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Des fournisseurs socialement responsables : comment faire ?

Enquête | publié le : 10.01.2006 | Guillaume Le Nagard

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Des fournisseurs socialement responsables : comment faire ?

Crédit photo Guillaume Le Nagard

Pour les grands groupes qui s'engagent, désormais, largement dans des démarches RSE, et y jouent leur image, les défaillances d'un fournisseur peuvent avoir des effets ravageurs. Comment imposer une qualité sociale à des sous-traitants en cascade, dans des pays émergents ? Les audits trouvent vite leurs limites. Le conseil et la réflexion sur l'acte d'achat semblent plus prometteurs.

« Le père Noël est vraiment une ordure. » L'affirmation vient, cette fois, du mensuel 60 millions de consommateurs, qui, dans son édition de décembre, reprend les conclusions de l'ONG China Labor Watch sur les conditions de travail chez les fournisseurs des multinationales du jouet. Au-delà de cet exemple, les fêtes de fin d'année conduisent le grand public à s'interroger sur le sort des salariés des pays émergents.

Car, si les grandes entreprises cotées au Dow Jones ou au CAC 40 se sont, désormais, généralement engagées vis-à-vis de leurs actionnaires à faire respecter des chartes ou des codes de conduite, des normes ou des référentiels, assurant aux travailleurs le respect d'un certain nombre de droits sociaux fondamentaux, ceux-ci, du Mexique à la Chine, en passant par l'Ouganda ou le Bangladesh, par exemple, ne semblent pas toujours en profiter. C'est le cas de la majorité des 15 000 ouvriers de la province de Canton, concernés par l'enquête 2005 de China Labour Watch, qui travaillent au-delà de 11 heures par jour et sept jours sur sept. « Pourtant, Mattel ou Hasbro, parmi les principaux donneurs d'ordres, ont adopté des codes de conduite incitant leurs fournisseurs à respecter la législation locale », rappelle l'ONG.

Manque de progrès réels

Avec un recul de parfois dix ans sur l'adoption de chartes et de codes de conduite, pourquoi semble-t-il aussi difficile d'enregistrer des progrès réels ? Comment passer de la déclaration aux pratiques ou, pour parler un langage managérial, décliner des objectifs corporate au plus près du terrain ? La question du contrôle des engagements se pose, bien sûr, de façon plus critique loin du siège, au sein de filiales ou de joint-ventures dans des pays où le droit local ou l'Etat sont défaillants et chez les sous-traitants et les fournisseurs. Et elle mène à s'interroger aussi sur les meilleurs outils, ainsi que sur les acteurs et les partenaires les plus légitimes pour faire évoluer les pratiques.

Pacte mondial de l'ONU

Les chartes et les normes concernant la responsabilité sociale se sont multipliées : internes et unilatérales, émanant d'organismes privés comme la SA 8000 ou la AA 1000. Pour plus d'un millier de grandes entreprises, non américaines, la RSE a aussi pris la forme d'un engagement dans le programme du Pacte mondial de l'ONU, qui leur impose de respecter dix principes fondamentaux et de faire la preuve, tous les deux ans, d'une amélioration de leurs pratiques dans un de ces domaines.

Les audits de RSE, qui sont essentiellement des audits de conformité aux référentiels issus des chartes ou des normes, se sont multipliés. Des dizaines de milliers d'inspections ont lieu chaque année chez des fournisseurs et des sous-traitants à la demande de centaines de marques internationales de textile, par exemple. Des centaines de critères sont passés en revue par un auditeur ou par une équipe interne au donneur d'ordres, ou travaillant pour l'un des spécialistes de l'audit de qualité et de sécurité (SGS, ITS, Bureau Veritas). Mais la fiabilité des audits est parfois remise en cause et, surtout, faute d'actions correctives imposées sur les points les plus «politiques» ou lourds à financer (liberté syndicale, salaires, horaires), ils n'apparaissent que comme un préalable insuffisant.

Actions de progrès

Plus qu'une conformité à un référentiel, certaines entreprises cherchent donc, avant tout, à engager leurs partenaires dans des actions de progrès. « Nous essayons de mettre en oeuvre vis-à-vis des fournisseurs une action adaptée à la réalité, indique ainsi Gilles Vermot-Desroches, directeur développement durable de Schneider Electric. D'abord, parce qu'il serait faux de croire que les donneurs d'ordres sont tout-puissants chez leurs sous-traitants : les nôtres, spécialisés dans les produits électroniques élaborés, sont souvent eux-mêmes des multinationales. Ensuite, parce que ce sont nos 450 acheteurs qui travaillent sur ce sujet et qu'il faut adapter un outil cohérent avec la pression économique. Chacun d'eux ne peut pas être un responsable RSE. »

Sensibilisation

Schneider Electric a donc choisi « non pas d'auditer ni de vérifier, mais de mobiliser » ses fournisseurs et sous-traitants pour qu'ils adhèrent au Pacte mondial de l'ONU et respectent ses dix principes. Ce critère est intégré au «baromètre société et environnement» de Schneider, l'objectif étant de passer de 5 % de fournisseurs inscrits au début de 2005 à 60 % à terme. Ils sont aujourd'hui 7 %. Le principe de réalité obligera d'ailleurs l'entreprise à examiner l'inscription à un équivalent du «Global compact» pour ses fournisseurs américains. Pour des raisons, notamment, politiques, les entreprises originaires des Etats-Unis n'ont jamais été signataires, jusqu'à présent, de ce programme.

Accords-cadres globaux

Autre approche retenue par une cinquantaine d'entreprises : la mise en oeuvre d'accords-cadres globaux, assurant à tous leurs salariés dans le monde des droits sociaux fondamentaux, et contraignant ou encourageant leurs fournisseurs et leurs sous-traitants à adopter tout ou partie de ces engagements (lire ci-contre). Il s'agit de sociétés d'origine européenne pour l'essentiel, les américaines n'ayant pas la même confiance dans le dialogue avec les syndicats. Parmi les sociétés d'origine française, Lafarge a suivi sur ce terrain Renault ou EDF (lire Entreprise & Carrières n° 734 et n° 749). En Allemagne, Volkswagen a fait partie des pionniers (lire p. 18). Ces dispositifs intègrent, dans le jeu de l'amélioration des pratiques, les partenaires sociaux au niveau international d'une fédération correspondant à leurs métiers, et, parfois, en interne avec ses représentants syndicaux des différents pays d'implantation.

Logique d'acteurs

« La mise en oeuvre des droits sociaux dépend d'une logique d'acteur ; on y parvient mieux quand il se trouve des gens dans l'entreprise pour les défendre, plaide-t-on, par exemple, à la CFDT. Notre problème n'est pas de contrôler, mais d'avoir un levier, un point d'appui pour faire évoluer les pratiques. » Mais si les confédérations sont bien conscientes d'avoir à répondre à cet enjeu international, les accords-cadres leur fournissent peut-être un modèle à l'européenne de régulation sociale de la mondialisation.

L'essentiel

1 Pour les entreprises socialement responsables, les fournisseurs et sous-traitants sont un facteur de risque important.

2 Les chartes sociales se sont multipliées, comme les audits de conformité s'y rapportant, notamment chez les fournisseurs des pays émergents. Ces contrôles sont rarement suffisants.

3 Une réflexion sur l'acte d'achat, et un engagement de long terme auprès des fournisseurs, en contrepartie d'évolutions de leurs pratiques, semblent plus prometteurs.

4 Une autre solution, encore rare, consiste à intégrer les partenaires sociaux dans une démarche RSE, autour d'accords-cadres internationaux.

Auteur

  • Guillaume Le Nagard