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Enquête

Le bonus- malus made in USA

Enquête | publié le : 17.01.2006 | Caroline Talbot, à New York

Les Américains croient depuis longtemps à l'effet incitatif de l'assurance accident variable pour améliorer la sécurité au travail.

Aux Etats-Unis, l'assurance pour les maladies professionnelles et les accidents du travail est une vieille histoire, qui s'inscrit au fil du temps, Etat après Etat. Les élus du Massachusetts ont, semble-t-il, tiré les premiers, en créant, en 1912, leur propre cadre législatif. Les autres Etats ont suivi. Et, finalement, tout le monde copie plus ou moins rigoureusement le même système, baptisé experience rating ou encore notation de l'expérience.

L'assurance de chaque entreprise dépend, ainsi, de la classification de son industrie - il y a environ 600 activités différentes répertoriées dans un Etat - et de ses propres performances en matière de sécurité. Si l'entreprise se révèle plus risquée que la moyenne de son industrie, elle paie plus. En revanche, si elle est en dessous de la moyenne, sa cotisation sera allégée.

Trois ans de statistiques

Les calculs réalisés par les assureurs s'avèrent très compliqués. Les professionnels regardent trois ans de statistiques d'une usine pour décider de leur taux. Et lorsqu'il s'agit d'une création d'entreprise, on prend la moyenne de son activité de rattachement, puis on intègre, année après année, les propres chiffres de l'entreprise dans les calculs. Ce système de bonus-malus est censé inciter les employeurs à améliorer les conditions de travail et de sécurité dans leurs usines. Car, moins il y aura d'accidents, plus légère sera la note de l'assureur. Mais ce raisonnement plein de bon sens a longtemps été mis en doute par les économistes, prompts à souligner les effets pervers du système.

Dans un article paru dans Rand Journal of Economics, en 1989, les professeurs de l'université Duke (Caroline du Nord) Kip Viscusi et Michael Moore évoquent, ainsi, le lien entre la croissance des cotisations et celle des déclarations d'accident. Lorsque la maladie est indemnisée, les salariés se déclarent plus facilement inaptes au travail et ils s'absentent plus longtemps de leur atelier. « De nombreuses déclarations d'accident sont enregistrées le lundi matin », écrivent les professeurs, ce qui laisse supposer que les accidents du week-end à la maison ne sont pas traités, afin de pouvoir bénéficier de l'assurance au travail. « Mais, poursuivent les deux universitaires, lorsque l'on regarde une autre variable beaucoup plus grave, le taux de mortalité au travail, cette fois-ci, le lien entre coût de l'assurance et sécurité dans l'usine est plus puissant. »

Une mortalité en hausse de 20 %

Michael Moore et Kip Viscusi ont passé au crible une population de 1 173 salariés au début des années 1980. Et ils ont calculé qu'en l'absence d'assurance, le taux de mortalité au travail aurait crû de 20 %.

Ces conclusions ne surprennent guère Paul et Deb Potter, de la société de conseil Potter and Associates, qui ont constaté, de visu, l'effet incitatif de l'assurance dans une usine du centre des Etats-Unis, spécialisée dans la fabrication de cornets en papier. La direction a proposé de partager, à parts égales avec son personnel, les économies réalisées sur ses cotisations lorsque la sécurité s'améliore. Les 200 salariés ont revu et corrigé leur façon de travailler. Et ils ont obtenu une ristourne de 100 000 dollars de l'assureur.

Ed Priz, auteur du livre The Ultimate Guide to Workers Compensation Insurance peut, lui aussi, témoigner de l'effet incitatif des bonus-malus : « Dans le bâtiment, quand un patron de chantier choisit ses différents corps de métier, il demande à ses sous-traitants leur taux d'assurance. Si ceux-ci sont trop élevés, le chef de chantier peut alors refuser le marché, car il ne souhaite pas travailler avec des entreprises potentiellement dangereuses. »

Selon un sondage réalisé par l'assureur Liberty Mutual, auprès de 231 directeurs financiers, 60 % d'entre eux estiment qu'un dollar investi en sécurité rapporte 2 dollars... en assurance.

Auteur

  • Caroline Talbot, à New York