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L'actualité

La notion de sauvegarde de la compétitivité précisée

L'actualité | publié le : 24.01.2006 | Céline Lacourcelle

La Cour de cassation a admis qu'un licenciement économique est légitime dès lors que la réorganisation de l'activité a été mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir.

Deux arrêts de la Cour de cassation, du 11 janvier dernier, ont fait grand bruit. Ils font suite au licenciement économique de commerciaux de la société Pages Jaunes. Cette entreprise, pour s'adapter aux mutations technologiques, issues, notamment, d'Internet, décide, en 2001, de réorganiser son service commercial. Résultats : 9 suppressions de poste ; 42 créations de nouvel emploi et 930 contrats de travail de commerciaux modifiés. Plus d'une centaine d'entre eux refusent le changement.

Réorganisation

« Dès lors que l'entreprise envisageait la modification du contrat de travail d'au moins 10 salariés, l'employeur avait dû mettre en place un plan social et a donc procédé à des licenciements économiques, en invoquant une réorganisation indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, compte tenu des conséquences prévisibles de l'évolution technologique et de son environnement concurrentiel », explique Me Chantal Giraud-Van Gaver, de Coblence et Associés.

Mais voilà, les cours d'appel qui ont été saisies n'ont pas interprété de la même manière cette notion de sauvegarde de la compétitivité. Celle de Montpellier parle de « simple amélioration de la compétitivité » et de la volonté « d'accroître de façon notable les bénéfices dans un contexte concurrentiel nullement menaçant, dans la mesure où la société Pages Jaunes avait déjà pris des mesures nécessaires pour faire évoluer son activité ». A l'inverse, la cour d'appel de Dijon légitime la réorganisation, même si, au moment où elle est décidée, l'entreprise ne subit pas de difficultés économiques. La Cour de cassation a approuvé cette seconde approche et a admis qu'un licenciement économique est légitime dès lors que la réorganisation a été « mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi ». Autrement dit, « il n'est pas besoin d'avoir des difficultés existantes à la date du licenciement, mais prévisibles », analyse Me Agnès Cloarec-Mérendon, du cabinet Latham & Watkins, pour qui ces arrêts vont lever le flou dans lequel étaient plongés de nombreux DRH.

Approche managériale

« Il est intéressant à relever que la jurisprudence prend désormais en compte l'outil de plus en plus d'actualité qu'est la GPEC. Les juges ont eu une approche managériale en considérant la réorganisation comme ne se limitant pas aux suppressions d'emploi », note Me Sylvain Niel, avocat et président du Cercle des DRH.

Certains praticiens dénoncent cette décision comme le déverrouillage de l'article L.321-1, relatif à la définition du licenciement économique. Pire, pour Me Philippe Brun, l'avocat des commerciaux de Pages Jaunes, « c'est un lundi noir au cours duquel nous avons vu voler en éclats le droit à l'emploi comme valeur constitutionnelle. Cette décision est d'autant plus scandaleuse qu'elle va à l'encontre de la décision de quatre cours d'appel et de celle du tribunal administratif de Paris, qui avait permis, le 18 mai dernier, la réintégration des salariés protégés ». Pour lui, l'affaire n'en restera pas là, puisqu'il compte saisir la Cour européenne des droits de l'homme.

D'autres parlent d'une continuité, à l'instar de Me Agnès Cloarec-Mérendon et de Chantal Giraud-Van Gaver. Revirement jurisprudentiel ou pas ? La Cour de cassation s'en défend dans un communiqué et évoque, entre autres, la jurisprudence Vidéocolor (lire ci-dessous), du 5 avril 2005, maintes fois confirmée, et la décision du Conseil constitutionnel du 12 janvier 2002.

repères

L'arrêt Vidéocolor du 5 avril 1995

C'est lors de cet arrêt que la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise a été reconnue, pour la première fois, comme un motif économique autonome qui peut justifier une réorganisation de l'entreprise.

Auteur

  • Céline Lacourcelle