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Les Pratiques

Les hypers accumulent les procès en Pologne

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 03.01.2006 | François Gault, à Varsovie

En dix ans, 207 hypermarchés se sont créés en Pologne, appartenant tous à des enseignes internationales. Mais, selon l'inspection du travail et les syndicats, les conditions de travail y sont exécrables.

En Pologne, il arrive que les syndicats reçoivent le concours inattendu de l'Eglise. « Ce n'est pas du libéralisme, c'est la jungle ! Les employés qui travaillent dans les hypermarchés sont exploités ! » : ce cri d'indignation est celui de Jozef Zycinski, l'archevêque de Lublin, une ville de 360 000 habitants, au sud-est du pays, région où le chômage approche les 30 %.

Depuis dix ans, en Pologne, les hypermarchés ont poussé comme des champignons. Aujourd'hui, il en existe 207. Tous appartiennent à des enseignes internationales, françaises, allemandes, britanniques, portugaises, autrichiennes. Ils emploient 160 000 salariés. Leurs ventes atteignent plus de 10 milliards d'euros par an. Et ils contribuent au PIB polonais à hauteur de 8 %.

Droit du travail bafoué

Dans ces grandes surfaces, selon l'inspection du travail comme selon les syndicats, les conditions de travail et de rémunération sont souvent désolantes. « Quotidiennement, le droit du travail n'y est pas respecté : c'est notre grand problème !, constate Miroslaw Nowicki, responsable du syndicat Solidarité des travailleurs de l'alimentation. Et, lorsque des salariés tentent de créer un syndicat, souvent, la direction les licencie ! »

Contrôles, enquêtes judiciaires, rapports : depuis trois ans, l'inspection nationale du travail (PIP) répertorie les infractions au code et fait condamner les chaînes de la grande distribution. En 2000, un hypermarché polonais sur trois se trouvait en infraction.

Pour la seule année 2004, par exemple, les rapports des inspecteurs du travail sont accablants : 67 % des infractions concernent des entorses aux congés ou aux repos légaux ; 52 %, la durée du travail ; 46 %, le temps de repos sur les lieux de travail ; 56 % les contrats de travail défectueux. Le reste est à l'avenant.

Des dizaines de procès

Chez Biedronka (un hypermarché portugais), en 2003, une femme enceinte est contrainte de transporter des marchandises lourdes sans chariot. En outre, ses heures supplémentaires ne lui sont pas payées. La jeune femme fait un procès. Et elle obtient 10 000 euros de dommages et interêts. Dans la foulée, des dizaines d'autres procès vont suivre. En 2004, 2 266 employés ont reçu des réparations financières pour 170 000 euros et 554 salariés ont récupéré 3 728 jours de vacances qui leur étaient dus.

Pour l'archevêque Zycinski, il ne s'agit pas de l'exploitation de salariés polonais par des chaînes d'hypermarchés étrangères : « Ce sont bien souvent les cadres des directions polonaises qui, s'intéressant uniquement à leurs bénéfices, veulent se distinguer et prouver leur talent ! », estime-t-il. A long terme, cette situation risque de compromettre tout dialogue social. Elle risque aussi de mettre à mal la crédibilité des DRH polonais.

Auteur

  • François Gault, à Varsovie