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Enquête

Le choix risqué du whistleblower

Enquête | publié le : 31.01.2006 | Caroline Talbot, à new york

La loi Sarbanes-Oxley a libéré la parole des whistleblowers américains. Le dénonciateur est mieux protégé par la justice. Malgré cela, il risque toujours de perdre son emploi.

Le docteur Peter Rost, 46 ans, était cadre supérieur du laboratoire pharmaceutique Pfizer. Mais il n'aimait guère la façon dont son groupe assurait la promotion de l'hormone de croissance génotropin auprès des médecins. Le médicament, censé aider les jeunes patients jugés trop petits, était aussi, accusait-il, présenté comme un remède contre le vieillissement. Peter Rost a publiquement exposé ses craintes. Il est devenu ce que l'on appelle aux Etats-Unis un whistleblower, ou encore un «dénonciateur», et ses relations avec son employeur se sont tendues. On l'a changé de bureau, isolé, son téléphone et son email sont tombés en panne... Et il a finalement été renvoyé à la fin de l'année 2005.

Promesse de protection

Peter Rost fait partie du groupe des whistleblowers, en augmentation, qui ont été encouragés à dénoncer les mauvaises pratiques de leur entreprise après l'adoption de la loi Sarbanes-Oxley, en 2002. On demande, ainsi, aux salariés de signaler les erreurs et les fraudes commises au sein des entreprises cotées en bourse pour sauvegarder les intérêts des actionnaires. En échange, le législateur promet de protéger le whistleblower.

Plusieurs moyens de dénonciation

« Cette loi peut être efficace », assure l'avocat Stephen Kohn, président du Centre national des whistleblowers et auteur d'un livre-guide sur le sujet. Le dénonciateur potentiel dispose, dorénavant, de plusieurs moyens. Il peut s'adresser au Congrès, téléphoner à la SEC - le gendarme de la Bourse -, laisser un message anonyme sur la hotline de l'entreprise, aller voir son supérieur, ou encore contacter le comité d'audit du conseil d'administration, censé réaliser en toute confidentialité «une enquête indépendante».

Intervention de l'agence gouvernementale

Le plus souvent, le whistleblower rapporte des fraudes financières, de fausses représentations de produits pour accroître artificiellement les ventes... Si ce qu'affirme le dénonciateur se révèle intéressant, les juges de l'agence gouvernementale Osha (Occupational Safety and Health Organization) entrent en action.

« Avant Sarbanes-Oxley, assure Stephen Kohn, il y avait déjà des whistleblowers, mais ils n'étaient pas protégés. » Le mouton noir était renvoyé et son affaire traînait en justice durant plusieurs années. « Aujourd'hui, avant même que le processus judiciaire soit fini, le juge peut ordonner le retour du salarié dans son entreprise. » Et, souligne l'avocat, « l'employeur réfléchira bien avant de le renvoyer car il est passible de dix ans de prison. »

Considéré comme un traître

Malgré tout, les observateurs du phénomène whistleblower l'avouent, bien souvent, le dénonciateur se retrouve à la porte. « Vous êtes perçu comme un traître, explique Nell Minow, créatrice de la Corporate Library, une organisation qui défend le gouvernement d'entreprise. Personne ne voudra ensuite vous embaucher. » Et de citer l'exemple de Sherron Watkins, celle qui avait publiquement dénoncé les pratiques comptables du groupe Enron. L'héroïne en est réduite à intervenir dans des colloques pour gagner sa vie.

Stephen Kohn ne peut qu'approuver. Mais, ajoutet-il, « les conditions d'aujourd'hui sont bien meilleures pour négocier de juteuses indemnités de départ ».

Auteur

  • Caroline Talbot, à new york