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T'as de beaux voeux, tu sais...

Demain | Chronique | publié le : 10.01.2006 | De P.-L. Chantereau

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T'as de beaux voeux, tu sais...

Crédit photo De P.-L. Chantereau

Réflexion post-prandiale un peu embuée. C'est l'époque qui veut ça. Plusieurs bouteilles de (très bon) champagne ont déjà succombé aux appétits de ce déjeuner complémentaire de fête quand vient l'inévitable moment des voeux croisés.

« Et alors, toi, qu'est-ce qu'il faut te souhaiter d'essentiel ? »

L'homme questionné ainsi jouit d'une forte réputation de grand travailleur, capable de pulvériser tous les compteurs du cabinet d'avocats qui l'emploie et qui, pourtant, est déjà réputé comme un bagne par tous ceux qui y ont fait des passages en début de carrière.

« Moi ? Bah, pas grand-chose. Ou la même chose. Plein de clients. Plus de dossiers gagnés que de dossiers perdus. Pas d'incidents graves de procédure. Un peu plus de parts d'associé en fin d'exercice. Et ça ira. Ah oui, j'oubliais. Et pas d'ennuis graves dans ma famille. Voilà. C'est tout. »

Bon. Moue désabusée de sa voisine, qui doit trouver que c'est un peu court comme projet de vie.

On passe un tour. C'est le moment d'un couple timide, qui ne se sépare pas de plus d'un mètre depuis le début du week-end.

« Nous, ce qu'on aimerait, c'est être mutés près de chez nous. Pour commencer une vraie vie de famille. Enfin, vous voyez, quoi. » Tout le monde voit. Le côté amoureux de Peynet et le catalogue Cyrillus en même temps, manifestement, ce n'est pas la tasse de thé des autres. Mais bon, on reste polis, dans ce groupe constitué un peu au hasard par fusion de deux sous-groupes en rade de réveillon.

Le tour de table continue. On en vient à un invité un peu plus jeune, qui n'a guère quitté ses écouteurs d'I-Pod depuis le début du week-end, sourire extatique en permanence, et à la lèvre, un mégot qui ne sent pas que le tabac.

« Mouaih, moi, je dis qu'il faudrait bosser un peu moins et rigoler un peu plus. Voilà mon projet. Et dépolluer nos relations de tous les faux-semblants, pendant qu'on y est. » Pas de protestation. Mais on sent quand même que le niveau des emprunts du monsieur doit être assez inférieur à celui des autres invités, qui travaillent dur pour s'installer un cadre de vie très confortable, au prix d'angoisses récurrentes sur leur avenir professionnel à court terme.

Jusque-là, que du banal. Un workmaniac, des Lequesnois en début de carrière, et un post-soixante-huitard attardé. Ah, il reste un invité. Ecoutons-le :

« Eh bien moi, en 2006, je prends le pari de remettre une cloison entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle. Avec le Net et mon portable, je me suis laissé envahir complètement. Au début, j'ai cru que c'était une liberté nouvelle. Aller faire une course tout en restant disponible pour le client. Partir en week-end, mais pouvoir lire mes mails. Et puis, j'ai dérivé. Aujourd'hui, ma vie est devenue perméable à tous les soucis du bureau. Et je me suis surpris, l'autre jour, à coucher ma fille tout en lisant mes SMS ! »

Silence coupable de tous les autres. On sent que ce garçon n'est pas le seul à avoir dérivé...

Le dessert arrivant, personne ne m'a posé la question. Je donne ma réponse quand même. Je me souhaite et je souhaite à tout le monde les voeux cumulés de tous les autres : des relations plus authentiques, du travail en quantité suffisante, des fous rires à volonté, et, surtout, une cloison rétablie entre chacun de nous et notre travail, qui ne peut nous rendre libres qu'à la condition de ne pas prendre toute la place.

Bonne année !

Pierre-Loïc Chantereau <www.equation-management.com>

Auteur

  • De P.-L. Chantereau