discrimination, notamment fondée sur l'état de santé, est opposable tant à la rupture de l'essai qu'à celle du CNE, qu'elle soit prononcée pendant la période de suspension ou peu après le retour du salarié dans l'entreprise, comme le révèle un arrêt du 16 février 2005 dans une affaire où l'employeur avait été sanctionné pour avoir mis fin à l'essai deux jours après la reprise de travail : l'employeur « avait manifestement souhaité écarter un salarié en raison de ses récents problèmes de santé », circonstances révélant l'intention de nuire (Cass. soc. n° 02-43.402). Les textes relatifs au CNE interdisant les mesures discriminatoires, des décisions de la même veine devraient être rendues, aussi est-il particulièrement déconseillé de rompre un CNE pendant une période de suspension du contrat ou au retour du salarié. Sans compter que les dispositions protégeant les salariées en état de grossesse et les victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent, ainsi que, selon la circulaire questions/réponses sur le CNE, les règles sur l'inaptitude physique, ce qui devrait rendre obligatoire le recours à la procédure de licenciement, en cas d'impossibilité de reclassement, sans pouvoir se prévaloir de la liberté de rupture.

S'agissant de la période d'essai, les employeurs pouvaient être tentés, pour justifier que la rupture du contrat est légitime et non abusive, de citer certains manquements du salarié. Ce n'est pas une bonne idée, comme l'a appris à ses dépens un employeur qui, ayant motivé la rupture de l'essai par une faute du salarié, s'est vu reprocher de ne pas avoir suivi la procédure disciplinaire et a été condamné pour procédure irrégulière (Cass. soc. 10 mars 2004, n° 01-44.750). Concernant le CNE, il a été clairement indiqué que la procédure disciplinaire était applicable, en cas de faute du salarié, ce qui devrait éviter de tels écueils.

En conclusion, qu'il s'agisse de la rupture de la période d'essai ou du CNE (et demain le CPE ?), la liberté de rompre le contrat, en principe sans motif ni procédure, n'est pas sans limites.

Auteur

  • Alice Fages Juriste en droit social