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Enquête

Le e-learning pour dépasser le handicap

Enquête | publié le : 24.01.2006 | Carole Bianchi

Le Centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) de Roanne a créé, en septembre 2004, un CAP agroalimentaire pour les personnes handicapées, en partie fondé sur le e-learning. Les apprentis ont ainsi pu délaisser CAT et ateliers protégés pour intégrer une entreprise.

Les dix apprentis handicapés du CFPPA de Roanne (Loire) n'avaient jamais utilisé un ordinateur de leur vie. La plupart en avait même peur. Aujourd'hui, ils envoient des e-mails et surfent sur Internet pour acheter des billets de train, faire des démarches... Il y a un peu plus d'un an, pourtant, le défi ne semblait pas si simple à relever.

En 2004, ce centre de formation professionnelle et de promotion agricole, qui utilisait déjà la Formation ouverte et à distance (Foad), décide, sous l'impulsion du programme européen eQuator*, d'expérimenter l'usage des nouvelles technologies auprès de personnes déficientes intellectuelles. « Nous avions constaté que plusieurs entreprises agroalimentaires, bien qu'obligées d'employer un certain nombre d'handicapés, n'arrivaient pas à trouver des personnes assez qualifiées », note Bernard Labonne, directeur du CFPPA depuis 2001.

Certificat de navigation Internet

Les formateurs planchent alors sur le contenu d'un CAP agroalimentaire (en deux ans) et mettent au point, à l'aide du logiciel Hot Potatoes, des modules e-learning de mathématiques, d'hygiène, de sécurité et de technologie alimentaires. Au total, 150 heures de conception ont été nécessaires pour réaliser 63 heures de modules. L'objectif étant, en premier lieu, pour ces jeunes de moins de 26 ans, d'obtenir un certificat de navigation Internet, indispensable pour se servir de la plate-forme sur laquelle les exercices et les cours sont en ligne.

Durant les cinq premières séances, la présence de deux formateurs n'a pas été de trop pour que les apprentis acquièrent assez d'autonomie face à l'ordinateur. « Il y a eu quelques crises de nerfs... », remarque Bernard Labonne.

Quatre groupes de niveau

L'avantage des exercices en ligne est qu'ils ont permis de définir quatre groupes de niveau, amenant les dix personnes handicapées à apprendre à leur rythme. « Ce système permet une grande souplesse et une facilité d'individualisation. Quand on y a goûté, on ne peut plus revenir en arrière ! », s'enthousiasme le directeur. Olivier, apprenti, est du même avis : « Je travaille à mon rythme, ça me plaît, donc je suis concentré. »

Et les comportements ont changé du tout au tout. Certains, qui n'osaient pas dire un mot en cours, se sont, au bout de quelques séances d'e-learning, dirigés vers leurs camarades, comme Benjamin, qui, grâce à ses facilités, a été « amené à aider les autres en cas de problème ».

Chez leurs employeurs, même schéma. Les dix apprentis, qui avaient le sentiment de « n'être que des bons à rien », se sont sentis valorisés par leurs nouvelles compétences. « De plus en plus de travaux s'effectuent à l'aide d'un ordinateur dans différents corps de métier. Cela nous permet de faciliter certaines tâches », indique Christophe. Certains patrons ont d'ailleurs déjà confié à leur apprenti l'utilisation de machines plus complexes.

Expérience renouvelée

Après l'obtention de leur diplôme, les personnes handicapées seront quasiment toutes assurées de signer un CDI dans l'une des 25 entreprises du bassin stéphanois ou des 30 autour de Roanne avec qui travaille le CFPPA.

Concluante, l'expérience doit être renouvelée dès février prochain, avec deux groupes de 12 élèves. Bernard Labonne envisage déjà de créer un autre CAP, axé sur l'horticulture.

* eQuator est un projet européen Equal qui s'inscrit dans la stratégie européenne coordonnée pour l'emploi. L'objectif étant de créer des formations professionnelles novatrices (en grande partie avec le e-learning) afin de faire face à la désaffection des métiers de basse qualification dans les PME/PMI des secteurs industriels et ruraux.

Auteur

  • Carole Bianchi