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Enquête

« Casser les effets d'aubaine »

Enquête | ENTRETIEN AVEC | publié le : 07.02.2006 | A. B.

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« Casser les effets d'aubaine »

Crédit photo A. B.

E & C : Faut-il réformer les stages ?

M. V : Selon la loi du 21 janvier 1984 relative à l'enseignement supérieur, « des stages peuvent être aménagés dans des entreprises publiques ou privées ou dans l'Administration, ainsi que des enseignements par alternance ; dans ce cas, ils doivent faire l'objet d'un suivi pédagogique approprié ». Cette loi est le produit d'une alliance objective entre les employeurs et les responsables de l'enseignement. Les premiers, sous prétexte de pédagogie, pouvaient employer des jeunes à moindre coût. Les seconds y voyaient un moyen d'adapter l'enseignement tout en réduisant le nombre d'heures de cours et donc les coûts.

Le phénomène s'est aggravé à partir de 1994. Soumises à de fortes pressions budgétaires, les entreprises se sont mises à employer de plus en plus de stagiaires de moins en moins payés. Utiliser des stagiaires était devenu le seul expédient à la portée des managers de première ligne pour atteindre leurs objectifs. La charte de bonnes pratiques, proposée par le gouvernement, n'aura que peu d'effets sur ces managers-là, parce qu'ils sont liés à des objectifs de gestion.

E & C : Que pensez-vous des mesures annoncées par Dominique de Villepin dans le deuxième plan emploi ?

M. V : Presque toutes les entreprises profitent de l'effet d'aubaine et substituent des norias de stagiaires à des emplois rémunérés. Une réforme s'impose. Or, le Premier ministre propose de rémunérer les stages au-delà de trois mois. Mais la plupart d'entre eux ont une durée inférieure. Par ailleurs, les textes actuels incitent les employeurs à ne pas rémunérer le jeune plus de 30 % du Smic, pour bénéficier de l'exonération de charges sociales. Je crois qu'il faut changer cette règle du jeu.

E & C : Que proposez-vous ?

M. V : L'entreprise pourrait, par exemple, verser au stagiaire en fin d'études une prime de précarité (équivalant aux deux tiers du Smic par mois de présence) si elle ne l'embauche pas en fin de stage.

Par ailleurs, lorsque les établissements d'enseignement obligent les élèves à trouver un stage à dates fixes et sur des sujets définis, ils les mettent alors en position de faiblesse dans la négociation. L'élève doit accepter le job, même sans aucune indemnité, prenant ainsi la place de ceux qui pourraient obtenir davantage.

Il est donc urgent de réserver les stages aux étudiants en fin d'études. Il faut réduire la demande de stage pour assainir le marché de l'emploi des jeunes. Aux écoles de tenir leurs promesses pédagogiques, sans se décharger abusivement sur les entreprises ! Aux employeurs de rémunérer correctement le travail des débutants qu'ils emploient !

(*) Ancien directeur d'études chez Entreprise & Personnel, auteur du Guide des stages en entreprise, La Découverte, 3e édition, 2004.

Auteur

  • A. B.