On me consulte pour « examiner la capacité de rebond des équipes ». Et plus si affinités... J'y vais.
C'est toujours avec un grand plaisir que je découvre l'infinie variété des paysages d'entreprise, l'incroyable disparité des problèmes et, avec un peu d'expérience, la vanité des expertises en regard des solutions à imaginer pour réussir les missions demandées.
Ce client-là est un groupe industriel éreinté - ils sont légion - par une concurrence de pays à très bas salaires. De plan en plan, de fermetures de site en regroupements d'équipes, de délocalisations en diversifications, ce groupe a, bon an mal an, survécu à une multitude de traquenards et, finalement, réussi à sauvegarder assez d'emplois, de compétences, et de moyens financiers pour envisager encore de conquérir d'autres marchés moins exposés.
Bref, se trouver un autre avenir, en dehors de son métier d'origine.
Dans cette situation trop habituelle, il faut de la clairvoyance et de la volonté.
Ils ont les deux.
Ça ne suffit pas.
Il faut aussi de l'énergie en quantité. De l'énergie humaine, si on peut dire. Quelque chose de plus que la motivation ou que le devoir de faire. Quelque chose qui ressemble à la volonté farouche de continuer à agir malgré les contre-courants, à pelleter sa montagne d'ennuis avec la certitude de réussir à la fin. Sans autre justification crédible que la simple volonté de s'en sortir, même sans espoir d'y arriver. Quelque chose qui évoque davantage l'espérance que la statistique...
Je parle avec tous les gens qu'on me présente.
Discussions humainement très enrichissantes.
Pourquoi continuent-ils d'avancer malgré l'évidence d'un mauvais pronostic, et bien au-delà de ce qu'il est normal d'exiger de soi-même ou d'une équipe ?
Et cela menace-t-il de s'arrêter ?
Les réponses sont multiples. Rarement banales. Encourageantes pour beaucoup. Surprenantes quelquefois. Je veux citer les plus frappantes :
« Moi, je ne me pose plus la question. J'avance pour l'honneur, en quelque sorte. Je pense à ceux qui n'ont pas reculé dans des circonstances autrement dramatiques. Si la concurrence, c'est la guerre, moi, je ne suis pas un déserteur. Question d'idée qu'on se fait de soi, à mon avis. »
Avis enregistré.
« Moi, me dit un autre, je me rends compte que mes capacités personnelles ne sont pas ce que je croyais. Le nez dans le guidon du boulot quotidien, je jouais petit-bras. En regardant le monde et ce que font d'autres gens, ailleurs, je me trouve une réserve d'énergie incroyable. Cette réserve, j'ai décidé de l'exploiter. Et, à mon avis, tout le monde dispose de cette réserve. »
Avis recevable également. Merci de la leçon.
Finalement, il y a peut-être chez chacun de nous ce gisement d'énergie caché, qu'une réhabilitation d'une certaine forme d'honneur permettrait sûrement d'activer ?
Pierre-Loïc Chantereau <
