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Demain

Limiter l'exclusion du travail des personnes handicapées

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 10.01.2006 | Violette Queuniet

La loi «Handicap» du 11 février 2005, dont de nombreuses mesures sont applicables à partir de 2006, ne devrait pas voir augmenter de façon significative la contribution financière des entreprises. A condition que celles-ci mettent tout en oeuvre pour faciliter l'emploi des personnes handicapées durant leur parcours professionnel.

E & C : Qu'est-ce que vont changer, pour les entreprises, les nouvelles dispositions de la loi du 11 février sur le handicap ? L'augmentation de leur contribution financière, par exemple, est un sujet d'inquiétude pour beaucoup...

Jacques Baudez : Le premier changement concerne le quota de travailleurs handicapés. Il reste à 6 %, mais n'est plus calculé de la même façon. Jusqu'à présent, un certain nombre d'emplois, qui requéraient des aptitudes particulières, étaient défalqués de l'effectif de l'entreprise. Par ailleurs, un salarié handicapé pouvait représenter une ou plusieurs «unités bénéficiaires» en fonction de son âge, de son ancienneté, de la gravité de son handicap. A partir de 2006, chaque salarié handicapé compte pour un ; donc, par effet mécanique, le taux d'emploi des entreprises va diminuer. Deuxième chose : la loi de 2005 a voulu renforcer l'obligation d'emploi, car on constate actuellement une stagnation de l'emploi des personnes handicapées. La contribution à l'Agefiph est donc augmentée de 100 fois le Smic horaire par unité manquante et il est prévu, aussi, qu'une entreprise qui, pendant trois années de suite, n'aura fait aucun effort en matière d'emploi de personnes handicapées, contribuera jusqu'à 1 500 fois le Smic horaire, c'est-à-dire quasiment dix mois de salaire. Mais, parallèlement, la loi introduit la possibilité de déduire les sommes engagées par l'entreprise pour faciliter l'insertion ou le maintien dans l'emploi de personnes handicapées - ces déductions devraient être limitées à 10 % de la contribution Agefiph. La sous-traitance avec le milieu protégé - entreprises adaptées, centres d'aide par le travail - donne lieu à une déduction revalorisée. Enfin, des déductions sont prévues pour tenir compte des efforts de l'entreprise en faveur des personnes handicapées les plus en difficulté (handicap lourd, âge, durée du chômage...). Toutes ces déductions feront qu'au total, la contribution à l'Agefiph n'augmentera pas dans les proportions que craignent, aujourd'hui, les entreprises. Les nouvelles modalités s'appliquent pour les contributions dues à partir de 2006 : pas de changement, donc, pour la contribution 2005 payable en mars 2006. Les entreprises auront le temps de comprendre les règles du jeu et l'Agefiph fera un travail important d'explication et de communication.

E & C : Ces mesures auront-elles un réel impact sur l'augmentation de l'emploi des travailleurs handicapés ?

J. B. : Cette nouvelle loi tente de faire en sorte que l'emploi des personnes handicapées devienne une préoccupation naturelle des entreprises. Cela se traduit, par exemple, par l'obligation de négocier annuellement sur le sujet de l'emploi des travailleurs handicapés. L'introduction de la notion de «mesures appropriées», qui doivent être mises en place par les entreprises pour faciliter l'accès à l'emploi des personnes handicapées, le principe de non-discrimination tout au long de la vie professionnelle des personnes handicapées sont aussi de nature à améliorer leur place dans l'entreprise.

Le taux d'emploi devrait également progresser dans le secteur public, puisque la loi crée un fonds spécifique pour les trois fonctions publiques (Etat, territoriale, hospitalière). Cela dit, il faut noter qu'une embauche sur deux de travailleur handicapé se fait dans une entreprise de moins de 20 salariés et que ce chiffre augmente depuis des années. Or, ces entreprises ne sont pas soumises à l'obligation d'emploi. Cela prouve bien que l'insertion fonctionne au-delà des contraintes législatives et réglementaires.

E & C : Dans la mesure où il faudra travailler plus longtemps avant de partir en retraite, les efforts ne doivent-ils pas porter, en priorité, sur le maintien dans l'emploi - notamment par l'aménagement de poste ou le reclassement - des personnes handicapées ?

J. B. : C'est, en effet, extrêmement important, surtout quand on sait que 83 % des travailleurs handicapés le deviennent au cours de leur vie - du fait d'accidents, de maladies ou de l'usure au travail. Mais le maintien dans l'emploi est difficile à organiser : il oblige, compte tenu des contraintes juridiques, à agir de façon anticipée et demande à faire travailler ensemble un grand nombre d'acteurs : médecin du travail, médecin-conseil, chef d'entreprise... Les résultats atteints aujourd'hui sont en progression. De nombreux efforts doivent encore être accomplis par les acteurs de la prévention, de la santé au travail et du reclassement pour limiter l'exclusion du marché du travail. La sortie du chômage est difficile pour le public valide, elle l'est encore davantage pour les personnes handicapées. Même si le maintien dans l'emploi a un coût parfois élevé, c'est un coût moindre que celui d'une personne au chômage.

La part de l'autre, Eric-Emmanuel Schmitt, Livre de poche, 2003.

La traversée de la nuit, Geneviève Anthonioz de Gaulle, Points poche, 2001.

Mon pays réinventé, Isabel Allende, LGF poche, 2003.

parcours

Jacques Baudez a travaillé dans les ressources humaines au sein du groupe Unilever, avant de rejoindre l'Agefiph (Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées), en 1997.

D'abord chargé de mission à la direction technique, il est devenu responsable du département des études et de la prospective, dont la dernière réalisation est l'Atlas national 2005-L'emploi et l'insertion professionnelle des personnes handicapées (consultable sur le site de l'Agefiph : www.agefiph.fr).

Auteur

  • Violette Queuniet