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La valeur ajoutée mise à contribution

L'actualité | L'événement | publié le : 10.01.2006 | Anne Bariet, Emmanuel Franck

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La valeur ajoutée mise à contribution

Crédit photo Anne Bariet, Emmanuel Franck

Transférer en partie l'assiette des cotisations sociales patronales vers la valeur ajoutée de l'entreprise : telle est la proposition de Jacques Chirac. L'idée étant de construire un système de financement de la protection sociale qui joue moins contre l'emploi.

«TVA sociale» ou Cotisation sur la valeur ajoutée (CVA) ? Finalement, c'est la deuxième solution qui recueille les faveurs de Jacques Chirac. En présentant ses voeux aux Français, le 31 décembre, le président de la République avait créé la surprise en esquissant cette idée. Il a réaffirmé sa proposition, le 5 janvier, lors des voeux aux syndicats et aux associations, et ce, malgré l'opposition farouche du Medef.

Concrètement, selon son calendrier, la réforme du financement de la protection sociale devrait être engagée d'ici à la fin 2006.Tout d'abord, les partenaires sociaux seront consultés, puis le projet sera soumis au Conseil d'orientation pour l'emploi, nouvel organisme créé par décret en 2005. Le dispositif pourrait, alors, être voté dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), à l'automne.

Masse salariale

A l'origine de cette réforme, un constat : les cotisations sociales, assises sur la masse salariale, pèsent trop sur l'emploi et la croissance. « Aujourd'hui, plus une entreprise licencie, plus elle délocalise, et moins elle paie de charges, a, ainsi, déclaré le président de la République. Il faut que notre système de cotisations sociales favorise les entreprises qui emploient en France. » D'où l'idée de basculer « une fraction des cotisations sociales patronales sur une cotisation assise sur l'ensemble de la valeur ajoutée des entreprises ». Autrement dit, ne pas asseoir les cotisations uniquement sur les salaires versés mais aussi sur les profits réalisés.

Cette solution aurait le mérite de favoriser les entreprises à forte main-d'oeuvre, les hôtels-restaurants, le textile, les industries métallurgiques, pénalisées par le mode de prélèvement actuel. A l'inverse, ce nouveau système pourrait désavantager les entreprises capitalistiques, les secteurs de l'énergie, des télécommunications, des transports, des banques, à plus forte valeur ajoutée, et donc favorisés par l'assiette actuelle.

Basculement des coûts

« Il s'agit, en fait, de faire basculer les coûts en matière sociale entre secteurs à faible et à forte valeur ajoutée, indique Gérard Lassaux, directeur d'Audexor, un cabinet d'expertise comptable. D'un côté, on favorise les services de proximité, employeurs de main-d'oeuvre, de l'autre, on renchérit le coût des entreprises exportatrices à forte valeur ajoutée. Cette incidence implique, toutefois, une analyse approfondie. »

L'idée de la CVA n'est pas nouvelle. Dès 1997, Jean-François Chadelat, ancien président du Fonds de solidarité vieillesse, avait évoqué cette piste de réforme. Il proposait, à l'époque, le transfert progressif des 12,8 points de cotisation sociale d'assurance maladie sur une nouvelle cotisation assise sur la valeur ajoutée. Commandé par Alain Juppé, en 1996, le rapport avait été remis l'année suivante... à Lionel Jospin. Une idée qui figure pourtant dans l'actuel projet de campagne des socialistes.

Baisser le coût du travail

Selon Gérard Cornilleau, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), cette piste pourrait créer 200 000 emplois d'ici à cinq ans : « Pour baisser le coût du travail, un premier pas avait été franchi avec l'allègement des cotisations patronales sur les bas salaires (actuellement de 1,6 Smic). Le pas suivant serait, effectivement, d'élargir l'assiette de cotisations à l'ensemble de la valeur ajoutée, c'est-à-dire à l'ensemble des revenus d'une entreprise, le travail et le capital. » Pour Rexecode, en revanche, cette piste pourrait nuire à l'attractivité du territoire. Le rapport Malinvaud, de 1998, avait, d'ailleurs, écarté cette piste au nom de l'investissement.

Les syndicats de salariés ont réagi favorablement à la CVA. La CFDT, la CGT, FO et la CFTC n'ont pas boudé leur plaisir à l'annonce de cette mesure qu'ils réclamaient depuis longtemps. Seule la CFE-CGC a émis des réserves, indiquant qu'elle demandait « plutôt » une cotisation sur la consommation : la TVA sociale (lire encadré).

Les réactions des fédérations patronales UPA (artisanat) et CGPME ont également été positives, mais pour une autre raison. Elles y voient plutôt un moyen de réduire les charges sociales. L'UPA a ainsi déclaré qu'elle souhaitait mettre en place un « ratio entre le chiffre d'affaires et les salaires », afin de réduire les charges des entreprises à forte main-d'oeuvre. La CGPME accepte aussi d'ouvrir des négociations si « l'objectif est de faire baisser les charges sociales ». Quant au Medef, plus critique, il a qualifié cette mesure de « simpliste » et a souligné le risque que la CVA pénalise l'investissement.

Valeur ajoutée.

La TVA sociale.

Repères

Elle correspond à la valeur de la production, de laquelle on soustrait la consommation intermédiaire (matières premières ou énergie). Cette valeur ajoutée est, ensuite, distribuée sous forme de salaires, de dividendes aux actionnaires, d'intérêts d'emprunts, d'impôts, de taxes et de cotisations, de bénéfices ou de réserves pour des investissements futurs.

Le principe, défendu par la CFE-CGC, consiste à remplacer les cotisations patronales maladie par une cotisation assise sur la consommation (CSC). Le site web de la Confédération des cadres donne l'exemple suivant : soit un bien coûtant, actuellement, 120 euros, décomposés en 20 euros de TVA, et 100 euros hors taxe, dont 3 euros de cotisation maladie. La CGC propose que ces 3 euros de cotisation maladie soient financés par une cotisation du même montant sur la consommation. Ainsi, le bien coûte toujours 120 euros répartis comme suit : 20 euros de TVA, 3 euros de CSC et 97 euros hors taxe. Le produit gagne en compétitivité par rapport à ceux importés, et son prix reste le même pour le consommateur. Mais le modèle repose sur le pari que le fabricant répercutera la baisse de 3 % des charges sociales sur son prix de vente hors taxe.

En 2004, les cotisations sociales patronales ont représenté 185 milliards d'euros (85,5 milliards pour les salariés).

Auteur

  • Anne Bariet, Emmanuel Franck