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Stagiaires, mode d'emploi

Enquête | publié le : 07.02.2006 | A. B.

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Stagiaires, mode d'emploi

Crédit photo A. B.

Contrairement à ce que laisseraient croire certains usages, l'emploi des stagiaires n'est pas sans conséquence pour l'entreprise, et quelques rappels à l'ordre juridiques viennent le confirmer. Voici, dans ce domaine, les règles de base en vigueur.

Quel est actuellement le statut d'un stagiaire ?

Les stagiaires ne sont pas considérés comme des salariés mais comme des étudiants (à l'inverse, par exemple, des stages dans le cadre de l'apprentissage). Ils ne bénéficient donc pas de RTT ni de congés payés. En théorie, l'employeur ne peut pas substituer le travail d'un stagiaire à celui d'un salarié. L'Urssaf, dans ses dossiers réglementaires, précise que le stagiaire ne doit pas tenir « un poste productif ». Or, selon le Medef, 10 000 stages sont des « emplois camouflés ».

Quelle est la protection sociale des stagiaires ?

Elle relève de l'établissement scolaire si le stage est obligatoire ou conventionné. Sinon, la prise en charge revient à l'employeur.

La rémunération est-elle obligatoire ?

Non. Mais si l'employeur veut bénéficier des abattements de charges sociales, l'indemnité doit être limitée à un certain pourcentage du Smic. Lorsque la gratification n'excède pas 30 % du Smic mensuel (25 % pour les stages facultatifs, par exemple, après l'obtention d'un diplôme), aucune cotisation n'est due. Lorsque la gratification excède 30 % du Smic, toutes les cotisations patronales et salariales sont dues (assurances maladie, vieillesse, accidents du travail et allocations familiales), y compris la contribution CSG/CRDS, sur la totalité de la somme versée.

Faut-il rédiger une convention de stage ?

Si celle-ci permet de déterminer de manière précise le cadre du stage, elle n'est pas obligatoire, mais fortement conseillée. « Elle est, par ailleurs, indispensable pour obtenir les exonérations de cotisations sociales », assure Viviane Stulz, avocate en droit social au cabinet Clifford Chance.

Certains établissements, tout comme certaines entreprises, ont un modèle type de convention. Il est important de préciser la nature et les objectifs pédagogiques du stage ; le montant de la rémunération ainsi que les primes et les avantages en nature (titres-restaurant) ; la protection contre les accidents du travail ; l'assurance en responsabilité civile ou encore les conditions de rupture. « On peut également ajouter des clauses spécifiques : le respect du règlement intérieur, la confidentialité...», poursuit Viviane Stulz.

La durée du stage est-elle limitée ?

En principe, non. Mais, selon la Caisse primaire d'assurance maladie, la durée ne peut pas excéder l'année universitaire. D'ailleurs, « plus un stage est long et plus on court le risque de requalification », assure Viviane Stulz.

Quel recours a le stagiaire en cas d'abus ?

« Plusieurs cas sont possibles, indique François Gaudu, professeur de droit à l'université Paris-1. On peut être face à une prolongation abusive au-delà de la durée prévue, à un stage d'observation qui n'en est pas un, ou à un stage en lieu et place d'un CDD ou d'un CDI, le tout non payé. » Dans ce cas, on peut faire appel à l'inspection du travail. Mais seul le conseil des prud'hommes peut requalifier le stage en contrat de travail et imposer le versement d'un salaire.

Francis X l'a appris à ses dépens. « La Cour de cassation a condamné, le 3 décembre 2002, cet hôtelier à quatre mois d'emprisonnement et à 7 518 euros d'amende pour services non rétribués ou insuffisamment rétribués », poursuit François Gaudu.

La convention de stage avait été détournée de son objet, et l'étudiant en BTS d'hôtellerie privé du bénéfice de sa formation. « Il avait été affecté à la réception de l'hôtel, de 23 heures à 7 heures, 7 jours sur 7, pour une durée de travail hebdomadaire comprise entre 56 et 63 heures, avec une rémunération fixée à 265 euros pour 190 heures ! »

Des sanctions pénales pour travail dissimulé peuvent aussi être prises. C'est le sens de l'arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2005. Les magistrats ont reconnu que Lisa A avait continué à travailler pour la société D jusqu'en octobre 2000 en étant rémunérée comme stagiaire, alors que la convention de stage se terminait le 30 juin 2000. L'employeur a été condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis et à 8 000 euros d'amende. Toutefois, les cas sont encore rares.

Lorsque le stagiaire s'estime floué, il peut saisir les prud'hommes pour obtenir la requalification de son stage en contrat de travail. Mais c'est à lui d'apporter la preuve de ce qu'il avance : qu'il a assuré une véritable prestation de travail, qu'il fait le même travail qu'un salarié, qu'il existe un lien de subordination juridique avec son employeur. Et que ce dernier doit avoir tiré un bénéfice de sa présence en entreprise.

Attention, toutefois, le stagiaire est là pour apprendre. C'est, en tout cas, le sens de l'arrêt de la Cour de cassation du 17 octobre 2000. « Les magistrats ont reconnu que cette activité, même génératrice de chiffre d'affaires, s'incrivait bien dans sa convention de stage ; cela étant, il est probable que la durée très courte du stage (un mois et demi) a pu avoir un impact sur cette décision, qui n'aurait sans doute pas été la même si le stage avait duré plusieurs mois », poursuit Viviane Stulz.

Un employeur peut-il mettre fin à la convention de stage sans motif ?

Oui. Contrairement à un salarié qui dispose d'un contrat de travail, un stagiaire peut être renvoyé sans motif. Aucun préavis n'est demandé et il ne perçoit pas d'indemnités.

Auteur

  • A. B.