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Enquête

Un an après les dérapages de MSP

Enquête | publié le : 10.01.2006 | Fanny Guinochet

Il y a un an, Décathlon était accusé de pratiques peu éthiques chez un de ses sous-traitants thaïlandais, MSP Sportswear. Le distributeur sportif a, depuis, fait réaliser un audit SA 8000. Le collectif «De l'éthique sur l'étiquette» juge la réaction un peu courte.

En décembre 2004, le collectif «De l'éthique sur l'étiquette», qui regroupe 44 associations de consommateurs, syndicats et organisations non gouvernementales, dénonçait, en Thaïlande, un cas flagrant de violation des droits de l'homme. Les faits reprochés concernent un licenciement abusif après une forte pression antisyndicale sur trois ouvrières, en octobre 2004, chez MSP Sportswear, un fournisseur textile. Dans cette même usine, un dépassement du maximum des heures autorisées par la loi du pays ainsi que des abus sur la personne, de type fouille au corps s'apparentant à des attouchements sexuels, ou encore une qualité défaillante de l'eau étaient également évoqués.

Audit complet

Ce réquisitoire était fondé sur un rapport effectué par le Clist (Centre for Labour Information, Service and Training). En ligne de mire, l'entreprise française Décathlon. Un an après, l'enseigne sportive estime avoir fait le nécessaire, lançant un audit complet dans cette usine selon les critères visés par la norme SA 8000 (âge minimum de travail, travail forcé, santé, sécurité, rémunérations, heures de travail...). Pour remédier aux heures supplémentaires, un nouveau planning a été mis en place. Quant aux trois ouvrières, elles ont rejoint leur poste de travail. Concernant, enfin, les accusations de fouille ou de qualité de l'eau, le distributeur de sport juge, après enquête, ces éléments infondés.

Référence à la législation locale

L'argument principal de Décathlon consiste surtout à rappeler que n'ayant pas d'usine en nom propre, le groupe n'a d'autre possibilité, en cas de dérive, que celle de se retourner vers la législation en vigueur et de se référer à l'appareil judiciaire local. « Nous ne pouvons nous substituer à la justice locale. Nous avons saisi les autorités sur place. La procédure est en cours. En tant qu'entreprise étrangère, nos moyens sont donc limités », souligne Frédéric Croccel, le porte-parole du groupe. Et le responsable de la communication, seul habilité à parler sur le sujet, d'expliquer combien les 2 000 sous-traitants du groupe, répartis dans 20 pays du globe, sont soumis à un contrôle de la part de 400 responsables, tous salariés de Décathlon. Appelées products leaders, ces équipes internes ont pour tâche de vérifier le respect des délais et des prix, la qualité des produits, jusqu'à l'application de la charte sociale.

Contrôles insuffisants

« C'est bien là que le bât blesse. Il faudrait des vérifications séparées. On ne contrôle pas de la même façon si une chaussure de sport répond aux normes de qualité et si les gens travaillent dans de bonnes conditions ! », explique Jean-Michel Bailly, porte-parole du collectif «De l'éthique sur l'étiquette». Et, à l'entendre, les contrôles effectués par des cabinets d'audit externes (Décathlon fait, par exemple, appel à Véritas International et à ITS) sont loin d'être suffisants.

Il n'empêche, Décathlon n'est pas la seule entreprise à être citée dans ce cas de dérive de responsabilité sociale. Nike est également concernée, puisqu'elle se fournit chez MSP Sportswear. Pour autant, la société américaine n'a pas souhaité commenter l'affaire, arguant une absence de sa directrice de communication, seule habilitée à répondre à nos questions.

Respect des pratiques éthiques

Le géant américain s'est pourtant beaucoup investi sur le sujet du respect des pratiques éthiques. Nike a notamment effectué un important travail de transparence, allant même jusqu'à dévoiler, en 2001, dans un rapport accablant, les conditions de travail chez un de ses sous-traitants indonésiens. Face à ces effets d'annonce, Jean-Michel Bailly n'est pas dupe : « Oui, des progrès sont notables, car les entreprises ont compris qu'elles pouvaient subir une forte dégradation d'image, dans le cas du travail des enfants notamment. Elles ont donc mis un système de protection pour éviter ce type de scandales, mais, par ailleurs, il reste encore beaucoup à faire. »

Auteur

  • Fanny Guinochet